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entendez-vous bien ?

Publié le 04/11/2013

Extrait du document

entendez-vous bien ? Non seulement la liberté, mais la puissance : un trône à votre choix, car dans deux mois vous pourrez opter entre Navarre et France. - de Mouy, dit Henri en voilant son regard, qui malgré lui, à cette proposition, avait jeté un éclair, de Mouy, je suis sauf, je suis catholique, je suis l'époux de Marguerite, je suis frère du roi Charles, je suis gendre de ma bonne mère Catherine. de Mouy, en prenant ces diverses positions, j'en ai calculé les chances, mais aussi les obligations. - Mais, Sire, reprit de Mouy, à quoi faut-il croire ? On me dit que votre mariage n'est pas consommé, on me dit que vous êtes libre au fond du coeur, on me dit que la haine de Catherine... - Mensonge, mensonge, interrompit vivement le Béarnais. Oui, l'on vous a trompé impudemment, mon ami. Cette chère Marguerite est bien ma femme ; Catherine est bien ma mère ; le roi Charles IX enfin est bien le seigneur et le maître de ma vie et de mon coeur. de Mouy frissonna, un sourire presque méprisant passa sur ses lèvres. - Ainsi donc, Sire, dit-il en laissant retomber ses bras avec découragement et en essayant de sonder du regard cette âme pleine de ténèbres, voilà la réponse que je rapporterai à mes frères. Je leur dirai que le roi de Navarre tend sa main et donne son coeur à ceux qui nous ont égorgés, je leur dirai qu'il est devenu le flatteur de la reine mère et l'ami de Maurevel... - Mon cher de Mouy, dit Henri, le roi va sortir du conseil, et il faut que j'aille m'informer près de lui des raisons qui nous ont fait remettre une chose aussi importante qu'une partie de chasse. Adieu, imitez-moi, mon ami, quittez la politique, revenez au roi et prenez la messe. Et Henri reconduisit ou plutôt repoussa jusqu'à l'antichambre le jeune homme, dont la stupéfaction commençait à faire place à la fureur. À peine eut-il refermé la porte que, ne pouvant résister à l'envie de se venger sur quelque chose à défaut de quelqu'un, de Mouy broya son chapeau entre ses mains, le jeta à terre, et le foulant aux pieds comme fait un taureau du manteau du matador : - Par la mort ! s'écria-t-il, voilà un misérable prince, et j'ai bien envie de me faire tuer ici pour le souiller à jamais de mon sang. - Chut ! monsieur de Mouy ! dit une voix qui se glissait par l'ouverture d'une porte entrebâillée ; chut ! car un autre que moi pourrait vous entendre. de Mouy se retourna vivement et aperçut le duc d'Alençon enveloppé d'un manteau et avançant sa tête pâle dans le corridor pour s'assurer si de Mouy et lui étaient bien seuls. - M. le duc d'Alençon ! s'écria de Mouy, je suis perdu. - Au contraire, murmura le prince, peut-être même avez-vous trouvé ce que vous cherchez, et la preuve, c'est que je ne veux pas que vous vous fassiez tuer ici comme vous en avez le dessein. Croyez-moi, votre sang peut être mieux employé qu'à rougir le seuil du roi de Navarre. Et à ces mots le duc ouvrit toute grande la porte qu'il tenait entrebâillée. - Cette chambre est celle de deux de mes gentilshommes, dit le duc ; nul ne viendra nous relancer ici ; nous pourrons donc y causer en toute liberté. Venez, monsieur. - Me voici, Monseigneur ! dit le conspirateur stupéfait. Et il entra dans la chambre, dont le duc d'Alençon referma la porte derrière lui non moins vivement que n'avait fait le roi de Navarre. de Mouy était entré furieux, exaspéré, maudissant ; mais peu à peu le regard froid et fixe du jeune duc François fit sur le capitaine huguenot l'effet de cette glace enchantée qui dissipe l'ivresse. - Monseigneur, dit-il, si j'ai bien compris, Votre Altesse veut me parler ? - Oui, monsieur de Mouy, répondit François. Malgré votre déguisement, j'avais cru vous reconnaître, et quand vous avez présenté les armes à mon frère Henri, je vous ai reconnu tout à fait. Eh bien, de Mouy, vous n'êtes donc pas content du roi de Navarre ? - Monseigneur ! - Allons, voyons ! parlez-moi hardiment. Sans que vous vous en doutiez, peut-être suis-je de vos amis. - Vous, Monseigneur ? - Oui, moi. Parlez donc. - Je ne sais que dire à Votre Altesse, Monseigneur. Les choses dont j'avais à entretenir le roi de Navarre touchent à des intérêts que Votre Altesse ne saurait comprendre. D'ailleurs, ajouta de Mouy d'un air qu'il tâcha de rendre indifférent, il s'agissait de bagatelles. - De bagatelles ? fit le duc. - Oui, Monseigneur. - De bagatelles pour lesquelles vous avez cru devoir exposer votre vie en revenant au Louvre, où, vous le savez, votre tête vaut son pesant d'or. Car on n'ignore point que vous êtes, avec le roi de Navarre et le prince de Condé, un des principaux chefs des huguenots. - Si vous croyez cela, Monseigneur, agissez envers moi comme doit le faire le frère du roi Charles et le fils de la reine Catherine. - Pourquoi voulez-vous que j'agisse ainsi, quand je vous ai dit que j'étais de vos amis ? Dites-moi donc la vérité. - Monseigneur, dit de Mouy, je vous jure... - Ne jurez pas, monsieur ; la religion reformée défend de faire des serments, et surtout de faux serments. de ouy fronça le sourcil. - Je vous dis que je sais tout, reprit le duc. de Mouy continua de se taire. - Vous en doutez ? reprit le prince avec une affectueuse insistance. Eh bien, mon cher de Mouy, il faut vous convaincre. Voyons, vous allez juger si je me trompe. Avez-vous ou non proposé à mon beau-frère Henri, là, tout à l'heure (le duc étendit la main dans la direction de la chambre du Béarnais), votre secours et celui des vôtres pour le réinstaller dans sa royauté de Navarre ? de Mouy regarda le duc d'un air effaré. - Propositions qu'il a refusées avec terreur ! de Mouy demeura stupéfait. - Avez-vous alors invoqué votre ancienne amitié, le souvenir de la religion commune ? Avez-vous même alors leurré le roi de Navarre d'un espoir bien brillant, si brillant qu'il en a été ébloui, de l'espoir d'atteindre à la couronne de France ? Hein ? dites, suis-je bien informé ? Est-ce là ce que vous êtes venu proposer au Béarnais ? - Monseigneur ! s'écria de Mouy, c'est si bien cela que je me demande en ce moment même si je ne dois pas dire à Votre Altesse Royale qu'elle en a menti ! provoquer dans cette chambre un combat sans merci, et assurer ainsi par la mort de nous deux l'extinction de ce terrible secret ! - Doucement, mon brave de Mouy, doucement, dit le duc d'Alençon sans changer de visage, sans faire le moindre mouvement à cette terrible menace ; le secret s'éteindra mieux entre nous si nous vivons tous deux que si l'un de nous meurt. Écoutez-moi et cessez de tourmenter ainsi la poignée de votre épée. Pour la troisième fois, je vous dis que vous êtes avec un ami ; répondez donc comme à un ami. Voyons, le roi de Navarre n'a-t-il pas refusé tout ce que vous lui avez offert ? - Oui, Monseigneur, et je l'avoue, puisque cet aveu ne peut compromettre que moi. - N'avez-vous pas crié en sortant de sa chambre et en foulant aux pieds votre chapeau, qu'il était un prince lâche et indigne de demeurer votre chef ? - C'est vrai, Monseigneur, j'ai dit cela. - Ah ! c'est vrai ! Vous l'avouez, enfin ? - Oui. - Et c'est toujours votre avis ? - Plus que jamais, Monseigneur ! - Eh bien, moi, moi, monsieur de Mouy, moi, troisième fils de Henri II, moi, fils de France, suis-je assez bon gentilhomme pour commander à vos soldats, voyons ? et jugez-vous que je suis assez loyal pour que vous puissiez compter sur ma parole ? - Vous, Monseigneur ! vous, le chef des huguenots ? - Pourquoi pas ? C'est l'époque des conversions, vous le savez. Henri s'est bien fait catholique, je puis bien me faire protestant, moi. - Oui, sans doute, Monseigneur ; mais j'attends que vous m'expliquiez... - Rien de plus simple, et je vais vous dire en deux mots la politique de tout le monde. » Mon frère Charles tue les huguenots pour régner plus largement. Mon frère d'Anjou les laisse tuer parce qu'il doit succéder à mon frère Charles, et que, comme vous le savez, mon frère Charles est souvent malade. Mais moi... et c'est tout différent, moi qui ne régnerai jamais, en France du moins, attendu que j'ai deux aînés devant moi ; moi que la haine de ma mère et de mes frères, plus encore que la loi de la nature, éloigne du trône ; moi qui ne dois prétendre à aucune affection de famille, à aucune gloire, à aucun royaume ; moi qui, cependant, porte un coeur aussi noble que mes aînés ; eh bien ! de Mouy ! moi, je veux chercher à me tailler avec mon épée un royaume dans cette France qu'ils couvrent de sang. » Or, voilà ce que je veux, moi, de Mouy, écoutez. » Je veux être roi de Navarre, non par la naissance, mais par l'élection. Et remarquez bien que vous n'avez aucune objection à faire à cela, car je ne suis pas usurpateur, puisque mon frère refuse vos offres, et, s'ensevelissant dans sa torpeur, reconnaît hautement que ce royaume de Navarre n'est qu'une fiction. Avec Henri de Béarn, vous n'avez rien ; avec moi, vous avez une épée et un nom. François d'Alençon, fils de France, sauvegarde tous ses compagnons ou tous ses complices, comme il vous plaira de les appeler. Eh bien, que dites-vous de cette offre, monsieur de Mouy ? - Je dis qu'elle m'éblouit, Monseigneur. - de Mouy, de Mouy, nous aurons bien des obstacles à vaincre. Ne vous montrez donc pas dès l'abord si exigeant et si difficile envers un fils de roi et un frère de roi qui vient à vous. - Monseigneur, la chose serait déjà faite si j'étais seul à soutenir mes idées ; mais nous avons un conseil, et si brillante que soit l'offre, peut-être même à cause de cela, les chefs du parti n'y adhéreront-ils pas sans condition. - Ceci est autre chose, et la réponse est d'un coeur honnête et d'un esprit prudent. À la façon dont je viens d'agir, de Mouy, vous avez dû reconnaître ma probité. Traitez-moi donc de votre côté en homme qu'on estime et non en prince qu'on flatte. de Mouy, ai-je des chances ? - Sur ma parole, Monseigneur, et puisque Votre Altesse veut que je lui donne mon avis, Votre Altesse les a toutes depuis que le roi de Navarre a refusé l'offre que j'étais venu lui faire. Mais, je vous le répète, Monseigneur,

« vérité. –Monseigneur, ditdeMouy, jevous jure… – Ne jurez pas,monsieur ; lareligion reformée défenddefaire desserments, etsurtout defaux serments.

de Mouy fronça lesourcil. – Je vous disque jesais tout, reprit leduc.

deMouy continua desetaire. – Vous endoutez ? repritleprince avecuneaffectueuse insistance.Ehbien, moncherdeMouy, ilfaut vous convaincre.

Voyons,vousallezjuger sije me trompe.

Avez-vous ounon proposé àmon beau-frère Henri,là,tout à l’heure (leduc étendit lamain dansladirection delachambre duBéarnais), votresecours etcelui desvôtres pour leréinstaller danssaroyauté deNavarre ? de Mouy regarda leduc d’un aireffaré. – Propositions qu’ilarefusées avecterreur ! deMouy demeura stupéfait. – Avez-vous alorsinvoqué votreancienne amitié,lesouvenir delareligion commune ? Avez-vousmême alors leurré leroi deNavarre d’unespoir bienbrillant, sibrillant qu’ilenaété ébloui, del’espoir d’atteindre àla couronne deFrance ? Hein ?dites,suis-je bieninformé ? Est-celàce que vous êtesvenu proposer auBéarnais ? – Monseigneur ! s’écriadeMouy, c’estsibien celaquejeme demande encemoment mêmesije ne dois pas dire àVotre Altesse Royalequ’elleenamenti ! provoquer danscette chambre uncombat sansmerci, etassurer ainsi parlamort denous deux l’extinction deceterrible secret ! – Doucement, monbrave deMouy, doucement, ditleduc d’Alençon sanschanger devisage, sansfaire le moindre mouvement àcette terrible menace ; lesecret s’éteindra mieuxentrenoussinous vivons tousdeux que si l’un denous meurt.

Écoutez-moi etcessez detourmenter ainsilapoignée devotre épée.

Pourlatroisième fois, je vous disque vous êtesavec unami ; répondez donccomme àun ami.

Voyons, leroi deNavarre n’a-t-ilpas refusé toutceque vous luiavez offert ? – Oui, Monseigneur, etjel’avoue, puisque cetaveu nepeut compromettre quemoi. – N’avez-vous pascrié ensortant desachambre eten foulant auxpieds votrechapeau, qu’ilétait unprince lâche etindigne dedemeurer votrechef ? – C’est vrai,Monseigneur, j’aiditcela. – Ah ! c’est vrai ! Vousl’avouez, enfin ? – Oui. – Et c’est toujours votreavis ? – Plus quejamais, Monseigneur ! – Eh bien, moi,moi,monsieur deMouy, moi,troisième filsdeHenri II,moi, filsdeFrance, suis-jeassezbon gentilhomme pourcommander àvos soldats, voyons ? etjugez-vous quejesuis assez loyalpourquevous puissiez compter surmaparole ? – Vous, Monseigneur ! vous,lechef deshuguenots ? – Pourquoi pas ?C’estl’époque desconversions, vouslesavez.

Henris’estbien faitcatholique, jepuis bien me faire protestant, moi. – Oui, sans doute, Monseigneur ; maisj’attends quevous m’expliquiez… – Rien deplus simple, etjevais vous direendeux mots lapolitique detout lemonde. » Mon frère Charles tueleshuguenots pourrégner pluslargement.

Monfrère d’Anjou leslaisse tuerparce qu’il doitsuccéder àmon frère Charles, etque, comme vouslesavez, monfrère Charles estsouvent malade. Mais moi… etc’est toutdifférent, moiquinerégnerai jamais,enFrance dumoins, attendu quej’aideux aînés devant moi ;moiquelahaine dema mère etde mes frères, plusencore quelaloi delanature, éloigne dutrône ; moi quinedois prétendre àaucune affection defamille, àaucune gloire,àaucun royaume ; moiqui,cependant, porte uncœur aussinoble quemes aînés ; ehbien ! deMouy ! moi,jeveux chercher àme tailler avecmon épée un royaume danscette France qu’ilscouvrent desang. » Or, voilà ceque jeveux, moi,deMouy, écoutez. » Jeveux êtreroideNavarre, nonparlanaissance, mais par l’élection.

Etremarquez bienquevous n’avez aucune objection àfaire àcela, carjene suis pasusurpateur, puisque monfrère refuse vosoffres, et,s’ensevelissant danssatorpeur, reconnaît hautement queceroyaume de Navarre n’estqu’une fiction.

AvecHenri deBéarn, vousn’avez rien ;avecmoi, vous avezuneépée etun nom. François d’Alençon, filsdeFrance, sauvegarde toussescompagnons outous sescomplices, commeilvous plaira de les appeler.

Ehbien, quedites-vous decette offre, monsieur deMouy ? – Je dis qu’elle m’éblouit, Monseigneur. – de Mouy, deMouy, nousaurons biendesobstacles àvaincre.

Nevous montrez doncpasdèsl’abord si exigeant etsidifficile enversunfils deroi etun frère deroi qui vient àvous. – Monseigneur, lachose seraitdéjàfaite sij’étais seulàsoutenir mesidées ; maisnous avons unconseil, etsi brillante quesoitl’offre, peut-être mêmeàcause decela, leschefs duparti n’yadhéreront-ils passans condition. – Ceci estautre chose, etlaréponse estd’un cœur honnête etd’un esprit prudent.

Àla façon dontjeviens d’agir, deMouy, vousavezdûreconnaître maprobité.

Traitez-moi doncdevotre côtéenhomme qu’onestime et non enprince qu’onflatte.

deMouy, ai-jedeschances ? – Sur maparole, Monseigneur, etpuisque VotreAltesse veutquejelui donne monavis,Votre Altesse lesa toutes depuis queleroi deNavarre arefusé l’offrequej’étais venuluifaire.

Mais, jevous lerépète, Monseigneur,. »

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