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sera le premier.

Publié le 04/11/2013

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sera le premier. C'est un suicide pédagogique. Kirilov se sacrifie donc. Mais s'il est crucifié, il ne sera pas upé. Il reste homme-dieu, persuadé d'une mort sans avenir, pénétré de la mélancolie évangélique. « Moi, dit-il, je suis malheureux parce que je suis obligé d'affirmer ma liberté. « Mais lui mort, les hommes enfin éclairés, cette terre se peuplera de tzars et s'illuminera de la gloire humaine. Le coup de pistolet de Kirilov sera le signal de l'ultime révolution. Ainsi ce n'est pas le désespoir qui le pousse à la mort, mais l'amour du prochain pour lui-même. Avant de terminer dans le sang une indicible aventure spirituelle, Kirilov a un mot aussi vieux que la souffrance des hommes : « Tout est bien. « Ce thème du suicide chez Dostoïevsky est donc bien un thème absurde. Notons seulement avant d'aller plus loin que Kirilov rebondit dans d'autres personnages qui engagent eux-mêmes de nouveaux thèmes absurdes. Stavroguine et Ivan Karamazov font dans la vie pratique l'exercice des vérités absurdes. Ce sont eux que la mort de Kirilov libère. Ils s'essaient à être tzars. Stavroguine mène une vie « ironique «, on sait assez laquelle. Il fait lever la haine autour de lui. Et pourtant, le mot-clé de ce personnage se trouve dans sa lettre d'adieu : « Je n'ai rien pu détester. « Il est tzar dans l'indifférence. Ivan l'est aussi en refusant d'abdiquer les pouvoirs royaux de l'esprit. A ceux qui, comme son frère, prouvent par leur vie qu'il faut s'humilier pour croire, il pourrait répondre que la condition est indigne. Son mot-clé, c'est le « Tout est permis «, avec la nuance de tristesse qui convient. Bien entendu, comme Nietzsche, le plus célèbre des assassins de Dieu, il finit dans la folie. Mais c'est un risque à courir et devant ces fins tragiques, le mouvement essentiel de l'esprit absurde est de demander : « Qu'est-ce que cela prouve ? « * Ainsi les romans, comme le Journal, posent la question absurde. Ils instaurent la logique jusqu'à la mort, l'exaltation, la liberté « terrible «, la gloire des tzars devenue humaine. Tout est bien, tout est permis et rien n'est détestable : ce sont des jugements absurdes. Mais quelle prodigieuse création que celle où ces êtres de feu et de glace nous semblent si familiers ! Le monde passionné de l'indifférence qui gronde en leur coeur ne nous semble en rien monstrueux. Nous y retrouvons nos angoisses quotidiennes. Et personne sans doute comme Dostoïevsky n'a su donner au monde absurde des prestiges si proches et si torturants. Pourtant quelle est sa conclusion ? Deux citations montreront le renversement métaphysique complet qui mène l'écrivain à d'autres révélations. Le raisonnement du suicidé logique ayant provoqué quelques protestations des critiques, Dostoïevsky dans les livraisons suivantes du Journal développe sa position et onclut ainsi : « Si la foi en l'immortalité est si nécessaire à l'être humain (que sans elle il en vienne à se tuer) c'est donc qu'elle est l'état normal de l'humanité. Puisqu'il en est ainsi, l'immortalité de l'âme humaine existe sans aucun doute. « D'autre part dans les dernières pages de son dernier roman, au terme de ce gigantesque combat avec Dien, des enfants demandent à Aliocha : « Karamazov, est-ce vrai ce que dit la religion, que nous ressusciterons d'entre les morts, que nous nous reverrons les uns et les autres ? « Et Aliocha répond : « Certes, nous nous reverrons, nous nous raconterons joyeusement tout ce qui s'est passé. « Ainsi Kirilov, Stavroguine et Ivan sont vaincus. Les Karamazov répondent aux Possédés. Et il s'agit ien d'une conclusion. Le cas d'Aliocha n'est pas ambigu comme celui du prince Muichkine. Malade, ce ernier vit dans un perpétuel présent, nuancé de sourires et d'indifférence et cet état bienheureux pourrait être la vie éternelle dont parle le prince. Au contraire, Aliocha le dit bien : « Nous nous retrouverons. « Il n'est plus question de suicide et de folie. A quoi bon, pour qui est sûr de l'immortalité et de ses joies ? L'homme fait l'échange de sa divinité contre le bonheur. « Nous nous raconterons joyeusement tout ce qui s'est passé. « Ainsi encore, le pistolet de Kirilov a claqué quelque part en Russie, mais le monde a continué de rouler ses aveugles espoirs. Les hommes n'ont pas compris « cela «. Ce n'est donc pas un romancier absurde qui nous parle, mais un romancier existentiel. Ici encore le saut est émouvant, donne sa grandeur à l'art qui l'inspire. C'est une adhésion touchante, pétrie de doutes, ncertaine et ardente. Parlant des Karamazov, Dostoïevsky écrivait : « La question principale qui sera poursuivie dans toutes les parties de ce livre est celle même dont j'ai souffert consciemment ou nconsciemment toute ma vie : l'existence de Dieu. « Il est difficile de croire qu'un roman ait suffi à ransformer en certitude joyeuse la souffrance de toute une vie. Un commentateur  [22] le remarque à juste titre, Dostoïevsky a partie liée avec Ivan - et les chapitres affirmatifs des Karamazov lui ont demandé trois mois d'efforts, tandis que ce qu'il appelait « les blasphèmes « ont été composés en trois semaines, dans l'exaltation. Il n'est pas un de ses personnages qui ne porte cette charde dans la chair, qui ne l'irrite ou qui n'y cherche un remède dans la sensation ou l'immoralité  [23] . Restons en tout cas sur ce doute. Voici une oeuvre où, dans un clair-obscur plus saisissant que la umière du jour, nous pouvons saisir la lutte de l'homme contre ses espérances. Arrivé au terme, le réateur choisit contre ses personnages. Cette contradiction nous permet ainsi d'introduire une nuance. e n'est pas d'une oeuvre absurde qu'il s'agit ici, mais d'une oeuvre qui pose le problème absurde. La réponse de Dostoïevsky est l'humiliation, la « honte « selon Stavroguine. Une oeuvre absurde au contraire ne fournit pas de réponse, voilà toute la différence. Notons-le bien pour terminer : ce qui ontredit l'absurde dans cette oeuvre, ce n'est pas son caractère chrétien, c'est l'annonce qu'elle fait de a vie future. On peut être chrétien et absurde. Il y a des exemples de chrétiens qui ne croient pas à la vie uture. A propos de l'oeuvre d'art, il serait donc possible de préciser une des directions de l'analyse absurde qu'on a pu pressentir dans les pages précédentes. Elle conduit à poser « l'absurdité de l'Evangile «. Elle éclaire cette idée, féconde en rebondissements, que les convictions n'empêchent pas l'incrédulité. On voit bien au contraire que l'auteur des Possédés, familier de ces chemins, a pris pour inir une voie toute différente. La surprenante réponse du créateur à ses personnages, de Dostoïevsky à irilov peut en effet se résumer ainsi : L'existence est mensongère et elle est éternelle.

« poursuivie danstoutes lesparties decelivre estcelle même dontj'aisouffert consciemment ou inconsciemment toutemavie : l'existence deDieu. » Ilest difficile decroire qu'unroman aitsuffi à transformer encertitude joyeuselasouffrance detoute unevie.Uncommentateur  [22] le remarque àjuste titre, Dostoïevsky apartie liéeavec Ivan -et les chapitres affirmatifs des Karamazov lui ont demandé troismoisd'efforts, tandisquecequ'il appelait « lesblasphèmes » ontété composés entrois semaines, dansl'exaltation.

Iln'est pasunde ses personnages quineporte cette écharde danslachair, quinel'irrite ouqui n'y cherche unremède danslasensation oul'immoralité  [23] . Restons entout cassurcedoute.

Voiciuneœuvre où,dans unclair-obscur plussaisissant quela lumière dujour, nouspouvons saisirlalutte del'homme contresesespérances.

Arrivéauterme, le créateur choisitcontresespersonnages.

Cettecontradiction nouspermet ainsid'introduire unenuance. Ce n'est pasd'une œuvre absurde qu'ils'agit ici,mais d'une œuvre quipose leproblème absurde. La réponse deDostoïevsky estl'humiliation, la« honte » selonStavroguine.

Uneœuvre absurde au contraire nefournit pasderéponse, voilàtoute ladifférence.

Notons-lebienpour terminer : cequi contredit l'absurdedanscette œuvre, cen'est passon caractère chrétien,c'estl'annonce qu'ellefaitde la vie future.

Onpeut êtrechrétien etabsurde.

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Apropos del'œuvre d'art,ilserait doncpossible depréciser unedes directions del'analyse absurde qu'onapu pressentir danslespages précédentes.

Elleconduit àposer « l'absurdité de l'Evangile ».

Elleéclaire cetteidée,féconde enrebondissements, quelesconvictions n'empêchent pas l'incrédulité.

Onvoit bien aucontraire quel'auteur des Possédés , familier deces chemins, apris pour finir unevoie toute différente.

Lasurprenante réponseducréateur àses personnages, deDostoïevsky à Kirilov peuteneffet serésumer ainsi :L'existence estmensongère et elle estéternelle.. »

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