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- Non, je ne reviendrai pas », dit Joe.

Publié le 15/12/2013

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- Non, je ne reviendrai pas », dit Joe. Nos yeux se rencontrèrent, et tous les « monsieur » furent bannis du coeur de cet excellent homme, quand il me tendit la main. « Pip ! mon cher Pip, mon vieux camarade, la vie est composée d'une suite de séparations de gens qui ont été liés ensemble, s'il m'est permis de le dire : l'un est forgeron, un autre orfèvre, celui-ci bijoutier, celui-là chaudronnier ; les uns réussissent, les autres ne réussissent pas. La séparation entre ces gens-là doit venir un jour ou l'autre, et il faut bien l'accepter quand elle vient. Si quelqu'un a commis aujourd'hui une faute, c'est moi. Vous et moi ne sommes pas deux personnages à paraître ensemble dans Londres, ni même ailleurs, si ce n'est quand nous sommes dans l'intimité et entre gens de connaissance. Je veux dire entre amis. Ce n'est pas que je sois fier, mais je n'ai pas ce qu'il faut, et vous ne me verrez plus dans ces habits. Je suis gêné dans ces habits, je suis gêné hors de la forge, de notre cuisine et de nos marais. Vous ne me trouveriez pas la moitié autant de défauts, si vous pensiez à moi et si vous vous figuriez me voir dans mes habits de la forge, avec mon marteau à la main, voire même avec ma pipe. Vous ne me trouveriez pas la moitié autant de défauts si, en supposant que vous ayez eu envie de me voir, vous soyez venu mettre la tête à la fenêtre de la forge et regarder Joe, le forgeron, là, devant sa vieille enclume, avec son vieux tablier brûlé, et attaché à son vieux travail. Je suis terriblement triste aujourd'hui ; mais je crois que, malgré tout, j'ai dit quelque chose qui a le sens commun. Ainsi donc, Dieu te bénisse, mon cher petit Pip, mon vieux camarade, Dieu te bénisse ! » Je ne m'étais pas trompé, en m'imaginant qu'il y avait en lui une véritable dignité. La coupe de ses habits m'était aussi indifférente, quand il eut dit ces quelques mots, qu'elle eût pu l'être dans le ciel. Il me toucha doucement le front avec ses lèvres et partit. Aussitôt que je fus revenu suffisamment à moi, je me précipitai sur ses pas, et je le cherchai dans les rues voisines, mais il avait disparu. XXVIII Il était clair que je devais me rendre à notre ville dès le lendemain, et dans les premières effusions de mon repentir, il me semblait également clair que je devais descendre chez Joe. Mais quand j'eus retenu ma place à la voiture pour le lendemain, quand je fus allé chez M. Pocket, et quand je fus revenu, je n'étais en aucune façon convaincu de la nécessité de ce dernier point, et je commençai à chercher quelque prétexte et à trouver de bonnes raisons pour descendre au Cochon bleu : « Je serais un embarras chez Joe, pensai-je ; je ne suis pas attendu, et mon lit ne sera pas prêt. Je serai trop loin de miss Havisham. Elle est exigeante et pourrait ne pas le trouver bon. » On n'est jamais mieux trompé sur terre que par soi-même, et c'est avec de tels prétextes que je me donnai le change. Que je reçoive innocemment et sans m'en douter une mauvaise demi-couronne fabriquée par un autre, c'est assez déraisonnable, mais qu'en connaissance de cause je compte pour bon argent des pièces fausses de ma façon, c'est assurément chose curieuse ! Un étranger complaisant, sous prétexte de mettre en sûreté et de serrer avec soin mes banknotes pour moi s'en empare, et me donne des coquilles de noix ; qu'est-ce que ce tour de passe-passe auprès du mien, si je serre moi-même mes coquilles de noix, et si je les fais passer à mes propres yeux pour des banknotes. Après avoir décidé que je devais descendre au Cochon bleu, mon esprit resta dans une grande indécision. Emmènerais-je mon groom avec moi ou ne l'emmènerais-je pas ? C'était bien tentant de se représenter ce coûteux mercenaire avec ses bottes, prenant publiquement l'air sous la grande porte du Cochon bleu. Il y avait quelque chose de presque solennel à se l'imaginer introduit comme par hasard dans la boutique du tailleur, et confondant de surprise admiratrice l'irrespectueux garçon de Trabb. D'un autre côté, le garçon de Trabb pouvait se glisser dans son intimité et lui dire beaucoup de choses ; ou bien, hardi et méchant comme je le connaissais, il le poursuivrait peut-être de ses huées jusque dans la Grande-Rue. Ma protectrice pourrait aussi entendre parler de lui, et ne pas m'approuver. D'après tout cela, je résolus de laisser le Vengeur à la maison. C'était pour la voiture de l'après-midi que j'avais retenu ma place ; et comme l'hiver était revenu, je ne devais arriver à destination que deux ou trois heures après le coucher du soleil. Notre heure de départ de Cross Keys était fixée à deux heures. J'arrivai un quart d'heure en avance, suivi du Vengeur, si je puis parler ainsi d'un individu qui ne me suivait jamais, quand il lui était possible de faire autrement. À cette époque, on avait l'habitude de conduire les condamnés au dépôt par la voiture publique, et comme j'avais souvent entendu dire qu'ils voyageaient sur l'impériale, et que je les avais vus plus d'une fois sur la grande route balancer leurs jambes enchaînées au-dessus de la voiture, je ne fus pas très surpris quand Herbert, en m'apercevant dans la cour, vint me dire que deux forçats allaient faire route avec moi ; mais j'avais une raison, qui commençait à être une vieille raison, pour trembler malgré moi des pieds à la tête quand j'entendais prononcer le mot forçat. « Cela ne vous inquiète pas, Haendel ? dit Herbert. - Oh ! non ! - Je croyais que vous paraissiez ne pas les aimer. - Je ne prétends pas que je les aime, et je suppose que vous ne les aimez pas particulièrement non plus ; mais ils me sont indifférents. - Tenez ! les voilà, dit Herbert, ils sortent du cabaret ; quel misérable et honteux spectacle ! » Les deux forçats venaient de régaler leur gardien, je suppose, car ils avaient avec eux un geôlier, et tous les trois s'essuyaient encore la bouche avec leurs mains. Les deux malheureux étaient attachés ensemble et avaient des fers aux jambes, des fers dont j'avais déjà vu un échantillon, et ils portaient un habillement que je ne connaissais que trop bien aussi. Leur gardien avait une paire de pistolets et portait sous son bras un gros bâton noueux, mais il paraissait dans de bons termes avec eux et se tenait à leur côté, occupé à voir mettre les chevaux à la voiture. Ils avaient vraiment l'air de faire partie de quelque exhibition intéressante, non encore ouverte, et lui, d'être leur directeur. L'un était plus grand et plus fort que l'autre, et on eût dit que, selon les règles mystérieuses du monde des forçats, comme des gens libres, on lui avait alloué l'habillement le plus court. Ses bras et ses jambes étaient comme de grosses pelotes de cette forme et son accoutrement le déguisait d'une façon complète. Cependant, je reconnus du premier coup son clignotement d'oeil.

« XVIII Il était clairquejedevais merendre ànotre villedèslelendemain, etdans lespremières effusionsdemon repentir, il me semblait également clairquejedevais descendre chezJoe.Mais quand j’eusretenu maplace àla voiture pourle lendemain, quandjefus allé chez M. Pocket, etquand jefus revenu, jen’étais enaucune façonconvaincu dela nécessité decedernier point,etjecommençai àchercher quelqueprétexte etàtrouver debonnes raisonspour descendre au Cochon bleu :« Je serais unembarras chezJoe,pensai-je ; jene suis pasattendu, etmon litne sera pasprêt.

Jeserai troploinde miss Havisham.

Elleestexigeante etpourrait nepas letrouver bon. » On n’est jamais mieuxtrompé surterre queparsoi-même, etc’est avecdetels prétextes quejeme donnai le change.

Quejereçoive innocemment etsans m’en douter unemauvaise demi-couronne fabriquéeparunautre, c’est assez déraisonnable, maisqu’en connaissance decause jecompte pourbonargent despièces fausses dema façon, c’est assurément chosecurieuse ! Unétranger complaisant, sousprétexte demettre ensûreté etde serrer avecsoin mes banknotes pourmois’en empare, etme donne descoquilles denoix ; qu’est-ce quecetour depasse-passe auprès du mien, sije serre moi-même mescoquilles denoix, etsije les fais passer àmes propres yeuxpour desbanknotes. Après avoirdécidé quejedevais descendre au Cochon bleu, mon esprit restadansunegrande indécision. Emmènerais-je mongroom avecmoiounel’emmènerais-je pas ?C’était biententant desereprésenter cecoûteux mercenaire avecsesbottes, prenant publiquement l’airsous lagrande portedu Cochon bleu.

Il yavait quelque chose de presque solennel àse l’imaginer introduitcommeparhasard danslaboutique dutailleur, etconfondant desurprise admiratrice l’irrespectueux garçondeTrabb.

D’unautre côté,legarçon deTrabb pouvait seglisser danssonintimité et lui dire beaucoup dechoses ; oubien, hardi etméchant commejeleconnaissais, ille poursuivrait peut-êtredeses huées jusque danslaGrande-Rue.

Maprotectrice pourraitaussientendre parlerdelui, etne pas m’approuver.

D’après tout cela, jerésolus delaisser leVengeur àla maison. C’était pourlavoiture del’après-midi quej’avais retenu maplace ; etcomme l’hiverétaitrevenu, jene devais arriver àdestination quedeux outrois heures aprèslecoucher dusoleil.

Notreheure dedépart deCross Keysétait fixée à deux heures.

J’arrivai unquart d’heure enavance, suividuVengeur, sije puis parler ainsid’unindividu quineme suivait jamais, quandillui était possible defaire autrement. À cette époque, onavait l’habitude deconduire lescondamnés audépôt parlavoiture publique, etcomme j’avais souvent entendu direqu’ils voyageaient surl’impériale, etque jeles avais vusplus d’une foissurlagrande route balancer leursjambes enchaînées au-dessusdelavoiture, jene fus pas très surpris quandHerbert, enm’apercevant dans lacour, vintmedire quedeux forçats allaient faireroute avecmoi ; maisj’avais uneraison, quicommençait àêtre une vieille raison, pourtrembler malgrémoidespieds àla tête quand j’entendais prononcerlemot forçat. « Cela nevous inquiète pas,Haendel ? ditHerbert. – Oh ! non ! – Je croyais quevous paraissiez nepas lesaimer. – Je neprétends pasque jeles aime, etjesuppose quevous neles aimez pasparticulièrement nonplus ; maisils me sont indifférents. – Tenez ! lesvoilà, ditHerbert, ilssortent ducabaret ; quelmisérable ethonteux spectacle ! » Les deux forçats venaient derégaler leurgardien, jesuppose, carilsavaient aveceuxungeôlier, ettous lestrois s’essuyaient encorelabouche avecleurs mains.

Lesdeux malheureux étaientattachés ensemble etavaient desfers aux jambes, desfers dont j’avais déjàvuun échantillon, etils portaient unhabillement quejene connaissais quetrop bien aussi.

Leurgardien avaitunepaire depistolets etportait soussonbras ungros bâton noueux, maisilparaissait dansde bons termes aveceuxetse tenait àleur côté, occupé àvoir mettre leschevaux àla voiture.

Ilsavaient vraiment l’airde faire partie dequelque exhibition intéressante, nonencore ouverte, etlui, d’être leurdirecteur.

L’unétait plusgrand et plus fortque l’autre, eton eût ditque, selon lesrègles mystérieuses dumonde desforçats, commedesgens libres, on lui avait alloué l’habillement leplus court.

Sesbras etses jambes étaientcomme degrosses pelotesdecette forme et son accoutrement ledéguisait d’unefaçoncomplète.

Cependant, jereconnus dupremier coupsonclignotement d’œil.. »

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