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asseoir près de la fenêtre.

Publié le 30/10/2013

Extrait du document

asseoir près de la fenêtre. Je vais te parler de Kant. Sophie remarqua une paire de lunettes qui était posée sur un guéridon entre deux fauteuils. Les verres étaient rouges. S'agissait-il de lunettes de soleil particulièrement sombres ? -- Il est presque deux heures, dit-elle. Il faut que je sois rentrée avant cinq heures, car ma mère a certainement prévu quelque chose pour mon anniversaire. -- Ça nous laisse trois heures. -- Je t'écoute. -- Emmanuel Kant, dont le père était bourrelier, naquit en 1724 à Königsberg (aujourd'hui Kaliningrad) en Prusse Orientale et y vécut presque toute sa vie. Il mourut à l'âge de quatre-vingts ans. Il eut une éducation piétiste fort rigoureuse, ce qui est un élément déterminant 273 de toute sa philosophie. Comme pour Berkeley, il lui paraissait essentiel de sauver les fondements de la foi chrétienne. -- Pour Berkeley, merci, ça suffît comme ça. -- Kant est également le premier philosophe que nous étudions à avoir occupé une chaire de philosophie à 'Université. Il était en quelque sorte un « philosophe professionnel «. -- Un philosophe professionnel ? -- Le terme « philosophe « recouvre de nos jours deux sens légèrement différents : un « philosophe « est d'abord quelqu'un qui essaye de trouver ses propres réponses aux problèmes philosophiques qu'il se pose. Mais il peut aussi tre un spécialiste de l'histoire de la philosophie sans pour autant développer sa propre philosophie. -- Et Kant était un de ces philosophes professionnels ? -- Il était les deux. S'il avait juste été un bon professeur, c'est-àdire un spécialiste de la pensée des autres philosophes, il n'aurait eu aucune place dans l'histoire de la philosophie. Cela dît, il connaissait en profondeur la tradition philosophique qui le précédait. Il connaissait la pensée des rationalistes comme Descartes ou Spinoza et des empiristes comme Locke, Berkeley ou Hume. -- Je t'ai déjà dit de ne plus me parler de Berkeley ! -- Tu te rappelles que, pour les rationalistes, la raison de l'homme constitue le fondement de toute connaissance, lors que les empiristes soutiennent que seuls nos sens nous permettent de connaître le monde. Hume avait en outre lairement montré les limites des conclusions auxquelles nos impressions nous font aboutir. -- Et Kant était d'accord avec qui ? -- Selon lui, les deux avaient à la fois raison et tort. La question était bien de savoir quelle connaissance nous pouvons avoir du monde et ce projet philosophique était commun à tous les philosophes depuis Descartes. Mais il s'agissait maintenant de savoir si le monde était tel que les sens le percevaient ou tel que nous le représente la raison. -- Alors, quel était l'avis de Kant ? -- La perception et la raison jouent, selon lui, toutes les deux un grand rôle, mais il trouvait que les rationalistes ccordaient trop de pouvoir à la raison et que les empiristes se limitaient trop à leurs expériences sensibles. -- Tu ne pourrais pas donner un exemple pour que ce soit plus concret ? -- Que l'expérience de nos sens soit à l'origine de toute connaissance, cela il l'admet volontiers à la suite des mpiristes, 274 mais il ajoute que notre raison seule possède les conditions requises pour analyser comment nous percevons le onde. -- C'est ça ton exemple ? -- Passons aux travaux pratiques. Tiens, va prendre les lunettes sur la table. Merci... Mets-les sur le nez ! Sophie mit les lunettes et tout autour d'elle devint rouge. Les couleurs pâles devenaient rose pâle et les couleurs sombres, rouge foncé. -- Qu'est-ce que tu vois ? -- La même chose qu'avant, mais en rouge. -- C'est parce que les verres déterminent ta manière de voir le monde. Tout ce que tu vois vient bien du monde extérieur, mais comment tu vois, ça, c'est une question de lunettes. Tu ne peux quand même pas affirmer que le monde est rouge juste parce que c'est ainsi que tu le perçois. -- Bien sûr que non ! -- Si tu marchais en forêt ou si tu rentrais chez toi, tu verrais tout comme avant, à la seule différence que tout ce que tu verrais serait rouge. -- Oui, si je n'enlève pas les lunettes. -- Eh bien, de la même façon, Kant pensait que notre raison dispose de certaines facultés qui déterminent toutes nos xpériences sensibles. -- C'est quoi, ces facultés ? -- Quelle que soit notre expérience sensible, elle s'inscrit obligatoirement dans l'espace et le temps. Kant appelait l'« espace « et le « temps « les deux « formes a priori « de la sensibilité de l'homme, c'est-à-dire qu'elles précèdent toute expérience. Cela signifie que nous savons à l'avance que toute expérience sera inscrite dans le temps et 'espace. Nous ne pouvons pas en effet enlever les lunettes « de la raison. -- Il pensait que concevoir les choses dans l'espace et le temps, c'était inné ? -- Oui, d'une certaine manière. Ce que nous voyons dépend certes du fait de grandir en Inde ou au Groenland, mais, où que nous soyons, le monde n'est qu'une somme de phénomènes inscrits dans le temps et l'espace. -- Mais le temps et l'espace existent en dehors de nous ? -- Non. Kant insiste bien sur ce point : le temps et l'espace sont des éléments constitutifs de l'homme. Ce sont avant tout des structures intuitives qui ne relèvent pas du monde. -- C'est une tout autre façon de voir les choses. -- La conscience de l'homme n'est pas une feuille blanche où s'inscriraient de façon « passive « les impressions de nos sens. C'est 275 au contraire une instance éminemment active, puisque c'est la conscience qui détermine notre conception du monde. Tu peux comparer avec une carafe d'eau : l'eau vient remplir la forme de la carafe. De la même façon, nos perceptions se plient à nos deux « formes a priori « de la sensibilité. -- Je commence à comprendre. -- Kant affirmait que si la conscience est formée à partir des choses, les choses à leur tour sont formées à partir de la onscience. e dernier point est ce que Kant a lui-même surnommé sa révolution copernicienne « dans le domaine de la connaissance. Il voulait dire par là que c'était une façon de penser ussi radicalement neuve que pouvait l'être la théorie de Copernic en son temps, quand celui-ci affirma que la Terre ournait autour du Soleil et non le contraire. Quant à la loi de causalité que l'homme, selon Hume, ne pouvait pas onnaître par expérience, Kant considère qu'elle fait partie de la raison. -- Explique ! -- Tu te rappelles ce que Hume prétendait : l'habitude seule nous fait croire à un enchaînement logique des phénomènes dans la nature. Kant, lui, considère justement comme une qualité innée de la raison ce qui chez Hume était indémontrable. La loi de causalité prévaudra toujours, tout simplement parce que l'entendement de l'homme onsidère chaque événement dans un rapport de cause à effet. -- J'aurais plutôt tendance à croire que la loi de causalité se trouve plus à l'origine dans les choses que dans les ommes. -- Pour Kant, il n'y a aucun doute : nous portons cette loi en nous. Il veut bien admettre comme Hume que nous ne pouvons avoir aucune certitude sur la vraie nature du monde « en soi «. Nous pouvons seulement connaître comment le monde est « pour moi «, c'est-à-dire pour nous, les êtres humains. Cette différence entre dos Ding an sich et das Dingfur mich est le point essentiel de la philosophie de Kant. -- Bof, tu sais, moi l'allemand... -- Kant distingue la « chose en soi « et « la « chose pour moi «. Sans pouvoir nous avancer sur le terrain de la « chose en soi «, nous sommes néanmoins en mesure de dire à la suite de chaque expérience comment nous concevons le monde. -- Ah ! tu crois ? -- Avant de sortir le matin, même si tu n'as aucune idée de ce que tu vas voir ou vivre au cours de la journée, tu sais que de toute façon ce sera inscrit dans l'espace et le temps. Quant à la loi de causalité, tu sais aussi qu'elle fait partie e ton esprit. -- Tu veux dire qu'on aurait pu être créé différemment ? 276 -- Bien sûr. Nous aurions pu être dotés d'un tout autre système perceptif qui aurait modifié notre expérience du temps et de l'espace. ous aurions pu aussi ne pas nous intéresser aux relations de cause à effet dans le monde qui nous entoure. -- Tu n'aurais pas des exemples ? -- Imagine-toi un chat couché dans le salon. Une balle se met à rouler à travers la pièce. Que va faire le chat à ton avis -- Oh ! c'est très simple : le chat va courir après la balle. -- D'accord. Imagine maintenant que c'est toi qui es dans la pièce. Aurais-tu eu la même réaction que le chat ? -- Non, je pense que je me serais d'abord retournée pour voir d'où venait la balle. -- Parce que tu es un être humain, tu es portée à t'interroger sur la cause de chaque événement. La loi de causalité est inhérente à la constitution de l'être humain. -- Ah ! vraiment ? -- Pour Hume, il était impossible de sentir ou de démontrer ces lois naturelles. Kant, au contraire, refusait d'admettre ela. Pour lui ces lois existent puisque c'est notre faculté de connaître qui organise la connaissance, et non point les bjets qui la déterminent. -- Est-ce qu'un petit enfant se serait aussi retourné pour savoir qui avait fait rouler la balle ? -- Peut-être pas. Mais Kant dit bien que la raison n'est pas complètement développée chez un petit enfant avant qu'il n'ait vraiment un grand champ d'expérience à sa disposition. A quoi cela servirait-il de parler d'une raison vide, sans objet ? -- Non, ce serait plutôt absurde. -- Résumons-nous : d'un côté nous avons les éléments extérieurs que nous ne pouvons pas connaître avant d'en avoir fait l'expérience et c'est ce que nous appelons la matière de la connaissance. De l'autre nous avons les caractéristiques de la raison humaine, comme par exemple de concevoir chaque événement dans l'espace et le temps u encore de le situer dans un rapport de cause à effet : c'est ce qu'on peut appeler la forme de la connaissance. Alberto et Sophie restèrent un moment silencieux à regarder par la fenêtre. Soudain apparut une petite fille entre les rbres de l'autre côté du lac. -- Regarde ! s'écria Sophie. Qui est-ce ? -- Je n'en ai pas la moindre idée. lle se montra quelques instants, puis disparut Sophie eut juste le temps de remarquer qu'elle avait quelque chose de ouge dans les cheveux. -- De toute façon, nous n'allons pas nous laisser distraire par ce genre d'apparitions. 277 -- Bon, alors continue ! -- Kant précise que la connaissance humaine a des limites bien précises. Les « lunettes « de la raison, si tu veux, imposent certaines limites. -- Comment ça ? -- Tu te souviens que les philosophes avant Kant s'étaient posé les « grandes « questions philosophiques, à savoir si 'homme a une âme immortelle, s'il existe un dieu, si la nature est constituée de minuscules particules ou encore si 'univers est fini ou infini... -- Oui. -- Eh bien Kant pensait que répondre à ces questions n'était pas du ressort de l'homme. Cela ne veut pas dire qu'il les efusait, bien au contraire, car dans ce cas il n'aurait pas été un vrai philosophe. -- Mais alors ? -- Sois un peu patiente. Concernant des problèmes de cette importance, Kant trouvait que la raison s'exerçait en ehors du champ de la connaissance. Mais c'est un trait caractéristique de la nature humaine - ou de la raison - que 'éprouver le besoin de se poser précisément ce type de questions. Ainsi, quand nous nous demandons si le monde est fini ou infini, nous posons une question sur un tout dont nous ne formons qu'une infime partie. C'est pourquoi nous ne pouvons prétendre par- venir à connaître ce tout. -- Pourquoi pas ? -- Quand nous nous interrogeons sur l'origine du monde et hasardons des hypothèses, la raison tourne en quelque orte à vide, car nous ne disposons pas de « phénomènes « sensibles à proprement parler ou d'expériences uxquelles se référer. Nous ne pouvons jamais faire l'expérience de la totalité qui nous englobe. ous ne sommes pour ainsi dire qu'une partie de la balle qui roule sur le sol sans pouvoir savoir d'où elle vient. Mais otre esprit est ainsi fait que nous ne pouvons nous empêcher de nous interroger sur l'origine de la balle et sur toutes ortes de problèmes même si nous n'avons pas grand-chose de concret à nous mettre sous la dent. -- Merci, ça va. Je connais bien cette sensation. -- Kant fait

« toute expérience.

Celasignifie quenous savons àl’avance quetoute expérience serainscrite dansletemps et l’espace.

Nousnepouvons paseneffet enlever les « lunettes »de laraison. — Il pensait queconcevoir leschoses dansl’espace etletemps, c’étaitinné? — Oui, d’une certaine manière.

Ceque nous voyons dépend certesdufait degrandir enInde ouauGrœnland, mais, où que nous soyons, lemonde n’estqu’une somme dephénomènes inscritsdansletemps etl’espace. — Mais letemps etl’espace existentendehors denous ? — Non. Kantinsiste biensurcepoint :le temps etl’espace sontdeséléments constitutifs del’homme.

Cesont avant tout desstructures intuitivesquinerelèvent pasdumonde. — C’est unetout autre façon devoir leschoses. — La conscience del’homme n’estpasune feuille blanche oùs’inscriraient defaçon «passive »les impressions denos sens.

C’est 275 au contraire uneinstance éminemment active,puisque c’estlaconscience quidétermine notreconception dumonde. Tu peux comparer avecunecarafe d’eau:l’eau vient remplir laforme delacarafe.

Delamême façon,nosperceptions se plient ànos deux « formes a priori » de lasensibilité. — Je commence àcomprendre. — Kant affirmait quesila conscience estformée àpartir deschoses, leschoses àleur tour sont formées àpartir dela conscience. Ce dernier pointestceque Kant alui-même surnommé sa « révolution copernicienne »dans ledomaine delaconnaissance.

Ilvoulait direparlàque c’était unefaçon depenser aussi radicalement neuvequepouvait l’êtrelathéorie deCopernic enson temps, quand celui-ci affirma quelaTerre tournait autourduSoleil etnon lecontraire.

Quantàla loi de causalité que l’homme, selonHume, nepouvait pas connaître parexpérience, Kantconsidère qu’ellefaitpartie delaraison. — Explique ! — Tu terappelles ceque Hume prétendait :l’habitude seulenous faitcroire àun enchaînement logiquedes phénomènes danslanature.

Kant,lui,considère justement commeunequalité innéedelaraison cequi chez Hume était indémontrable.

Laloi de causalité prévaudra toujours,toutsimplement parcequel’entendement del’homme considère chaqueévénement dansunrapport decause àeffet. — J’aurais plutôttendance àcroire quelaloi de causalité setrouve plusàl’origine dansleschoses quedans les hommes. — Pour Kant, iln’y aaucun doute:nous portons cetteloien nous.

Ilveut bienadmettre commeHumequenous ne pouvons avoiraucune certitude surlavraie nature dumonde «en soi ».Nous pouvons seulement connaîtrecomment le monde est«pour moi»,c’est-à-dire pournous, lesêtres humains.

Cettedifférence entre dos Ding ansich et das Dingfur mich est lepoint essentiel delaphilosophie deKant. — Bof, tusais, moil’allemand... — Kant distingue la«chose ensoi »et «la «chose pourmoi». Sans pouvoir nousavancer surleterrain dela«chose ensoi »,nous sommes néanmoins enmesure dedire àla suite de chaque expérience commentnousconcevons lemonde. — Ah !tu crois ? — Avant desortir lematin, mêmesitu n’as aucune idéedeceque tuvas voir ouvivre aucours delajournée, tusais que detoute façon cesera inscrit dansl’espace etletemps.

Quantàla loi de causalité, tusais aussi qu’elle faitpartie de ton esprit. — Tu veux direqu’on aurait puêtre créé différemment ? 276 — Bien sûr.Nous aurions puêtre dotés d’untoutautre système perceptif quiaurait modifié notreexpérience du temps etde l’espace. Nous aurions puaussi nepas nous intéresser auxrelations decause àeffet danslemonde quinous entoure. — Tu n’aurais pasdes exemples ? — Imagine-toi unchat couché danslesalon.

Uneballe semet àrouler àtravers lapièce.

Quevafaire lechat àton avis ? — Oh !c’est trèssimple :le chat vacourir aprèslaballe. — D’accord. Imaginemaintenant quec’est toiqui esdans lapièce.

Aurais-tu eulamême réaction quelechat ? — Non, jepense quejeme serais d’abord retournée pourvoird’où venait laballe. — Parce quetues un être humain, tues portée àt’interroger surlacause dechaque événement.

Laloi de causalité est inhérente àla constitution del’être humain. — Ah !vraiment ?. »

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