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Saint-Barthélemy.

Publié le 04/11/2013

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Saint-Barthélemy. Et madame de Nevers, montant à cheval à son tour, partit toute rayonnante pour le Louvre, où était le rendez-vous général. Il était deux heures de l'après-midi, lorsqu'une file de cavaliers ruisselants d'or, de joyaux et d'habits splendides apparut dans la rue Saint-Denis, débouchant à l'angle du cimetière des Innocents, et se déroulant au soleil entre les deux rangées de maisons sombres comme un immense reptile aux chatoyants anneaux. XVI - Le corps d'un ennemi mort sent toujours bon   Nulle troupe, si riche qu'elle soit, ne peut donner une idée de ce spectacle. Les habits soyeux, riches et éclatants, légués comme une mode splendide par François Ier à ses successeurs, ne s'étaient pas transformés encore dans ces vêtements étriqués et sombres qui furent de mise sous Henri III ; de sorte que le costume de Charles IX, moins riche, mais peut-être plus élégant que ceux des époques précédentes, éclatait dans toute sa parfaite harmonie. De nos jours, il n'y a plus de point de comparaison possible avec un semblable cortège ; car nous en sommes réduits, pour nos magnificences de parade, à la symétrie et à l'uniforme. Pages, écuyers, gentilshommes de bas étage, chiens et chevaux marchant sur les flancs et en arrière, faisaient du cortège royal une véritable armée. Derrière cette armée venait le peuple, ou, pour mieux dire, le peuple était partout. Le peuple suivait, escortait et précédait ; il criait à la fois Noël et Haro, car, dans le cortège, on distinguait plusieurs calvinistes ralliés, et le peuple a de la rancune. C'était le matin, en face de Catherine et du duc de Guise, que Charles IX avait, comme d'une chose toute naturelle, parlé devant Henri de Navarre d'aller visiter le gibet de Montfaucon, ou plutôt le corps mutilé de l'amiral, qui était pendu. Le premier mouvement de Henri avait été de se dispenser de prendre part à cette visite. C'était là où l'attendait Catherine. Aux premiers mots qu'il dit exprimant sa répugnance, elle échangea un coup d'oeil et un sourire avec le duc de Guise. Henri surprit l'un et l'autre, les comprit, puis se reprenant tout à coup : - Mais, au fait, dit-il, pourquoi n'irais-je pas ? Je suis catholique et je me dois à ma nouvelle religion. Puis s'adressant à Charles IX : - Que Votre Majesté compte sur moi, lui dit-il, je serai toujours heureux de l'accompagner partout où elle ira. Et il jeta autour de lui un coup d'oeil rapide pour compter les sourcils qui se fronçaient. Aussi celui de tout le cortège que l'on regardait avec le plus de curiosité, peut-être, était ce fils sans mère, ce roi sans royaume, ce huguenot fait catholique. Sa figure longue et caractérisée, sa tournure un peu vulgaire, sa familiarité avec ses inférieurs, familiarité qu'il portait à un degré presque inconvenant pour un roi, familiarité qui tenait aux habitudes montagnardes de sa jeunesse et qu'il conserva jusqu'à sa mort, le signalaient aux spectateurs, dont quelques-uns lui criaient : - À la messe, Henriot, à la messe ! Ce à quoi Henri répondait : - J'y ai été hier, j'en viens aujourd'hui, et j'y retournerai demain. Ventre saint gris ! il me semble cependant que c'est assez comme cela. Quant à Marguerite, elle était à cheval, si belle, si fraîche, si élégante, que l'admiration faisait autour d'elle un concert dont quelques notes, il faut l'avouer, s'adressaient à sa compagne, madame la duchesse de Nevers, qu'elle venait de rejoindre, et dont le cheval blanc, comme s'il était fier du poids qu'il portait, secouait furieusement la tête. - Eh bien, duchesse, dit la reine de Navarre, quoi de nouveau ? - Mais, madame, répondit tout haut Henriette, rien que je sache. Puis tout bas : - Et le huguenot, demanda-t-elle, qu'est-il devenu ? - Je lui ai trouvé une retraite à peu près sûre, répondit Marguerite. Et le grand massacreur de gens, qu'en astu fait ? - Il a voulu être de la fête ; il monte le cheval de bataille de M. de Nevers, un cheval grand comme un éléphant. C'est un cavalier effrayant. Je lui ai permis d'assister à la cérémonie, parce que j'ai pensé que prudemment ton huguenot garderait la chambre et que de cette façon il n'y aurait pas de rencontre à craindre. - Oh ! ma foi ! répondit Marguerite en souriant, fût-il ici, et il n'y est pas, je crois qu'il n'y aurait pas de rencontre pour cela. C'est un beau garçon que mon huguenot, mais pas autre chose : une colombe et non un milan ; il roucoule, mais ne mord pas. Après tout, fit-elle avec un accent intraduisible et en haussant légèrement les épaules ; après tout, peut-être l'avons-nous cru huguenot, tandis qu'il était brahme, et sa religion lui défendelle de répandre le sang. - Mais où donc est le duc d'Alençon ? demanda Henriette, je ne l'aperçois point. - Il doit rejoindre, il avait mal aux yeux ce matin et désirait ne pas venir ; mais comme on sait que, pour ne pas être du même avis que son frère Charles et son frère Henri, il penche pour les huguenots, on lui a fait observer que le roi pourrait interpréter à mal son absence et il s'est décidé. Mais, justement, tiens, on regarde, on crie là-bas, c'est lui qui sera venu par la porte Montmartre. - En effet, c'est lui-même, je le reconnais, dit Henriette. En vérité, mais il a bon air aujourd'hui. Depuis quelque temps, il se soigne particulièrement : il faut qu'il soit amoureux. Voyez donc comme c'est bon d'être

« XVI –Le corps d’unennemi mortsenttoujours bon  Nulle troupe, siriche qu’elle soit,nepeut donner uneidée decespectacle.

Leshabits soyeux, richeset éclatants, léguéscomme unemode splendide parFrançois Ier àses successeurs, nes’étaient pastransformés encore danscesvêtements étriquésetsombres quifurent demise sousHenri III ;desorte quelecostume de Charles IX,moins riche,maispeut-être plusélégant queceux desépoques précédentes, éclataitdanstoute sa parfaite harmonie.

Denos jours, iln’y aplus depoint decomparaison possibleavecunsemblable cortège ;car nous ensommes réduits,pournosmagnificences deparade, àla symétrie etàl’uniforme. Pages, écuyers, gentilshommes debas étage, chiens etchevaux marchant surlesflancs eten arrière, faisaient du cortège royalunevéritable armée.Derrière cettearmée venaitlepeuple, ou,pour mieux dire,lepeuple était partout.

Lepeuple suivait, escortait etprécédait ; ilcriait àla fois Noël etHaro, car,dans lecortège, ondistinguait plusieurs calvinistes ralliés,etlepeuple ade larancune. C’était lematin, enface deCatherine etdu duc deGuise, queCharles IXavait, comme d’unechose toute naturelle, parlédevant HenrideNavarre d’allervisiterlegibet deMontfaucon, ouplutôt lecorps mutilé de l’amiral, quiétait pendu.

Lepremier mouvement deHenri avaitétédesedispenser deprendre partàcette visite. C’était làoù l’attendait Catherine.

Auxpremiers motsqu’ilditexprimant sarépugnance, elleéchangea uncoup d’œil etun sourire avecleduc deGuise.

Henrisurprit l’unetl’autre, lescomprit, puissereprenant toutàcoup : – Mais, aufait, dit-il, pourquoi n’irais-jepas ?Jesuis catholique etjeme dois àma nouvelle religion.Puis s’adressant àCharles IX : – Que Votre Majesté comptesurmoi, luidit-il, jeserai toujours heureuxdel’accompagner partoutoùelle ira. Et iljeta autour delui un coup d’œil rapide pourcompter lessourcils quisefronçaient. Aussi celuidetout lecortège quel’on regardait avecleplus decuriosité, peut-être, étaitcefils sans mère, ce roi sans royaume, cehuguenot faitcatholique.

Safigure longue etcaractérisée, satournure unpeu vulgaire, sa familiarité avecsesinférieurs, familiarité qu’ilportait àun degré presque inconvenant pourunroi, familiarité qui tenait auxhabitudes montagnardes desajeunesse etqu’il conserva jusqu’àsamort, lesignalaient aux spectateurs, dontquelques-uns luicriaient : – À la messe, Henriot, àla messe ! Ceàquoi Henri répondait : – J’y aiété hier, j’enviens aujourd’hui, etj’y retournerai demain.Ventresaintgris ! ilme semble cependant que c’est assez comme cela. Quant àMarguerite, elleétait àcheval, sibelle, sifraîche, siélégante, quel’admiration faisaitautour d’elleun concert dontquelques notes,ilfaut l’avouer, s’adressaient àsa compagne, madameladuchesse deNevers, qu’elle venaitderejoindre, etdont lecheval blanc,comme s’ilétait fierdupoids qu’ilportait, secouait furieusement latête. – Eh bien, duchesse, ditlareine deNavarre, quoidenouveau ? – Mais, madame, répondittouthaut Henriette, rienquejesache.

Puistoutbas : – Et lehuguenot, demanda-t-elle, qu’est-ildevenu ? – Je lui aitrouvé uneretraite àpeu près sûre, répondit Marguerite.

Etlegrand massacreur degens, qu’en as- tu fait ? – Il avoulu êtredelafête ; ilmonte lecheval debataille deM. de Nevers, uncheval grandcomme un éléphant.

C’estuncavalier effrayant.

Jelui aipermis d’assister àla cérémonie, parcequej’aipensé que prudemment tonhuguenot garderaitlachambre etque decette façon iln’y aurait pasderencontre àcraindre. – Oh ! mafoi ! répondit Marguerite ensouriant, fût-ilici,etiln’y estpas, jecrois qu’iln’yaurait pasde rencontre pourcela.C’est unbeau garçon quemon huguenot, maispasautre chose : unecolombe etnon un milan ; ilroucoule, maisnemord pas.Après tout,fit-elle avecunaccent intraduisible eten haussant légèrement les épaules ; aprèstout,peut-être l’avons-nous cruhuguenot, tandisqu’ilétait brahme, etsa religion luidéfend- elle derépandre lesang. – Mais oùdonc estleduc d’Alençon ? demandaHenriette, jene l’aperçois point. – Il doit rejoindre, ilavait malauxyeux cematin etdésirait nepas venir ; maiscomme onsait que, pour ne pas être dumême avisquesonfrère Charles etson frère Henri, ilpenche pourleshuguenots, onlui afait observer queleroi pourrait interpréter àmal sonabsence etils’est décidé.

Mais,justement, tiens,onregarde, on crie là-bas, c’estluiqui sera venu parlaporte Montmartre. – En effet, c’estlui-même, jelereconnais, ditHenriette.

Envérité, maisilabon airaujourd’hui.

Depuis quelque temps,ilse soigne particulièrement : ilfaut qu’il soitamoureux.

Voyezdonccomme c’estbond’être. »

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