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    SCÈNE IX   CAESONIA   Je te reconnais mal !

Publié le 15/12/2013

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    SCÈNE IX   CAESONIA   Je te reconnais mal ! C'est une plaisanterie, n'est-ce pas ?   CALIGULA   Pas exactement, Caesonia. C'est de la pédagogie.   SCIPION   Ce n'est pas possible, Caïus !   CALIGULA   Justement !   SCIPION   Je ne te comprends pas.   CALIGULA   Justement ! il s'agit de ce qui n'est pas possible, ou plutôt il s'agit de rendre possible ce qui ne l'est pas.     SCIPION   Mais c'est un jeu qui n'a pas de limites. C'est la récréation d'un fou.   CALIGULA   Non, Scipion, c'est la vertu d'un empereur. (Il se renverse avec une expression de fatigue.) Je viens de comprendre enfin l'utilité du pouvoir. Il donne ses chances à l'impossible. Aujourd'hui, et pour tout le emps qui va venir, ma liberté n'a plus de frontières.   CAESONIA, tristement.   Je ne sais pas s'il faut s'en réjouir, Caïus.   CALIGULA   Je ne le sais pas non plus. Mais je suppose qu'il faut en vivre.   Entre Cherea.     SCÈNE X   CHEREA   J'ai appris ton retour. Je fais des voeux pour ta santé.   CALIGULA   Ma santé te remercie. (Un temps et soudain.) Va-t'en, Cherea, je ne veux pas te voir.     CHEREA   Je suis surpris, Caïus.   CALIGULA   Ne sois pas surpris. Je n'aime pas les littérateurs et je ne peux supporter leurs mensonges. Ils parlent pour ne pas s'écouter. S'ils s'écoutaient, ils sauraient qu'ils ne sont rien et ne pourraient plus parler. Allez, rompez, j'ai horreur des faux témoins.   CHEREA   Si nous mentons, c'est souvent sans le savoir. je plaide non coupable.   CALIGULA   Le mensonge n'est jamais innocent. Et le vôtre donne de l'importance aux êtres et aux choses. Voilà ce que je ne puis vous pardonner.   CHEREA   Et pourtant, il faut bien plaider pour ce monde, si nous voulons y vivre.   CALIGULA   Ne plaide pas, la cause est entendue. Ce monde est sans importance et qui le reconnaît conquiert si ! liberté. (Il s'est levé.) Et justement, je vous hais parce que vous n'êtes pas libres. Dans tout l'Empire romain, me voici seul libre. Réjouissez-vous, il vous est enfin venu un empereur pour vous enseigner la liberté. Va-t'en, Cherea, et toi aussi, Scipion, l'amitié me fait rire. Allez annoncer à Rome que sa liberté lui est enfin rendue et qu'avec elle commence une grande épreuve.   Ils sortent. Caligula s'est détourné.       SCÈNE XI   CAESONIA Tu pleures ?   CALIGULA   Oui, Caesonia.   CAESONIA   Mais enfin, qu'y a-t-il de changé ? S'il est vrai que tu aimais Drusilla, tu l'aimais en même temps que moi et que beaucoup d'autres. Cela ne suffi. sait pas pour que sa mort te chasse trois jours et trois nuits dans la campagne et te ramène avec ce visage ennemi.   CALIGULA, il s'est retourné.   Qui te parle de Drusilla, folle ? Et ne peux-tu imaginer qu'un homme pleure pour autre chose que l'amour ?   CAESONIA   Pardon, Caïus. Mais je cherche à comprendre.   CALIGULA   Les hommes pleurent parce que les choses ne sont pas ce qu'elles devraient être. (Elle va vers lui.) Laisse, Caesonia. (Elle recule.) Mais reste près de moi.   CAESONIA   Je ferai ce que tu voudras. (Elle s'assied.) À mon âge, on sait que la vie n'est pas bonne. Mais si le mal est sur la terre, pourquoi vouloir y ajouter ?   CALIGULA   Tu ne peux pas comprendre. Qu'importe ? Je sortirai peut-être de là. Mais je sens monter en moi des êtres sans nom. Que ferais-je contre eux ? (Il se retourne vers elle.) Oh ! Caesonia, je savais qu'on ouvait être désespère, mais j'ignorais ce que ce mot voulait dire. Je croyais comme tout le monde que c'était une maladie de l'âme. Mais non, c'est le corps qui souffre. Ma peau me fait mal, ma poitrine, mes embres. J'ai la tête creuse et le coeur soulevé. Et le plus affreux, c'est ce goût dans la bouche. Ni sang, ni mort, ni fièvre, mais tout cela à la fois. Il suffit que je remue la langue pour que tout redevienne noir et que les êtres me répugnent. Qu'il est dur, qu'il est amer de devenir un homme !   CAESONIA   Il faut dormir, dormir longtemps, se laisser aller et ne plus réfléchir. Je veillerai sur ton sommeil. À on réveil, le monde pour toi recouvrera son goût. Fais servir alors ton pouvoir à mieux aimer ce qui peut 'être encore. Ce qui est possible mérite aussi d'avoir sa chance.   CALIGULA   Mais il y faut le sommeil, il y faut l'abandon. Cela n'est pas possible.   CAESONIA   C'est ce qu'on croit au bout de la fatigue. Un temps vient où l'on retrouve une main ferme.

«   CALIGULA   Justement ! ils'agit decequi n'est paspossible, ouplutôt ils'agit derendre possible cequi nel'est pas.     SCIPION   Mais c'est unjeu quin'a pas delimites.

C'estlarécréation d'unfou.   CALIGULA   Non, Scipion, c'estlavertu d'unempereur.

( Il se renverse avecuneexpression defatigue .) Je viens de comprendre enfinl'utilité dupouvoir.

Ildonne seschances àl'impossible.

Aujourd'hui, etpour toutle temps quivavenir, maliberté n'aplus defrontières.   CAESONIA,tristement .   Je nesais pass'ilfaut s'enréjouir, Caïus.   CALIGULA   Je nelesais pasnon plus.

Mais jesuppose qu'ilfaut envivre.   EntreCherea.     SCÈNE X   CHEREA   J'ai appris tonretour.

Jefais desvoeux pourtasanté.   CALIGULA   Ma santé teremercie.

( Un temps etsoudain .) Va-t'en, Cherea,jene veux pastevoir.. »

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