L'Etui de nacre Quand vint le moment de quitter le collège, j'embrassai le Père Féval en pleurant.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Il lut la lettre du Père Féval et me dit:
\24 Cette recommandation est bonne, mais que savez-vous?
Je lui répondis que je savais le latin, un peu de grec, l'histoire ancienne, la rhétorique et la poétique.
\24 Voilà de belles connaissances! me répondit-il en souriant.
Mais il serait préférable que vous eussiez
quelque idée de l'agriculture, des arts mécaniques, du commerce de la banque et de l'industrie.
Vous
connaissez les lois de Solon, je gage?
Je lui fis signe qu'oui.
\24 C'est fort bien.
Mais vous ignorez la constitution de l'Angleterre.
Il n'importe.
Vous êtes jeune et dans l'âge
d'apprendre.
Je vous attache à ma personne, avec cinq cents écus d'appointements.
Monsieur Mille, mon
secrétaire, vous dira ce que j'attends de vous.
Au revoir, monsieur.
Un laquais me conduisit à M.
Mille, qui écrivait devant une table au milieu d'un grand salon blanc.
Il me fit
signe d'attendre.
C'était un petit homme rond, de figure assez douce, mais qui roulait des yeux terribles et
grondait à mi-voix en écrivant.
J'entendais sortir de sa bouche les mots de tyrans, fers, enfers, homme, Rome, esclavage, liberté.
Je le crus
fou.
Mais, ayant posé sa plume, il me salua de la tête en souriant.
\24 Hein? me dit-il, vous regardez l'appartement.
Il est simple comme la maison d'un vieux Romain.
Plus de
dorures sur les lambris, plus de magots sur les cheminées, rien qui rappelle les temps détestés du feu roi, rien
qui soit indigne de la gravité d'un homme libre.
Libre, Tibre, il faut que je note cette rime.
Elle est bonne,
n'est-il point vrai? Aimez-vous les vers, monsieur Pierre Aubier?
Je répondis que je ne les aimais que trop et qu'il eût mieux valu, pour faire ma cour à Monseigneur, que je
préférasse M.
Burke à Virgile.
\24 Virgile est un grand homme, répondit M.
Mille.
Mais que pensez-vous de monsieur Chénier? Pour moi, je
ne connais rien de plus beau que son Charles IX.
Je ne vous cacherai pas que je m'essaie moi-même dans la
tragédie.
Et, au moment où vous êtes entré, j'achevais une scène dont je suis assez content.
Vous me semblez
un fort honnête homme.
Je veux bien vous confier le sujet de ma tragédie, mais n'en dites rien.
Vous sentez
de quelle conséquence serait la moindre indiscrétion.
Je compose une Lucrèce.
Soulevant alors un cahier dans ses mains, il lut: Lucrèce, tragédie en cinq actes, dédiée à Louis le
Bien-Aimé, restaurateur de la liberté en France.
Il m'en déclama deux cents vers, puis il s'arrêta, donnant pour excuse que le reste demeurait encore imparfait.
\24 Le courrier du duc, dit-il en soupirant, m'enlève les plus belles heures du jour.
Nous sommes en
correspondance avec tous les hommes éclairés de l'Angleterre, de la Suisse et de l'Amérique.
Je vous dirai, à
ce propos, monsieur Aubier, que vous serez employé à la copie et au classement des lettres.
S'il vous est
agréable de savoir tout de suite de quelles affaires nous nous occupons présentement, je vais vous le dire.
Nous aménageons à Puybonne une ferme, avec des colons anglais chargés d'introduire en France les
améliorations agricoles réalisées dans la Grande-Bretagne.
Nous faisons venir d'Espagne quelques-unes de
ces brebis à soyeuses toisons dont les troupeaux ont enrichi Ségovie de leur laine; négociation si ardue, qu'il a
fallu unir à nos efforts ceux du roi lui-même.
Enfin nous achetons des vaches suisses pour les donner à nos
vassaux.
L'Etui de nacre
MÉMOIRES D'UN VOLONTAIRE 46.
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