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- Mais vous avez été criblé ?

Publié le 04/11/2013

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- Mais vous avez été criblé ? dit Marguerite. - Criblé, c'est le mot ! dit La Mole, qui n'était pas fâché de se faire un mérite du danger qu'il avait couru. Voyez, madame ! voyez ! - Comment n'avez-vous pas changé de pourpoint au Louvre, puisque vous y êtes retourné ? demanda la eine. - Ah ! dit La Mole, c'est qu'il y avait quelqu'un dans ma chambre. - Comment, quelqu'un dans votre chambre ? dit Marguerite dont les yeux exprimèrent le plus vif étonnement ; et qui donc était dans votre chambre ? - Son Altesse... - Chut ! interrompit Marguerite. Le jeune homme obéit. - Qui ad lecticam meam stant ? dit-elle à La Mole. - Duo pueri et unus eques. - Optime, barbari ! dit-elle. Dic, Moles, quem inveneris in cubiculo tuo ? - Franciscum ducem. - Agentem ? - Nescio quid. - Quocum ? - Cum ignoto. {1} - C'est bizarre, dit Marguerite. Ainsi vous n'avez pu retrouver Coconnas ? continua-t-elle sans songer évidemment à ce qu'elle disait. - Aussi, madame, comme j'avais l'honneur de le dire à Votre Majesté, j'en meurs véritablement d'inquiétude. - Eh bien, dit Marguerite en soupirant, je ne veux pas vous distraire plus longtemps de sa recherche, mais je ne sais pourquoi j'ai l'idée qu'il se retrouvera tout seul ! N'importe, allez toujours. Et la reine appuya son doigt sur sa bouche. Or, comme la belle Marguerite n'avait confié aucun secret, n'avait fait aucun aveu à La Mole, le jeune homme comprit que ce geste charmant, ne pouvant avoir pour but de lui recommander le silence, devait avoir une autre signification. Le cortège se remit en marche ; et La Mole, dans le but de poursuivre son investigation, continua de remonter le quai jusqu'à la rue du Long-Pont, qui le conduisit dans la rue Saint-Antoine. En face la rue de Jouy, il s'arrêta. C'était là que, la veille, les deux duègnes leur avaient bandé les yeux, à lui et à Coconnas. Il avait tourné à gauche, puis il avait compté vingt pas ; il recommença le manège et se trouva en face d'une maison ou plutôt d'un mur derrière lequel s'élevait une maison ; au milieu de ce mur était une porte à auvent garnie de clous larges et de meurtrières. La maison était située rue Cloche-Percée, petite rue étroite qui commence à la rue Saint-Antoine et aboutit à la rue du Roi-de-Sicile. - Par la sambleu ! dit La Mole, c'est bien là... j'en jurerais... En étendant la main, comme je sortais, j'ai senti les clous de la porte, puis j'ai descendu deux degrés. Cet homme qui courait en criant : À l'aide ! et qu'on a tué rue du Roi-de-Sicile, passait au moment où je mettais le pied sur le premier. Voyons. La Mole alla à la porte et frappa. La porte s'ouvrit, et une espèce de concierge à moustaches vint ouvrir. - Was ist das ? demanda le concierge. - Ah ! ah ! fit La Mole, il me paraît que nous sommes Suisse. Mon ami, continua-t-il en prenant son air le lus charmant, je voudrais avoir mon épée, que j'ai laissée dans cette maison où j'ai passé la nuit. - Ich verstehe nicht, répéta le concierge. - Mon épée..., reprit La Mole. - Ich verstehe nicht, répéta le concierge. - ... que j'ai laissée... Mon épée, que j'ai laissée... - Ich verstehe nicht... - ... dans cette maison, où j'ai passé la nuit. - Gehe zum Teufel... Et il lui referma la porte au nez. - Mordieu ! dit La Mole, si j'avais cette épée que je réclame, je la passerais bien volontiers à travers le corps de ce drôle-là. Mais je ne l'ai point, et ce sera pour un autre jour. Sur quoi La Mole continua son chemin jusqu'à la rue du Roi-de-Sicile, prit à droite, fit cinquante pas à peu près, prit à droite encore et se trouva rue Tizon, petite rue parallèle à la rue Cloche-Percée, et en tout point semblable. Il y eut plus : à peine eut-il fait trente pas, qu'il retrouva la petite porte à clous larges, à auvent et à meurtrières, les deux degrés et le mur. On eût dit que la rue Cloche-Percée s'était retournée pour le voir passer. La Mole réfléchit alors qu'il avait bien pu prendre sa droite pour sa gauche, et il alla frapper à cette porte pour y faire la même réclamation qu'il avait faite à l'autre. Mais cette fois il eut beau frapper, on n'ouvrit même pas. La Mole fit et refit deux ou trois fois le même tour qu'il venait de faire, ce qui l'amena à cette idée, toute naturelle, que la maison avait deux entrées, l'une sur la rue ClochePercée et l'autre sur la rue Tizon. Mais ce raisonnement, si logique qu'il fût, ne lui rendait pas son épée, et ne lui apprenait pas où était son ami. Il eut un instant l'idée d'acheter une autre épée et d'éventrer le misérable portier qui s'obstinait à ne parler qu'allemand ; mais il pensa que si ce portier était à Marguerite et que si Marguerite l'avait choisi ainsi, c'est qu'elle avait ses raisons pour cela, et qu'il lui serait peut-être désagréable d'en être privée. Or, La Mole, pour rien au monde, n'eût voulu faire une chose désagréable à Marguerite. De peur de céder à la tentation, il reprit donc vers les deux heures de l'après midi le chemin du Louvre. Comme son appartement n'était point occupé cette fois, il put rentrer chez lui. La chose était assez urgente relativement au pourpoint, qui, comme lui avait fait observer la reine, était considérablement détérioré. Il s'avança donc incontinent vers son lit pour substituer le beau pourpoint gris perle à celui-là. Mais, à son grand étonnement, la première chose qu'il aperçut près du pourpoint gris perle fut cette fameuse épée qu'il avait laissée rue Cloche-Percée. La Mole la prit, la tourna et la retourna : c'était bien elle. - Ah ! ah ! fit-il, est-ce qu'il y aurait quelque magie là-dessous ? Puis avec un soupir : Ah ! si le pauvre Coconnas se pouvait retrouver comme mon épée ! Deux ou trois heures après que La Mole avait cessé sa ronde circulaire autour de la petite maison double, la porte de la rue Tizon s'ouvrit. Il était cinq heures du soir à peu près, et par conséquent nuit fermée. Une femme enveloppée dans un long manteau garni de fourrures, accompagnée d'une suivante, sortit par cette porte que lui tenait ouverte une duègne d'une quarantaine d'années, se glissa rapidement jusqu'à la rue du Roi-de-Sicile, frappa à une petite porte de la rue d'Argenson qui s'ouvrit devant elle, sortit par la grande porte du même hôtel qui donnait Vieille-rue-du-Temple, alla gagner une petite poterne de l'hôtel de Guise, l'ouvrit avec une clef qu'elle avait dans sa poche, et disparut. Une demi-heure après, un jeune homme, les yeux bandés, sortait par la même porte de la même petite maison, guidé par une femme qui le conduisait au coin de la rue Geoffroy-Lasnier et de la Mortellerie. Là, elle l'invita à compter jusqu'à cinquante et à ôter son bandeau. Le jeune homme accomplit scrupuleusement la recommandation, et au chiffre convenu ôta le mouchoir qui lui couvrait les yeux. - Mordi ! s'écria-t-il en regardant tout autour de lui ; si je sais où je suis, je veux être pendu ! Six heures ! s'écria-t-il en entendant sonner l'horloge de Notre-Dame. Et ce pauvre La Mole, que peut-il être devenu ? Courons au Louvre, peut-être là en saura-t-on des nouvelles. Et ce disant, Coconnas descendit tout courant la rue de la Mortellerie et arriva aux portes du Louvre en moins de temps qu'il n'en eût fallu à un cheval ordinaire ; il bouscula et démolit sur son passage cette haie mobile de braves bourgeois qui se promenaient paisiblement autour des boutiques de la place Baudoyer, et entra dans le palais. Là il interrogea suisse et sentinelle. Le suisse croyait bien avoir vu entrer M. de La Mole le matin, mais il ne l'avait pas vu sortir. La sentinelle n'était là que depuis une heure et demie et n'avait rien vu. Il monta tout courant à la chambre et en ouvrit la porte précipitamment ; mais il ne trouva dans la chambre que le pourpoint de La Mole tout lacéré, ce qui redoubla encore ses inquiétudes. Alors il songea à La Hurière et courut chez le digne hôtelier de la Belle-Étoile. La Hurière avait vu La Mole ; La Mole avait déjeuné chez La Hurière. Coconnas fut donc entièrement rassuré, et, comme il avait grand faim, il demanda à souper à son tour. Coconnas était dans les deux dispositions nécessaires pour bien souper : il avait l'esprit rassuré et l'estomac vide ; il soupa donc si bien que son repas le conduisit jusqu'à huit heures. Alors, réconforté par deux bouteilles d'un petit vin d'Anjou qu'il aimait fort et qu'il venait de sabler avec une sensualité qui se trahissait par des clignements d'yeux et des clappements de langue réitérés, il se remit à la recherche de La Mole, accompagnant cette nouvelle exploration à travers la foule de coups de pied et de coups de poing proportionnés à l'accroissement d'amitié que lui avait inspiré le bien-être qui suit toujours un bon repas. Cela dura une heure ; pendant une heure Coconnas parcourut toutes les rues avoisinant le quai de la Grève, le port au charbon, la rue Saint-Antoine et les rues Tizon et Cloche-Percée, où il pensait que son ami pouvait être revenu. Enfin, il comprit qu'il y avait un endroit par lequel il fallait qu'il passât, c'était le guichet du Louvre, et il résolut de l'aller attendre sous ce guichet jusqu'à sa rentrée. Il n'était plus qu'à cent pas du Louvre, et remettait sur ses jambes une femme dont il avait déjà renversé le mari, place Saint-Germain-l'Auxerrois, lorsqu'à l'horizon il aperçut devant lui à la clarté douteuse d'un grand fanal dressé près du pont-levis du Louvre, le manteau de velours cerise et la plume blanche de son ami qui, déjà pareil à une ombre, disparaissait sous le guichet en rendant le salut à la sentinelle. Le fameux manteau cerise avait fait tant d'effet de par le monde qu'il n'y avait pas à s'y tromper. - Eh mordi ! s'écria Coconnas ; c'est bien lui, cette fois, et le voilà qui rentre. Eh ! eh ! La Mole, eh ! notre ami. Peste ! j'ai pourtant une bonne voix. Comment se fait-il donc qu'il ne m'ait pas entendu ? Mais par bonheur j'ai aussi bonnes jambes que bonne voix, et je vais le rejoindre. Dans cette espérance, Coconnas s'élança de toute la vigueur de ses jarrets, arriva en un instant au Louvre ;

« naturelle, quelamaison avaitdeuxentrées, l’unesurlarue ClochePercée etl’autre surlarue Tizon. Mais ceraisonnement, silogique qu’ilfût,nelui rendait passon épée, etne lui apprenait pasoùétait son ami.

Ileut uninstant l’idéed’acheter uneautre épéeetd’éventrer lemisérable portierquis’obstinait àne parler qu’allemand ; maisilpensa quesice portier étaitàMarguerite etque siMarguerite l’avaitchoisiainsi,c’est qu’elle avaitsesraisons pourcela,etqu’il luiserait peut-être désagréable d’enêtreprivée. Or, LaMole, pourrienaumonde, n’eûtvoulu faireunechose désagréable àMarguerite. De peur decéder àla tentation, ilreprit doncverslesdeux heures del’après midilechemin duLouvre. Comme sonappartement n’étaitpointoccupé cettefois,ilput rentrer chezlui.Lachose étaitassez urgente relativement aupourpoint, qui,comme luiavait faitobserver lareine, étaitconsidérablement détérioré. Il s’avança doncincontinent verssonlitpour substituer lebeau pourpoint grisperle àcelui-là.

Mais,àson grand étonnement, lapremière chosequ’ilaperçut prèsdupourpoint grisperle futcette fameuse épéequ’ilavait laissée rueCloche-Percée. La Mole laprit, latourna etlaretourna : c’étaitbienelle. – Ah ! ah !fit-il, est-ce qu’ilyaurait quelque magielà-dessous ? Puisavec unsoupir : Ah !sile pauvre Coconnas sepouvait retrouver commemonépée ! Deux outrois heures aprèsqueLaMole avaitcessé saronde circulaire autourdelapetite maison double, la porte delarue Tizon s’ouvrit.

Ilétait cinqheures dusoir àpeu près, etpar conséquent nuitfermée. Une femme enveloppée dansunlong manteau garnidefourrures, accompagnée d’unesuivante, sortitpar cette porte queluitenait ouverte uneduègne d’unequarantaine d’années,seglissa rapidement jusqu’àlarue du Roi-de-Sicile, frappaàune petite portedelarue d’Argenson quis’ouvrit devantelle,sortit parlagrande portedu même hôtelquidonnait Vieille-rue-du-Temple, allagagner unepetite poterne del’hôtel deGuise, l’ouvrit avec une clefqu’elle avaitdanssapoche, etdisparut. Une demi-heure après,unjeune homme, lesyeux bandés, sortaitparlamême portedelamême petite maison, guidéparune femme quileconduisait aucoin delarue Geoffroy-Lasnier etde laMortellerie.

Là,elle l’invita àcompter jusqu’àcinquante etàôter sonbandeau. Le jeune homme accomplit scrupuleusement larecommandation, etau chiffre convenu ôtalemouchoir qui lui couvrait lesyeux. – Mordi ! s’écria-t-il enregardant toutautour delui ; sije sais oùjesuis, jeveux êtrependu ! Sixheures ! s’écria-t-il enentendant sonnerl’horloge deNotre-Dame.

Etcepauvre LaMole, quepeut-il êtredevenu ? Courons auLouvre, peut-être làen saura-t-on desnouvelles. Et cedisant, Coconnas descendittoutcourant larue delaMortellerie etarriva auxportes duLouvre en moins detemps qu’iln’eneûtfallu àun cheval ordinaire ; ilbouscula etdémolit surson passage cettehaie mobile debraves bourgeois quisepromenaient paisiblement autourdesboutiques delaplace Baudoyer, etentra dans lepalais. Là ilinterrogea suisseetsentinelle.

Lesuisse croyait bienavoir vuentrer M. de La Molelematin, maisilne l’avait pasvusortir.

Lasentinelle n’étaitlàque depuis uneheure etdemie etn’avait rienvu. Il monta toutcourant àla chambre eten ouvrit laporte précipitamment ; maisilne trouva danslachambre que lepourpoint deLa Mole toutlacéré, cequi redoubla encoresesinquiétudes. Alors ilsongea àLa Hurière etcourut chezledigne hôtelier delaBelle-Étoile.

LaHurière avaitvuLa Mole ; La Mole avaitdéjeuné chezLaHurière.

Coconnas futdonc entièrement rassuré,et,comme ilavait grand faim,il demanda àsouper àson tour. Coconnas étaitdans lesdeux dispositions nécessairespourbiensouper : ilavait l’esprit rassuré etl’estomac vide ; ilsoupa doncsibien quesonrepas leconduisit jusqu’àhuitheures.

Alors,réconforté pardeux bouteilles d’un petit vind’Anjou qu’ilaimait fortetqu’il venait desabler avecunesensualité quisetrahissait pardes clignements d’yeuxetdes clappements delangue réitérés, ilse remit àla recherche deLa Mole, accompagnant cette nouvelle exploration àtravers lafoule decoups depied etde coups depoing proportionnés à l’accroissement d’amitiéqueluiavait inspiré lebien-être quisuit toujours unbon repas. Cela dura uneheure ; pendant uneheure Coconnas parcourut touteslesrues avoisinant lequai delaGrève, le port aucharbon, larue Saint-Antoine etles rues Tizon etCloche-Percée, oùilpensait quesonami pouvait être revenu.

Enfin,ilcomprit qu’ilyavait unendroit parlequel ilfallait qu’ilpassât, c’étaitleguichet duLouvre, etil résolut del’aller attendre sousceguichet jusqu’àsarentrée. Il n’était plusqu’à cent pasduLouvre, etremettait sursesjambes unefemme dontilavait déjàrenversé le mari, placeSaint-Germain-l’Auxerrois, lorsqu’àl’horizon ilaperçut devantluiàla clarté douteuse d’ungrand fanal dressé prèsdupont-levis duLouvre, lemanteau develours ceriseetlaplume blanche deson ami qui, déjà pareil àune ombre, disparaissait sousleguichet enrendant lesalut àla sentinelle. Le fameux manteau ceriseavaitfaittant d’effet depar lemonde qu’iln’yavait pasàs’y tromper. – Eh mordi ! s’écriaCoconnas ; c’estbienlui,cette fois,etlevoilà quirentre.

Eh !eh !LaMole, eh !notre ami.

Peste ! j’aipourtant unebonne voix.Comment sefait-il doncqu’ilnem’ait pasentendu ? Maisparbonheur j’ai aussi bonnes jambesquebonne voix,etjevais lerejoindre. Dans cetteespérance, Coconnass’élançadetoute lavigueur deses jarrets, arrivaenun instant auLouvre ;. »

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