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L’homme comme animal politique

Publié le 10/04/2014

Extrait du document

 

L’intérêt est-il l’unique lien social ?

Peut-il y avoir une société sans Etat ?

Les lois ont-elles pour but la paix ou la vertu ?

L’Etat doit-il assurer le bonheur des citoyens ? (Politique ; le bonheur)

Le politique est-il en droit de faire abstraction de la morale ? (Politique ; morale)

L’Etat est-il un mal nécessaire ?

La démocratie peut-elle échapper à la démagogie ?

L’exercice du pouvoir entraîne-t-il nécessairement l’abus de pouvoir ?

Quelle est la mesure de l’efficacité politique ?

Une violence légale est-elle violence ?

Peut-on accepter la loi de la majorité si l’on refuse la loi du plus fort ?

L’inégalité des hommes rend-elle impossible l’égalité des citoyens ? (Politique ;

nature/culture)

A quoi servent les lois ?

Ce qui est légal est-il nécessairement légitime ?

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Est-ce dans la nature humaine qu’il faut chercher l’origine des injustices ? (Politique ;

nature/culture)

A-t-on le droit de s’opposer à la loi ?

Peut-on critiquer la démocratie ?

La démocratie n’est-elle qu’un idéal ?

L’action politique est-elle autre chose que la recherche du moindre mal ?

La compétence technique peut-elle fonder l’autorité politique ?

Y a-t-il de justes inégalités ?

Etre juste, est-ce traiter tout le monde de la même façon ?

La liberté politique se réduit-elle au pouvoir de vivre tranquillement ?

Liberté et égalité sont-elles opposées ou complémentaires ?

Y a-t-il contradiction entre être libre et être soumis aux lois ?

Les hommes doivent nécessairement établir des lois et vivre selon des lois, sous peine de

ne différer en aucun point des bêtes les plus totalement sauvages. La raison en est qu’aucune

nature d’homme ne naît assez douée pour à la fois savoir ce qui est le plus profitable à la vie

humaine en cité et, le sachant, pouvoir toujours et vouloir toujours faire ce qui est le meilleur.

La première vérité difficile à connaître est, en effet, que l’art politique véritable ne doit pas se

soucier du bien particulier, mais du bien général, car le bien commun assemble, le bien

particulier déchire les cités, et que bien commun et bien particulier gagnent tous les deux à ce

que le premier, plutôt que le second, soit solidement assuré.

Platon

Questions

1 Dégagez les articulations du texte ainsi que son idée principale.

2 Expliquez : « l’art politique véritable ne doit pas se soucier du bien particulier, mais du

bien général «

3 Les lois ont-elles pour vocation de servir l’intérêt général ?

Si les hommes étaient ainsi disposés par la Nature qu’ils n’eussent de désirs que pour ce

qu’enseigne la vraie Raison, certes, la société n’aurait besoin d’aucunes lois, il suffirait

absolument d’éclairer les hommes par des enseignements moraux pour qu’ils fissent d’euxmêmes

et d’une âme libérale ce qui est vraiment utile. Mais tout autre est la disposition de la

nature humaine ; tous observent bien leur intérêt, mais ce n’est pas suivant l’enseignement de

la droite Raison ; c’est le plus souvent entraînés par leur seul appétit de plaisir et les passions

de l’âme (qui n’ont aucun égard à l’avenir et ne tiennent compte que d’elles-mêmes) qu’ils

désirent quelque objet et le jugent utile. De là vient que nulle société ne peut subsister sans un

pouvoir de commandement et une force, et conséquemment sans des lois qui modèrent et

contraignent l’appétit du plaisir et les passions sans frein.

Spinoza

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Selon moi, les lois sont faites pour les faibles et par le grand nombre. C’est pour eux et

dans leur intérêt qu’ils les font et qu’ils distribuent les éloges ou blâmes ; et, pour effrayer les

plus forts, ceux qui sont capables d’avoir l’avantage sur eux, pour les empêcher de l’obtenir,

ils disent qu’il est honteux et injuste d’ambitionner plus que sa part et que c’est en cela que

consiste l’injustice, à vouloir posséder plus que les autres ; quant à eux j’imagine qu’ils se

contentent d’être sur le pied de l’égalité avec ceux qui valent mieux qu’eux.

Voilà pourquoi, dans l’ordre de la loi, on déclare injuste et laide l’ambition d’avoir plus

que le commun des hommes, et c’est ce qu’on appelle injustice. Mais je vois que la nature

elle-même proclame qu’il est juste que le meilleur ait plus que le pire et le plus puissant plus

que le faible.

Platon

NB : Il s’agit des propos de Calliclès qui défend une thèse opposée à celle de Socrate,

porte-parole de Platon.

Questions

1 Dégagez les articulations du texte ainsi que son idée principale.

2 Expliquez : « la nature proclame que le meilleur ait plus que le pire «.

3 A quoi servent les lois ?

Etant donné qu’il n’existe pas au monde de république où l’on ait établi suffisamment de

règles pour présider à toutes les actions et paroles des hommes (car cela serait impossible), il

s’ensuit nécessairement que, dans tous les domaines d’activité que les lois ont passés sous

silence, les gens ont la liberté de faire ce que leur propre raison leur indique comme leur étant

le plus profitable. Car si nous prenons le mot de liberté en son sens propre de liberté

corporelle, c’est-à-dire de n’être ni enchaîné ni emprisonné, il serait tout à fait absurde de

crier comme ils le font pour obtenir cette liberté dont ils jouissent si manifestement. D’autre

part, si nous entendons par liberté le fait d’être soustrait aux lois, il n’est pas moins absurde de

la part des hommes de réclamer comme ils le font cette liberté qui permettrait à tous les autres

hommes de se rendre maîtres de leurs vies. Et cependant, aussi absurde que ce soit, c’est bien

ce qu’ils réclament, ne sachant pas que leurs lois sont sans pouvoir pour les protéger s’il n’est

pas un glaive entre les mains d’un homme (ou de plusieurs) pour faire exécuter ces lois.

Par conséquent, la liberté des sujets réside seulement dans les choses qu’en règlementant

leurs actions le souverain a passés sous silence, par exemple la liberté d’acheter, de vendre, et

de conclure d’autres contrats les uns avec les autres, de choisir leur résidence, leur genre de

nourriture, leur métier, d’éduquer leurs enfants comme ils le jugent convenable et ainsi de

suite.

Hobbes

Questions

1 Dégagez les articulations du texte ainsi que son idée principale.

2 Expliquez : « la liberté des sujets réside seulement dans les choses qu’en règlementant

leurs actions le souverain a passés sous silence « ;

3 A quelles conditions est-on libre dans la cité ?

Il n’y a donc point de liberté sans Lois, ni où quelqu’un est au-dessus des Lois (…). Un

peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux Lois,

mais il n’obéit qu’aux Lois et c’est par la force des Lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes

les barrières qu’on donne dans les Républiques au pouvoir des Magistrats1 ne sont établies

que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des Lois : ils en sont les Ministres non

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les arbitres, ils doivent les garder non les enfreindre. Un Peuple est libre, quelque forme qu’ait

son Gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe

de la Loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des Lois, elle règne ou périt avec elles ; je

ne sache rien de plus certain.

Rousseau

1 magistrats : par ce mot Rousseau entend tous ceux qui ont une responsabilité dans les

affaires de l’Etat.

Questions

1 Dégagez les articulations du texte ainsi que son idée principale.

2 Expliquez : « Un peuple est libre… quand dans celui qui le gouverne il ne voit point

l’homme, mais l’organe de la Loi «

3 La liberté consiste-t-elle à ne dépendre que des lois ?

Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même

à ses devoirs. Il n’y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle

renonciation est incompatible avec la nature de l’homme ; et c’est ôter toute moralité à ses

actions que d’ôter toute liberté à sa volonté. Enfin c’est une convention vaine et contradictoire

de stipuler d’une part une autorité absolue, et de l’autre une obéissance sans bornes. N’est-il

pas clair qu’on n’est engagé en rien envers celui dont a droit de tout exiger ? Et cette seule

condition sans équivalent, sans échange, n’entraîne-t-elle pas la nullité de l’acte ? Car quel

droit mon esclave aurait-il contre moi, puisque tout ce qu’il a m’appartient et que, son droit

étant le mien, ce droit de moi contre moi-même est un mot qui n’a aucun sens ?

Rousseau

Questions

1 Dégagez les articulations du texte ainsi que son idée principale.

2 Expliquez : « Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme «.

3 Peut-on renoncer librement à sa liberté ?

Toute loi (…) vise l’intérêt commun des hommes, et ce n’est que dans cette mesure qu’elle

acquiert force et valeur de loi, dans la mesure, au contraire, où elle ne réalise pas ce but, elle

perd de sa force d’obligation (…) Or il arrive fréquemment qu’une disposition légale utile à

observer pour le bien public, en règle générale, devienne, en certains cas, extrêmement

nuisible. Aussi le législateur, ne pouvant envisager tous les cas particuliers rédige-t-il la loi en

fonction de ce qui se présente le plus souvent, portant son attention sur l’utilité commune.

C’est pourquoi, s’il se présente un cas où l’observation de telle loi soit préjudiciable à l’intérêt

général, celle-ci ne doit pas être observée. Ainsi à supposer que dans une ville assiégée on

promulgue la loi que les portes doivent demeurer closes, c’est évidemment utile au bien

public, en règle générale : mais s’il arrive que les ennemis poursuivent des citoyens dont

dépend le salut de la cité, il serait très préjudiciables à cette ville de ne pas ouvrir ses portes.

Et par conséquent dans une telle occurrence, il faudrait ouvrir les portes, malgré les termes de

la loi, afin de sauvegarder l’intérêt général que le législateur a en vue.

Saint Thomas d’Aquin

Questions

1 Dégagez les articulations du texte ainsi que son idée principale.

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2 Expliquez : « Toute loi vise l’intérêt commun des hommes « ; « le législateur ne pouvant

envisager tous les cas particuliers «.

3 La loi a-t-elle vocation à s’appliquer à tous les domaines de l’action humaine ?

Le besoin du droit naturel est aussi manifeste aujourd’hui qu’il l’a été des siècles et même

des millénaires. Rejeter le droit naturel revient à dire que tout droit est positif, autrement dit

que le droit est déterminé exclusivement par le législateur et les tribunaux des différents pays.

Or il est évident qu’il est parfaitement sensé et parfois même nécessaire de parler de lois ou de

décisions injustes. En passant de tels jugements, nous impliquons qu’il y a un étalon du juste

et de l’injuste qui est indépendant du droit positif et lui est supérieur : un étalon grâce auquel

nous sommes capables de juger le droit positif. Bien des gens considèrent que l’étalon en

question n’est tout au plus que l’idéal adopté par notre société ou notre « civilisation « tel

qu’il a pris corps dans ses façons de vivre ou ses institutions…

Mais le simple fait que nous puissions nous demander ce que vaut l’idéal de notre société

montre qu’il y a dans l’homme quelque chose qui n’est point totalement asservi à sa société et

par conséquent que nous sommes capables, et par là obligés, de rechercher un étalon qui nous

permette de juger de l’idéal de notre société comme de toute autre.

Léo Strauss

Questions

1 Dégagez les articulations du texte ainsi que son idée principale.

2 Expliquez : « Rejeter le droit naturel revient à dire que tout droit est positif «

3 Le droit est-il fondé sur des valeurs ou des intérêts ?

En effet rien de ce qui est de droit humain ne saurait déroger à ce qui est de droit naturel ou

de droit divin. Or selon l’ordre naturel institué par la divine providence, les réalités inférieures

sont subordonnées à l’homme, afin qu’il les utilise pour subvenir à ses besoins. Il en résulte

que le partage des biens et leur appropriation selon le droit humain ne suppriment pas la

nécessité pour les hommes d’user de ces biens en vue des besoins de tous. Dès lors, les biens

que certains possèdent en surabondance sont destinés, par le droit naturel, à secourir les

pauvres. C’est pourquoi saint Ambroise écrit : « Le pain que tu gardes appartient à ceux qui

ont faim, les vêtements que tu caches appartiennent à ceux qui sont nus et l’argent que tu

enfouis est le rachat et la délivrance des malheureux. « Or le nombre de ceux qui sont dans le

besoin est si grand qu’on ne peut pas les secourir tous avec les mêmes ressources, mais aucun

a la libre disposition de ses biens pour secourir les malheureux. Et, même en cas de nécessité

évidente et urgente, où il faut manifestement prendre ce qui est sous la main pour subvenir à

un besoin vital, par exemple quand on se trouve en danger et qu’on ne peut pas faire

autrement, il est légitime d’utiliser le bien d’autrui pour subvenir à ses propres besoins ; on

peut le prendre, ouvertement ou en cachette, sans pour autant commettre réellement un vol ou

un larcin.

Saint Thomas d’Aquin

Questions

1 Dégagez les articulations de ce texte ainsi que son idée principale.

2 Expliquez : « En effet rien de ce qui est de droit humain ne saurait déroger à ce qui est de

droit naturel «

3 A-t-on le droit de désobéir à la loi ?

Les lois injustes sont de deux sortes. Il y a d’abord celles qui sont contraires au bien

commun ; elles sont injustes en raison de leur fin, par exemple quand un chef impose à ses

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subordonnés des lois onéreuses qui profitent à sa cupidité ou à sa gloire plus qu’au bien

commun ; soit en raison de leur auteur, par exemple quand un homme promulgue une loi qui

excède le pouvoir qu’il détient ; soit encore en raison de leur forme, lorsque les charges

destinées au bien commun sont inégalement réparties dans la communauté. De pareilles lois

sont des contraintes plus que des lois, car, selon le mot de Saint Augustin au livre I du Libre

Arbitre, « on ne peut tenir pour loi une loi qui n’est pas juste «. Par conséquent de telles lois

n’obligent pas en conscience, sauf dans les cas où il importe d’éviter le scandale et le

désordre ; il faut alors sacrifier même un droit.

(…) Il y a ensuite les lois qui sont injustes parce que contraire au bien divin, comme les

lois des tyrans imposant l’idolâtrie et d’autres actes contraires à la loi divine. Il ne faut en

aucune manière observer de telles lois ; c’est en ce sens qu’il est dit dans les Actes des

Apôtres qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes.

Saint Thomas d’Aquin

Questions

1 Dégagez les articulations du texte ainsi que son idée principale ;

2 Expliquez : « on ne peut tenir pour loi une loi qui n’est pas juste «

3 Vaut-il mieux un ordre injuste que pas d’ordre du tout ?

Des fondements de l’Etat… il résulte avec la dernière évidence que sa fin dernière n’est

pas la domination ; ce n’est pas pour tenir l’homme par la crainte et faire qu’il appartienne à

un autre, que l’Etat a été institué, au contraire c’est pour libérer l’individu de la crainte, pour

qu’il vive autant que possible en sécurité, c’est-à-dire conserve, aussi bien qu’il se pourra,

sans dommage pour autrui, son droit naturel d’exister et d’agir. Non, je le répète, la fin de

l’Etat n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à celles de

bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps

s’acquittent en sécurité de toutes leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une Raison

libre, pour qu’ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu’ils se supportent sans

malveillance les uns les autres. La fin de l’Etat est donc la liberté.

Spinoza

Questions

1 Dégagez les articulations du texte ainsi que son idée principale.

2 Expliquez : « L’Etat a été institué… pour qu’il vive autant que possible en sécurité «

« La fin de l’Etat est donc la liberté «.

3 La fin de l’Etat est-elle la sécurité ou la liberté ?

Le meilleur Etat (…) est celui où les hommes vivent dans la concorde et où la législation

nationale est protégée contre toute atteinte. En effet, il est certain que les séditions, les

guerres, l’indifférence systématique ou les infractions effectives aux lois sont bien plus

imputables aux défauts d’un Etat donné qu’à la méchanceté des hommes. Car les hommes ne

naissent point membres de la société, mais s’éduquent à ce rôle ; d’autre part, les sentiments

humains naturels sont toujours les mêmes. Au cas donc où la méchanceté règnerait davantage

et où le nombre de fautes commises serait plus considérable dans une certaine nation que dans

une autre, une conclusion évidente ressortirait d’une telle suite d’évènements : cette nation

n’aurait pas pris de dispositions suffisantes en vue de la concorde, et sa législation n’aurait

pas été instituée dans un esprit suffisant de sagesse.

Spinoza

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Questions

1 Dégagez les articulations du texte ainsi que son idée principale.

2 Expliquez « Le meilleur Etat… est celui où les hommes vivent dans la concorde «

« Les hommes ne naissent point membres de la société mais s’éduquent à ce rôle «

3 Les institutions politiques sont-elles responsables de la méchanceté des hommes ?

L’Etat…est un produit de la société à un stade déterminé de son développement ; il est

l’aveu que cette société s’empêtre dans une insoluble contradiction avec elle-même, s’étant

scindée en oppositions inconciliables qu’elle est impuissante à conjurer. Mais pour que les

antagonismes, les classes aux intérêts économiques opposés ne se consument pas, elle et la

société, en une lutte stérile, le besoin s’impose d’un pouvoir qui, placé en apparence au-dessus

de la société, doit estomper le conflit, le maintenir dans les limites de l’ « ordre « ; et ce

pouvoir, né de la société, mais qui se place au-dessus d’elle et lui devient de plus en plus

étranger, c’est l’Etat. (…) Comme l’Etat est né du besoin de réfréner des oppositions de

classes, mais comme il est né, en même temps, au milieu du conflit de classes, il est, dans la

règle, l’Etat de la classe la plus puissante, de celle qui domine au point de vue économique et

qui, grâce à lui, devient aussi classe politiquement dominante et acquiert ainsi de nouveaux

moyens pour mater et exploiter la classe opprimée. (…) L’Etat n’existe pas de toute éternité.

Il y a eu des sociétés qui se sont tirées d’affaire sans lui, qui n’avaient aucune idée de l’Etat et

du pouvoir d’Etat. A un certain stade du développement économique, qui était nécessairement

lié à la division de la société en classes, cette division fit de l’Etat une nécessité.

Engels

La société antérieure, évoluant dans des oppositions de classes, avait besoin de l’Etat, c’està-

dire, dans chaque cas, d’une organisation de classe exploiteuse pour maintenir… par la

force la classe exploitée dans les conditions d’oppression données par le mode de production

existant (esclavage, servage, salariat). L’Etat était le représentant officiel de toute la société,

sa synthèse en un corps visible, mais cela, il ne l’était que dans la mesure où il était l’Etat de

la classe qui, pour son temps, représentait elle-même toute la société : dans l’Antiquité, Etat

des citoyens propriétaires d’esclaves ; au Moye Age, de la noblesse féodale ; à notre époque,

de la bourgeoisie. Quand il finit par devenir effectivement le représentant de toute la société,

il se rend lui-même superflu. Dès lors qu’il n’y a plus de classe sociale à tenir dans

l’oppression… il n’y a plus rien à réprimer qui rende nécessaire un pouvoir de répression, un

Etat. Le premier acte dans lequel l’Etat apparaît réellement comme représentant de toute la

société – la prise de possession des moyens de production au nom de la société, - est en même

temps son dernier acte propre en tant qu’Etat. L’intervention d’un pouvoir d’Etat dans des

rapports sociaux devient superflue dans un domaine après l’autre, et entre alors naturellement

en sommeil. Le gouvernement des personnes fait place à l’administration des choses... L’Etat

n’est pas « aboli «. Il s’éteint.

Engels

Nous pensons que la politique, nécessairement révolutionnaire, du prolétariat doit avoir

pour objet immédiat et unique la destruction des Etats. Nous ne comprenons pas qu’on puisse

parler de solidarité internationale lorsqu’on veut conserver les Etats, - à moins qu’on ne rêve

l’Etat universel, c’est-à-dire l’esclavage universel…- l’Etat par sa nature même étant une

rupture de cette solidarité et par conséquent une cause permanente de guerre. Nous ne

concevons pas non plus qu’on puisse parler de la liberté du prolétariat ou de la délivrance

réelle des masses dans l’Etat et par l’Etat. Etat veut dire domination, et toute domination

suppose l’assujettissement des masses et par conséquent leur exploitation au profit d’une

minorité gouvernante quelconque…

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Les marxiens professent des idées toutes contraires. Ils sont les adorateurs du pouvoir

d’Etat, et nécessairement aussi les prophètes de la discipline politique et sociale, les

champions de l’ordre établi de haut en bas, toujours au nom du suffrage universel et de la

souveraineté des masses, auxquelles on réserve le bonheur et l’honneur d’obéir à des chefs, à

des maîtres élus (…) Entre les marxiens et nous il y a un abîme. Eux, ils sont les

gouvernementaux, nous les anarchistes…

Bakounine

Vaut-il mieux être aimé que craint, ou craint qu’aimé ? Je réponds que les deux seraient

nécessaires ; mais comme il paraît difficile de les marier ensemble, il est beaucoup plus sûr de

se faire craindre qu’aimer, quand on doit renoncer à l’un des deux…Cependant, le prince doit

se faire craindre de telle sorte que, s’il ne peut gagner l’amitié, du moins il n’inspire aucune

haine, car ce sont là deux choses qui peuvent très bien s’accorder. Il lui suffira pour cela de ne

toucher ni aux biens de ses concitoyens ni à leurs femmes… qu’il évite par-dessus tout de

prendre les biens d’autrui ; car les hommes oublient plus vite la perte de leur père que la perte

de leur patrimoine.

C’est pourquoi un seigneur avisé ne peut, ne doit respecter sa parole si ce respect se

retourne contre lui et que les motifs de sa promesse soient éteints. Si les hommes étaient tous

gens de bien, mon précepte serait condamnable ; mais comme ce sont tous de tristes sires et

qu’ils n’observeraient pas leurs promesses, tu n’as pas non plus à observer les tiennes…

Il n’est donc pas nécessaire à un prince de posséder toutes les vertus… ; ce qu’il faut, c’est

qu’il paraisse les avoir. Bien mieux, j’affirme que s’il les avait et les appliquait toujours, elles

lui porteraient préjudice ; mais si ce sont de simples apparences, il en tirera profit. Ainsi, tu

peux sembler – et être réellement- pitoyable, fidèle, humain, intègre, religieux : fort bien ;

mais tu dois avoir entraîné ton coeur à être exactement l’opposé, si les circonstances l’exigent.

Machiavel

Je pense (…) que l’espèce d’oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne

ressemblera à rien de ce qui l’a précédée dans le monde…je vois une foule innombrable

d’hommes semblables et égaux qui tournent sans cesse sur eux-mêmes pour se procurer de

petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est

comme étranger à la destinée de tous les autres…

Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge d’assurer leur

jouissance et de veiller sur leur sort…Il aime que les citoyens se réjouissent pourvu qu’ils ne

songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur : mais il veut en être l’unique

agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs

plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise

leurs héritages…

Le souverain étend ses bras sur la société tout entière : il en couvre la surface d’un réseau

de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les

plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la

foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement

d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ;

il ne tyrannise point, il gène, il comprime, il énerve, il hébète, et il réduit chaque nation à

n’être qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger.

Tocqueville

Les historiens, et même le bon sens, peuvent nous faire connaître que, pour séduisants que

puissent paraître ces idées d’égalité parfaite, en réalité elles sont, au fond, impraticables, et si

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elles ne l’étaient pas, elles seraient extrêmement pernicieuses pour la société humaine. Rendez

les possessions aussi égales que possible : les degrés différents de l’art, du soin, du travail des

hommes rompront immédiatement cette égalité. Ou alors, si vous restreignez ces vertus, vous

réduisez la société à la plus extrême indigence, et, au lieu de prévenir le besoin et la mendicité

chez quelques uns, vous les rendez inévitables à la communauté entière. La plus rigoureuse

inquisition est également nécessaire, pour déceler toute inégalité dès qu’elle apparaît, ainsi

que la juridiction la plus sévère, pour la punir et la rectifier. Mais, outre que tant d’autorité

doit bientôt dégénérer en tyrannie, et être exercée avec une grande partialité, qui peut bien en

être investi dans une situation telle que celle ici supposée ?

Hume

A prendre le terme dans la rigueur de l’acception, il n’a jamais existé de véritable

démocratie, et il n’en existera jamais. Il est contre l’ordre naturel que le grand nombre

gouverne et que le petit soit gouverné. On ne peut imaginer que le peuple reste incessamment

assemblé pour vaquer aux affaires publiques, et l’on voit aisément qu’il ne saurait établir pour

cela des commissions, sans que la forme de l’administration change…

Ajoutons qu’il n’y a pas de gouvernement si sujet aux guerres civiles et aux agitations

intestines que le démocratique ou populaire, parce qu’il n’y a aucun qui tende si fortement et

si continuellement à changer de forme, ni qui demande plus de vigilance et de courage pour

être maintenu dans la sienne. C’est surtout dans cette constitution que le citoyen doit s’armer

de force et de constance, et dire chaque jour de sa vie au fond de son coeur ce que disait un

vertueux Palatin dans la diète de Pologne : « Je préfère une liberté dangereuse à un esclavage

tranquille «.

S’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si

parfait ne convient pas à des hommes.

Rousseau

Il est vrai, que dans les démocraties, le peuple parait faire ce qu’il veut ; mais la liberté

politique ne consiste point à faire ce que l’on veut. Dans un Etat, c’est-à-dire dans une société

où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à

n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir.

Il faut se mettre dans l’esprit ce que c’est que l’indépendance, et ce que c’est que la liberté.

La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent ; et si un citoyen pouvait faire ce

qu’elles défendent, il n’aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce

pouvoir.

La démocratie et l’aristocratie ne sont point des Etats libres par leur nature. La liberté

politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n’est pas toujours dans

les Etats modérés. Elle n’y est que lorsqu’on n’abuse pas du pouvoir ; mais c’est une

expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce

qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! La vertu même a besoin de limites.

Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le

pouvoir arrête le pouvoir.

Montesquieu

Il ne faut pas beaucoup de probité pour qu’un gouvernement monarchique ou un

gouvernement despotique se maintienne ou se soutienne. La force des lois dans l’un, le bras

du prince toujours levé dans l’autre, règlent ou contiennent tout. Mais dans un Etat populaire,

il faut un ressort de plus qui est la vertu…

Les politiques grecs, qui vivaient dans le gouvernement populaire, ne reconnaissaient

d’autre force qui put le soutenir que celle de la vertu. Ceux d’aujourd’hui ne nous parlent que

de manufactures, de commerce, de finances et de luxe même.

Lorsque cette vertu cesse, l’ambition entre dans les coeurs qui peuvent la recevoir, et

l’avarice entre dans tous. Les désirs changent d’objets : ce qu’on aimait, on ne l’aime plus ; on

était libre avec les lois, on veut être libre contre elles ; chaque citoyen est comme un esclave

échappé de la maison de son maître ; ce qui était maxime, on l’appelle rigueur ; ce qui était

règle, on l’appelle gêne ; ce qui était attention, on l’appelle crainte.

La république est une dépouille ; et sa force n’est plus que le pouvoir de quelques citoyens

et la licence de tous.

Montesquieu

Il n’y a donc pas et il ne saurait y avoir de régime politique absolument préférable à tous

les autres, il y a seulement des états de civilisation plus perfectionnés les uns que les autres.

Les institutions bonnes à une époque peuvent être et sont même le plus souvent mauvaises à

une autre, et réciproquement. Ainsi, par exemple, l’esclavage, qui est aujourd’hui une

monstruosité, était certainement, à son origine, une très belle institution, puisqu’elle avait

pour objet d’empêcher le fort d’égorger le faible ; c’était un intermédiaire inévitable dans le

développement général de la civilisation. De même, en sens inverse, la liberté, qui, dans une

proportion raisonnable, est si utile à un individu et à un peuple qui ont atteint un certain degré

d’instruction et contracté quelques habitudes de prévoyance, parce qu’elle permet le

développement de leurs facultés, est très nuisible à ceux qui n’ont pas encore rempli ces deux

conditions, et qui ont indispensablement besoin, pour eux-mêmes autant que pour les autres,

d’être tenus en tutelle. Il est donc évident qu’on ne saurait s’entendre sur la question absolue

du meilleur gouvernement possible.

Comte

(Politique ; nature/culture)

« 400 Est-ce dans la nature humaine qu’il faut chercher l’origine des injustices ? (Politique ; nature/culture) A-t-on le droit de s’opposer à la loi ? Peut-on critiquer la démocratie ? La démocratie n’est-elle qu’un idéal ? L’action politique est-elle autre chose que la recherche du moindre mal ? La compétence technique peut-elle fonder l’autorité politique ? Y a-t-il de justes inégalités ? Etre juste, est-ce traiter tout le monde de la même façon ? La liberté politique se réduit-elle au pouvoir de vivre tranquillement ? Liberté et égalité sont-elles opposées ou complémentaires ? Y a-t-il contradiction entre être libre et être soumis aux lois ? Les hommes doivent nécessairement établir des lois et vivre selon des lois, sous peine de ne différer en aucun point des bêtes les plus totalement sauvages.

La raison en est qu’aucune nature d’homme ne naît assez douée pour à la fois savoir ce qui est le plus profitable à la vie humaine en cité et, le sachant, pouvoir toujours et vouloir toujours faire ce qui est le meilleur.

La première vérité difficile à connaître est, en effet, que l’art politique véritable ne doit pas se soucier du bien particulier, mais du bien général, car le bien commun assemble, le bien particulier déchire les cités, et que bien commun et bien particulier gagnent tous les deux à ce que le premier, plutôt que le second, soit solidement assuré.

Platon Questions 1 Dégagez les articulations du texte ainsi que son idée principale.

2 Expliquez : « l’art politique véritable ne doit pas se soucier du bien particulier, mais du bien général » 3 Les lois ont-elles pour vocation de servir l’intérêt général ? Si les hommes étaient ainsi disposés par la Nature qu’ils n’eussent de désirs que pour ce qu’enseigne la vraie Raison, certes, la société n’aurait besoin d’aucunes lois, il suffirait absolument d’éclairer les hommes par des enseignements moraux pour qu’ils fissent d’eux- mêmes et d’une âme libérale ce qui est vraiment utile.

Mais tout autre est la disposition de la nature humaine ; tous observent bien leur intérêt, mais ce n’est pas suivant l’enseignement de la droite Raison ; c’est le plus souvent entraînés par leur seul appétit de plaisir et les passions de l’âme (qui n’ont aucun égard à l’avenir et ne tiennent compte que d’elles-mêmes) qu’ils désirent quelque objet et le jugent utile.

De là vient que nulle société ne peut subsister sans un pouvoir de commandement et une force, et conséquemment sans des lois qui modèrent et contraignent l’appétit du plaisir et les passions sans frein.

Spinoza. »

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