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détresse, les volets éternellement clos, d'une mélancolie affreuse.

Publié le 29/10/2013

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détresse, les volets éternellement clos, d'une mélancolie affreuse. Et, sans savoir pourquoi, cette fois encore, plus que les précédentes, Jacques eut le coeur serré, comme s'il passait devant son malheur. Mais, tout de suite, ses yeux emportèrent une autre image. Près de la maison des Misard, contre la barrière du passage à niveau, Flore était là, debout. Maintenant, à chaque voyage, il la voyait à cette place, l'attendant, le guettant. Elle ne remua pas, elle tourna simplement la tête, pour le suivre plus longtemps, dans l'éclair qui l'emportait. Sa haute silhouette se détachait en noir sur la lumière blanche, ses cheveux d'or s'allumaient seuls, à l'or pâle de l'astre. Et Jacques, ayant poussé la Lison pour lui faire franchir la rampe de Motteville, la laissa souffler un peu le long du plateau de Bolbec, puis la lança enfin, de Saint-Romain à Harfleur, sur la plus forte pente de la ligne, trois lieues que les machines dévorent d'un galop de bêtes folles, sentant l'écurie. Et il était brisé de fatigue, au Havre, lorsque, sous la marquise, pleine du vacarme et de la fumée de l'arrivée, Séverine, avant de remonter chez elle, accourut lui dire, de son air gai et tendre : « Merci, à demain. « Chapitre 6   Un mois se passa, et un grand calme s'était fait de nouveau dans le logement que les Roubaud occupaient au premier étage de la gare, au-dessus des salles d'attente. Chez eux, chez leurs voisins de couloir, parmi ce petit monde d'employés, soumis à une existence d'horloge par l'uniforme retour des heures réglementaires, la vie s'était remise à couler, monotone. Et il semblait que rien ne se fût passé de violent ni d'anormal. La bruyante et scandaleuse affaire Grandmorin, tout doucement, s'oubliait, allait être classée, par l'impuissance où paraissait être la justice de découvrir le coupable. Après une prévention d'une quinzaine de jours encore, le juge d'instruction Denizet avait rendu une ordonnance de non-lieu, à l'égard de Cabuche, motivée sur ce qu'il n'existait pas contre lui de charges suffisantes  et une légende de police était en train de se former, romanesque : celle d'un assassin inconnu, insaisissable, un aventurier du crime, présent partout à la fois, que l'on chargeait de tous les meurtres et qui se dissipait en fumée, à la seule apparition des agents. A peine quelques plaisanteries reparaissaient-elles de loin en loin sur ce légendaire assassin, dans la presse de l'opposition, enfiévrée par l'approche des élections générales. La pression du pouvoir, les violences des préfets lui fournissaient quotidiennement d'autres sujets d'articles indignés  si bien que, les journaux ne s'occupant plus de l'affaire, elle était sortie de la curiosité passionnée de la foule. On n'en causait même plus. Ce qui avait achevé de ramener le calme chez les Roubaud, c'était l'heureuse façon dont venait de s'aplanir l'autre difficulté, celle que menaçait de soulever le testament du président Grandmorin. Sur les conseils de Mme Bonnehon, les Lachesnaye avaient enfin consenti à ne pas attaquer ce testament, dans la crainte de réveiller le scandale, très incertains aussi du résultat d'un procès. Et, mis en possession de leur legs, les Roubaud se trouvaient, depuis une semaine, propriétaires de la Croix-de-Maufras, la maison et le jardin, évalués à une quarantaine de mille francs. Tout de suite, ils avaient décidé de la vendre, cette maison de débauche et de sang, qui les hantait ainsi qu'un cauchemar, où ils n'auraient point osé dormir, dans l'épouvante des spectres du passé  et de la vendre en bloc  avec les meubles, telle qu'elle était, sans la réparer ni même enlever la poussière. Mais, comme, à des enchères publiques, elle aurait trop perdu, les acheteurs étant rares qui consentiraient à se retirer dans cette solitude, ils avaient résolu d'attendre un amateur, ils s'étaient contentés d'accrocher à la façade un immense écriteau, aisément lisible des continuels trains qui passaient. Cet appel en grosses lettres, cette désolation à vendre, ajoutait à la tristesse des volets clos et du jardin envahi par les ronces. Roubaud ayant absolument refusé d'y aller, même en passant, prendre certaines dispositions nécessaires, Séverine s'y était rendue un après-midi  et elle avait laissé les clefs aux Misard, en les chargeant de montrer la propriété, si des acquéreurs se présentaient. On aurait pu s'y installer en deux heures, car il y avait jusqu'à du linge dans les armoires. Et, rien dès lors n'inquiétant plus les Roubaud, ils laissaient donc couler chaque journée dans l'attente assoupie du lendemain. La maison finirait par se vendre, ils en placeraient l'argent, tout marcherait très bien. Ils l'oubliaient d'ailleurs, ils vivaient comme s'ils ne devaient jamais sortir des trois pièces qu'ils occupaient : la salle à manger, dont la porte s'ouvrait directement sur le couloir  la chambre à coucher, assez vaste, à droite  la cuisine, toute petite et sans air, à gauche. Même, devant leurs fenêtres, la marquise de la gare, cette pente de zinc qui leur barrait la vue, ainsi qu'un mur de prison, au lieu de les exaspérer comme autrefois, semblait les tranquilliser, augmentait la sensation d'infini repos, de paix réconfortante où ils s'endormaient. Au moins, on n'était pas vu des voisins, on n'avait pas toujours devant soi des yeux d'espions à fouiller chez vous  et ils ne se plaignaient plus, le printemps étant venu, que de la chaleur étouffante, des reflets aveuglants du zinc, chauffé par les premiers soleils. Après la secousse effroyable, qui, pendant près de deux mois, les avait fait vivre dans un continuel frisson, ils

« Chapitre 6   Un mois sepassa, etun grand calme s'était faitdenouveau danslelogement quelesRoubaud occupaient aupremier étagedelagare, au-dessus dessalles d'attente.

Chezeux,chez leurs voisins decouloir, parmicepetit monde d'employés, soumisàune existence d'horloge par l'uniforme retourdesheures réglementaires, lavie s'était remise àcouler, monotone.

Etil semblait querien nesefût passé deviolent nid'anormal. La bruyante etscandaleuse affaireGrandmorin, toutdoucement, s'oubliait,allaitêtreclassée, par l'impuissance oùparaissait êtrelajustice dedécouvrir lecoupable.

Aprèsuneprévention d'une quinzaine dejours encore, lejuge d'instruction Denizetavaitrendu uneordonnance de non-lieu, àl'égard deCabuche, motivéesurcequ'il n'existait pascontre luide charges suffisantes  etune légende depolice étaitentrain deseformer, romanesque : celled'un assassin inconnu, insaisissable, unaventurier ducrime, présent partoutàla fois, quel'on chargeait detous lesmeurtres etqui sedissipait enfumée, àla seule apparition desagents.

A peine quelques plaisanteries reparaissaient-elles deloin enloin surcelégendaire assassin,dans la presse del'opposition, enfiévréeparl'approche desélections générales.

Lapression du pouvoir, lesviolences despréfets luifournissaient quotidiennement d'autressujetsd'articles indignés  sibien que, lesjournaux nes'occupant plusdel'affaire, elleétait sortie delacuriosité passionnée delafoule.

Onn'en causait mêmeplus. Ce qui avait achevé deramener lecalme chezlesRoubaud, c'étaitl'heureuse façondontvenait de s'aplanir l'autredifficulté, cellequemenaçait desoulever letestament duprésident Grandmorin.

Surlesconseils deMme Bonnehon, lesLachesnaye avaientenfinconsenti àne pas attaquer cetestament, danslacrainte deréveiller lescandale, trèsincertains aussidurésultat d'un procès.

Et,mis enpossession deleur legs, lesRoubaud setrouvaient, depuisunesemaine, propriétaires delaCroix-de-Maufras, lamaison etlejardin, évalués àune quarantaine demille francs.

Toutdesuite, ilsavaient décidédelavendre, cettemaison dedébauche etde sang, qui les hantait ainsiqu'un cauchemar, oùilsn'auraient pointosédormir, dansl'épouvante des spectres dupassé  etde lavendre enbloc  aveclesmeubles, tellequ'elle était,sanslaréparer ni même enlever lapoussière.

Mais,comme, àdes enchères publiques, elleaurait tropperdu, les acheteurs étantraresquiconsentiraient àse retirer danscette solitude, ilsavaient résolu d'attendre unamateur, ilss'étaient contentés d'accrocher àla façade unimmense écriteau, aisément lisibledescontinuels trainsquipassaient.

Cetappel engrosses lettres,cette désolation àvendre, ajoutait àla tristesse desvolets closetdu jardin envahi parlesronces. Roubaud ayantabsolument refuséd'yaller, même enpassant, prendrecertaines dispositions nécessaires, Séverines'yétait rendue unaprès-midi  etelle avait laissé lesclefs auxMisard, en les chargeant demontrer lapropriété, sides acquéreurs seprésentaient.

Onaurait pus'y installer endeux heures, carilyavait jusqu'à dulinge danslesarmoires. Et, rien dèslors n'inquiétant pluslesRoubaud, ilslaissaient donccouler chaque journée dans l'attente assoupie dulendemain.

Lamaison finiraitparsevendre, ilsen placeraient l'argent, tout marcherait trèsbien.

Ilsl'oubliaient d'ailleurs,ilsvivaient commes'ilsnedevaient jamais sortir destrois pièces qu'ilsoccupaient : lasalle àmanger, dontlaporte s'ouvrait directement sur lecouloir  lachambre àcoucher, assezvaste, àdroite  lacuisine, toutepetite etsans air,à gauche.

Même,devantleursfenêtres, lamarquise delagare, cette pente dezinc quileur barrait lavue, ainsi qu'un murdeprison, aulieu deles exaspérer commeautrefois, semblaitles tranquilliser, augmentaitlasensation d'infinirepos,depaix réconfortante oùilss'endormaient. Au moins, onn'était pasvudes voisins, onn'avait pastoujours devantsoides yeux d'espions à fouiller chezvous  etils ne seplaignaient plus,leprintemps étantvenu, quedelachaleur étouffante, desreflets aveuglants duzinc, chauffé parlespremiers soleils.Aprèslasecousse effroyable, qui,pendant prèsdedeux mois, lesavait faitvivre dansuncontinuel frisson,ils. »

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