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La rotisserie de la Reine Pedauque petite, à Paris, après avoir tué le Portugais.

Publié le 11/04/2014

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La rotisserie de la Reine Pedauque petite, à Paris, après avoir tué le Portugais. Elle était restée, autant que je crois, dans une remise du château des Sablons. Celle-ci me la rappelle tout à fait, et c'est un horrible souvenir, car j'y vis mon oncle écumant de rage. Vous ne pouvez concevoir, Jacques, à quel point il est violent. J'ai moi-même éprouvé sa fureur le jour de mon départ. Il m'enferma dans ma chambre en vomissant contre M. l'abbé Coignard des injures épouvantables. Je frémis en pensant à l'état où il dut être quand il trouva ma chambre vide et mes draps encore attachés à la fenêtre par où je m'échappai pour vous joindre et fuir avec vous. --Jahel, vous voulez dire avec M. d'Anquetil. --Que vous êtes pointilleux! Ne partions-nous pas tous ensemble? Mais cette calèche me donne de l'inquiétude, tant elle ressemble à celle de mon oncle. --Soyez assurée, Jahel, que c'est la voiture de quelque bon Bourguignon qui va à ses affaires sans songer à nous. --Vous n'en savez rien, dit Jahel. J'ai peur. --Vous ne pouvez craindre pourtant, mademoiselle, que votre oncle, dans l'état de décrépitude où il est réduit, coure les routes à votre poursuite. Il n'est occupé que de cabbale et rêveries hébraïques. --Vous ne le connaissez pas, me répondit-elle en soupirant. Il n'est occupé que de moi. Il m'aime autant qu'il exècre le reste de l'univers. Il m'aime d'une manière... --D'une manière? --De toutes les manières... Enfin il m'aime. --Jahel, je frémis de vous entendre. Juste ciel! ce Mosaïde vous aimerait sans ce désintéressement qui est si beau chez un vieillard et si convenable à un oncle. Dites tout, Jahel! --Oh! vous le dites mieux que moi, Jacques. --J'en demeure stupide. A son âge, cela se peut-il? --Mon ami, vous avez la peau blanche et l'âme à l'avenant. Tout vous étonne. C'est cette candeur qui fait votre charme. On vous trompe pour peu qu'on s'en donne la peine. On vous fait croire que Mosaïde est âgé de cent trente ans, quand il n'en a pas beaucoup plus de soixante, qu'il a vécu dans la grande pyramide, tandis qu'en réalité il faisait la banque à Lisbonne. Et il ne tenait qu'à moi de passer à vos yeux pour une Salamandre. --Quoi, Jahel, dites-vous la vérité? Votre oncle... --Oui, et c'est le secret de sa jalousie. Il croit que l'abbé Coignard est son rival. Il le détesta d'instinct, à première vue. Mais c'est bien autre chose depuis qu'ayant surpris quelques mots de l'entretien que ce bon abbé eut avec moi dans les épines, il le peut haïr comme la cause de ma fuite et de mon enlèvement. Car, enfin, j'ai été enlevée, mon ami, et cela doit me donner quelque prix à vos yeux. Oh! j'ai été bien ingrate en quittant un si bon oncle. Mais je ne pouvais plus endurer l'esclavage où il me retenait. Et puis j'avais une ardente envie de devenir riche, et il est bien naturel, n'est-ce pas? de désirer de grands biens quand on est jeune et jolie. Nous n'avons qu'une vie, et elle est courte. On ne m'a pas appris, à moi, de beaux mensonges sur l'immortalité de l'âme. La rotisserie de la Reine Pedauque 89 La rotisserie de la Reine Pedauque --Hélas! Jahel, m'écriai-je dans une ardeur d'amour que me donnait sa dureté même, hélas! il ne me manquait rien près de vous au château des Sablons. Que vous y manquait-il, à vous, pour être heureuse? Elle me fît signe que M. d'Anquetil nous observait. Le trait était raccommodé et la berline roulait entre les coteaux de vignes. Nous nous arrêtâmes à Nuits pour le souper et la couchée. Mon bon maître but une demi-douzaine de bouteilles de vin du cru, qui échauffa merveilleusement son éloquence. M. d'Anquetil lui rendit raison, le verre à la main; mais, quant à lui tenir tête dans la conversation, c'est ce dont ce gentilhomme était bien incapable. La chère avait été bonne; le gîte fut mauvais. M. l'abbé Coignard coucha dans la chambre basse, sous l'escalier, en un lit de plume qu'il partagea avec l'aubergiste et sa femme, et où ils pensèrent tous trois étouffer. M. d'Anquetil prit avec Jahel la chambre haute où le lard et les oignons pendaient aux solives. Je montai par une échelle au grenier, et je m'étendis sur la paille. Ayant passé le fort de mon sommeil, la lune, dont la lumière traversait les fentes du toit, glissa un rayon entre mes cils et les écarta à propos pour que je visse Jahel, en bonnet de nuit, qui sortait de la trappe. Au cri que je poussai, elle mit un doigt sur sa bouche. --Chut! me dit-elle, Maurice est ivre comme un portefaix et comme un marquis. Il dort ci-dessous du sommeil de Noé. --Qui est-ce, Maurice? demandai-je en me frottant les yeux. --C'est Anquetil. Qui voulez-vous que ce soit? --Personne. Mais je ne savais pas qu'il s'appelât Maurice. --Il n'y a pas longtemps que je le sais moi-même. Mais il n'importe. --Vous avez raison, Jahel, cela n'importe pas. Elle était en chemise et cette clarté de la lune s'égouttait comme du lait sur ses épaules nues. Elle se coula à mon côté, m'appela des noms les plus tendres et des noms les plus effroyablement grossiers qui glissaient sur ses lèvres en suaves murmures. Puis elle se tut et commença à me donner ces baisers qu'elle savait et auprès desquels tous les embrassements des autres femmes semblent insipides. La contrainte et le silence augmentaient la tension furieuse de mes nerfs. La surprise, la joie d'une revanche et, peut-être, une jalousie perverse, attisaient mes désirs. L'élastique fermeté de sa chair et la souple violence des mouvements dont elle m'enveloppait, demandaient, promettaient et méritaient les plus ardentes caresses. Nous connûmes, cette nuit-là, les voluptés dont l'abîme confine à la douleur. En descendant, le matin, dans la cour de l'hôtellerie, j'y trouvai M. d'Anquetil qui me parut moins odieux, maintenant que je le trompais. De son côté, il semblait plus attiré vers moi qu'il ne l'avait été depuis le commencement du voyage. Il me parla avec familiarité, sympathie, confiance, me reprochant seulement de montrer à Jahel peu d'égards et d'empressement, et de ne pas lui rendre ces soins qu'un honnête homme doit avoir pour toute femme. --Elle se plaint, dit-il, de votre incivilité. Prenez-y garde, cher Tournebroche; je serais fâché qu'il y eût des difficultés entre elle et vous. C'est une jolie fille, et qui m'aime excessivement. La berline roulait depuis une heure quand Jahel, ayant mis la tête à la portière, me dit: La rotisserie de la Reine Pedauque 90

« —Hélas! Jahel, m'écriai-je dans une ardeur d'amour que me donnait sa dureté même, hélas! il ne me manquait rien près de vous au château des Sablons.

Que vous y manquait-il, à vous, pour être heureuse? Elle me fît signe que M.

d'Anquetil nous observait.

Le trait était raccommodé et la berline roulait entre les coteaux de vignes. Nous nous arrêtâmes à Nuits pour le souper et la couchée.

Mon bon maître but une demi-douzaine de bouteilles de vin du cru, qui échauffa merveilleusement son éloquence.

M.

d'Anquetil lui rendit raison, le verre à la main; mais, quant à lui tenir tête dans la conversation, c'est ce dont ce gentilhomme était bien incapable. La chère avait été bonne; le gîte fut mauvais.

M.

l'abbé Coignard coucha dans la chambre basse, sous l'escalier, en un lit de plume qu'il partagea avec l'aubergiste et sa femme, et où ils pensèrent tous trois étouffer. M.

d'Anquetil prit avec Jahel la chambre haute où le lard et les oignons pendaient aux solives.

Je montai par une échelle au grenier, et je m'étendis sur la paille.

Ayant passé le fort de mon sommeil, la lune, dont la lumière traversait les fentes du toit, glissa un rayon entre mes cils et les écarta à propos pour que je visse Jahel, en bonnet de nuit, qui sortait de la trappe.

Au cri que je poussai, elle mit un doigt sur sa bouche. —Chut! me dit-elle, Maurice est ivre comme un portefaix et comme un marquis.

Il dort ci-dessous du sommeil de Noé. —Qui est-ce, Maurice? demandai-je en me frottant les yeux. —C'est Anquetil.

Qui voulez-vous que ce soit? —Personne.

Mais je ne savais pas qu'il s'appelât Maurice. —Il n'y a pas longtemps que je le sais moi-même.

Mais il n'importe. —Vous avez raison, Jahel, cela n'importe pas. Elle était en chemise et cette clarté de la lune s'égouttait comme du lait sur ses épaules nues.

Elle se coula à mon côté, m'appela des noms les plus tendres et des noms les plus effroyablement grossiers qui glissaient sur ses lèvres en suaves murmures.

Puis elle se tut et commença à me donner ces baisers qu'elle savait et auprès desquels tous les embrassements des autres femmes semblent insipides. La contrainte et le silence augmentaient la tension furieuse de mes nerfs.

La surprise, la joie d'une revanche et, peut-être, une jalousie perverse, attisaient mes désirs.

L'élastique fermeté de sa chair et la souple violence des mouvements dont elle m'enveloppait, demandaient, promettaient et méritaient les plus ardentes caresses.

Nous connûmes, cette nuit-là, les voluptés dont l'abîme confine à la douleur. En descendant, le matin, dans la cour de l'hôtellerie, j'y trouvai M.

d'Anquetil qui me parut moins odieux, maintenant que je le trompais.

De son côté, il semblait plus attiré vers moi qu'il ne l'avait été depuis le commencement du voyage.

Il me parla avec familiarité, sympathie, confiance, me reprochant seulement de montrer à Jahel peu d'égards et d'empressement, et de ne pas lui rendre ces soins qu'un honnête homme doit avoir pour toute femme. —Elle se plaint, dit-il, de votre incivilité.

Prenez-y garde, cher Tournebroche; je serais fâché qu'il y eût des difficultés entre elle et vous.

C'est une jolie fille, et qui m'aime excessivement. La berline roulait depuis une heure quand Jahel, ayant mis la tête à la portière, me dit: La rotisserie de la Reine Pedauque La rotisserie de la Reine Pedauque 90. »

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