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LIVRE SEPTIÈME [.

Publié le 01/10/2013

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LIVRE SEPTIÈME [...] XVII COMMENT L'AUTEUR RETOURNE À SON PREMIER PROPOS ET FAIT UN PETIT DISCOURS POUR FAIRE LA CONCLUSION DE SON OEUVRE Mais il est temps de mettre un terme à notre entretien et de revenir à notre point de départ : j'éviterai ainsi en partie le châtiment qu'on inflige chez vous à qui ne rentre point. Vous me disiez, Cosimo, et vous devez vous le rappeler sans doute, que vous ne conceviez pas comment moi, si grand admirateur des Anciens, et blâmant si vivement ceux qui ne les prennent pas pour modèles dans les choses importantes de la vie, je n'avais pas cherché à les imiter dans tout ce qui concerne l'art de la guerre qui a toujours été ma principale occupation. Je vous ai répondu que tout homme qui médite quelque dessein doit s'y préparer d'avance pour être en état de l'exécuter s'il en trouve l'occasion. Je viens de vous entretenir au long de l'art militaire ; c'est à vous à décider maintenant si je suis capable ou non de ramener une armée aux institutions des Anciens ; vous pouvez juger, ce me semble, combien j'ai employé de temps à cet unique objet de mes méditations, et combien je serais heureux de pouvoir les mettre à exécution. Il vous est facile de juger si l'on m'en a jamais donné les moyens ou l'occasion. Mais afin de ne vous laisser aucun doute, et pour ma plus grande justification, je vais vous exposer quelles sont ces occasions ; j'acquitterai ainsi toute ma promesse en vous montrant les moyens et les obstacles d'une telle imitation. De toutes les institutions humaines, la plus aisée à ramener aux règles des Anciens, ce sont les institutions militaires ; mais cette rénovation n'est aisée que pour un prince dont les États peuvent mettre sur pied quinze à vingt mille jeunes gens ; car rien n'est plus difficile pour ceux qui sont privés d'un tel avantage. Et pour mieux me faire entendre, je dois d'abord rappeler que les capitaines arrivent à la célébrité par deux moyens différents : les uns ont opéré de grandes choses avec des troupes déjà bien réglées et bien disciplinées : tels sont la plupart des chefs romains, et tous les chefs qui n'ont eu d'autre soin à prendre que de les maintenir telles, et de s'évertuer à les conduire avec sagesse ; les autres ont eu non seulement à vaincre l'ennemi, mais avant de hasarder le combat, ils ont dû créer leur armée, l'exercer et la discipliner ; et ils méritent, sans contredit, plus de gloire que ceux qui ont fait de grandes actions avec des armées déjà toutes formées. Parmi les capitaines qui ont vaincu de tels obstacles, on peut citer Pélopidas, Épaminondas, Tullus Hostilius, Philippe roi de Macédoine, père d'Alexandre, Cyrus, roi des Perses, et enfin Sempronius Gracchus. Tous avant de combattre furent obligés de créer leur armée ; mais ils ne réussirent dans cette grande entreprise que parce qu'ils avaient, outre des qualités supérieures, des sujets non moins qualifiés pour exécuter leurs desseins. Quels que fussent leurs talents et leur habileté, ils n'eussent pu jamais obtenir le moindre succès dans un pays étranger, peuplé d'hommes corrompus, et étrangers à tout honneur et à toute obéissance. Il ne suffit donc pas aujourd'hui en Italie de savoir commander une armée toute formée, il faut être en état de la créer avant d'entreprendre de la conduire. Mais ce succès n'est possible qu'aux souverains qui ont un État étendu et des sujets nombreux, et non pas à moi qui n'ai jamais commandé d'armée et qui ne puis jamais avoir sous mes ordres que des soldats soumis à une puissance étrangère et indépendants de ma volonté. Et je vous laisse à penser si c'est parmi de pareils hommes qu'on peut introduire une discipline telle que je vous l'ai proposée. Où est-il le soldat qui consentirait aujourd'hui à porter d'autres armes que ses armes ordinaires, et outre ses armes, des vivres pour deux ou trois jours, et des instruments de pionnier ? Où sont ceux qui manieraient la pioche, et resteraient tous les jours deux ou trois heures sous les armes, occupés de tous les exercices qui doivent les mettre en état de soutenir l'attaque de l'ennemi ? Qui pourrait les désaccoutumer de leurs débauches, de leurs jeux, de leurs blasphèmes et de leur insolence ? Qui pourrait les assujettir à une telle discipline, et faire naître en eux un tel sentiment de respect et d'obéissance qu'un arbre chargé de fruits demeurerait intact au milieu du camp, ainsi qu'on l'a vu plusieurs fois dans les armées anciennes ? Comment parviendrais-je à m'en faire respecter, aimer ou craindre, lorsque après la guerre ils ne doivent plus avoir avec moi le moindre rapport ? De quoi leur ferais-je honte, lorsqu'ils sont nés et élevés sans aucune idée d'honneur ? Pourquoi me respecteraient-ils, puisqu'ils ne me connaissent pas ? Par quel Dieu ou par quel saint les ferais-je jurer ? Estce par ceux qu'ils adorent ou par ceux qu'ils blasphèment ? J'ignore s'il y en a quelques-uns qu'ils adorent, mais je sais bien qu'ils les blasphèment tous. Comment voulez-vous que je compte sur des promesses dont ils ont pris à témoin des êtres qu'ils méprisent ? Et lorsque enfin ils méprisent Dieu même, respecteront-ils les hommes ? Quelles institutions salutaires pouvez-vous donc espérer dans un pareil état de choses ? Vous me direz peut-être que les Suisses et les Espagnols font cependant de bonnes troupes. J'avouerai qu'ils valent beaucoup mieux, sans aucune comparaison, que les Italiens ; mais

« temps à cet unique objet de mes méditations, et combien je serais heureux de pouvoir les mettre à exécution.

Il vous est facile de juger si l'on m'en a jamais donné les moyens ou l'occa- sion.

Mais afin de ne vous laisser aucun doute, et pour ma plus grande justification, je vais vous exposer quelles sont ces occasions ; j'acquitterai ainsi toute ma promesse en vous mon- trant les moyens et les obstacles d'une telle imitation.

De toutes les institutions humaines, la plus aisée à ramener aux règles des Anciens, ce sont les institutions militaires ; mais cette rénovation n'est aisée que pour un prince dont les États peuvent mettre sur pied quinze à vingt mille jeunes gens ; car rien n'est plus difficile pour ceux qui sont privés d'un tel avantage.

Et pour mieux me faire entendre, je dois d'abord rappeler que les capitaines arrivent à la célébrité par deux moyens différents : les uns ont opéré de grandes choses avec des troupes déjà bien réglées et bien disciplinées : tels sont la plupart des chefs romains, et tous les chefs qui n'ont eu d'autre soin à prendre que de les maintenir telles, et de s'évertuer à les conduire avec sagesse ; les autres ont eu non seulement à vaincre l'ennemi, mais avant de hasarder le combat, ils ont dû créer leur armée, l'exercer et la discipliner ; et ils méritent, sans contredit, plus de gloire que ceux qui ont fait de grandes actions avec des armées déjà toutes for- mées.

Parmi les capitaines qui ont vaincu de tels obstacles, on peut citer Pélopidas, Épaminondas, Tullus Hostilius, Phi- lippe roi de Macédoine, père d'Alexandre, Cyrus, roi des Perses, et enfin Sempronius Gracchus.

Tous avant de combattre furent obligés de créer leur armée ; mais ils ne réussirent dans cette grande entreprise que parce qu'ils avaient, outre des qualités supérieures, des sujets non moins qualifiés pour exécuter leurs desseins.

Quels que fussent leurs talents et leur habileté, ils n'eussent pu jamais obtenir le moindre succès dans un pays étranger, peuplé d'hommes corrompus, et étrangers à tout honneur et à toute obéissance.

Il ne suffit donc pas aujourd'hui en Italie de savoir commander une armée toute formée, il faut être en état de. »

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