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situations déterminées.

Publié le 30/10/2013

Extrait du document

situations déterminées. Les situations changent, des occasions se présentent. Quand on les manque, elles ne reviennent plus. Je peux travailler moi-même à changer une situation. Mais il en est qui subsistent dans leur essence, même si leur apparence momentanée se modifie et si leur toute-puissance se dissimule sous un voile : il me faut mourir, il me faut souffrir, il me faut lutter ; je suis soumis au hasard, je me trouve pris inévitablement dans les lacets de la culpabilité. Ces situations fondamentales qu'implique notre vie, nous les appelons situations-limites. Cela veut dire que nous ne pouvons pas les dépasser, nous ne pouvons pas les transformer. n prendre conscience, c'est atteindre, après l'étonnement et le doute, l'origine plus profonde de la philosophie. ans la vie courante nous nous dérobons souvent devant elles ; nous fermons les yeux et nous vivons comme si lles n'existaient pas. Nous oublions que nous devons mourir, nous oublions que nous sommes coupables, que ous sommes à la merci d'un hasard. Nous n'avons dès lors affaire qu'à des situations concrètes que nous manoeuvrons à notre avantage et auxquelles nous réagissons en dressant des plans d'action pratique dans le monde, poussés que nous sommes par nos intérêts vitaux. En revanche, nous réagissons aux situations-limites soit en nous les dissimulant, soit - lorsque nous les voyons clairement - par le désespoir et une sorte de rétablissement : nous devenons nous-mêmes, par une métamorphose de notre conscience de l'être. Nous pouvons aussi nous faire une idée plus claire de notre condition d'hommes par une voie différente, en considérant qu'il est impossible de compter sur quoi que ce soit dans le monde. Quand nous ne nous posons pas de questions, le monde nous apparaît comme l'être en soi. Dans le bonheur, nous jouissons de notre force, nous avons une confiance tout irréfléchie, nous ne connaissons rien d'autre que notre présent. Dans la douleur, a faiblesse, l'impuissance, nous désespérons. Et quand ce désespoir est dépassé et que nous vivons encore, nous ous oublions à nouveau et nous nous laissons glisser dans l'hédonisme. C'est par de telles expériences que l'homme s'est instruit ; sous la menace, il cherche la sécurité. Maîtrise de a nature, communauté organisée des hommes, voilà qui doit garantir la vie. L'homme s'empare de la nature afin de la réduire à son service ; la connaissance et la technique doivent ermettre de compter sur elle. Pourtant, jusque dans la domination sur la nature, persiste l'imprévisibilité, et avec elle une menace onstante, et finalement, l'échec sur toute la ligne. La dure loi du travail, la vieillesse, la maladie et la mort ne auraient être supprimées. Lorsque la nature enfin maîtrisée nous offre quelque sécurité, ce n'est là qu'un fait solé au sein d'une insécurité totale. Et l'homme s'organise en communauté pour limiter le combat sans fin de tous contre tous et pour y mettre un terme ; il essaie de trouver sa sécurité dans l'entraide. Mais ici encore une limite persiste. La justice et la liberté ne pourraient régner à l'intérieur des États que si haque citoyen se comportait envers autrui conformément à l'exigence d'une solidarité absolue. C'est dans ce cas eulement que tous s'opposeraient comme un seul homme à l'injustice commise à l'égard d'un seul. Il n'en a amais été ainsi. Cette solidarité qui groupe les hommes autour d'un de leurs semblables, dans les pires oments, fût-ce dans l'impuissance, n'a jamais existé que dans des cercles restreints ou chez quelques individus solés. Aucun État, aucune Église, aucune société ne donne une protection absolue. Ou nourrissait cette belle llusion dans les époques paisibles où la limite restait voilée. Ce monde décevant a cependant sa contrepartie : il s'y trouve aussi ce qui est digne de foi, ce qui attire la onfiance, il y a le sol qui nous porte, patrie et paysage, parents et ancêtres, frères, soeurs, amis, il y a l'épouse. Il a le fondement créé par la tradition, au fil de l'histoire : la langue maternelle, la foi, l'oeuvre des penseurs, des oètes et des artistes. Mais l'ensemble de cette tradition ne nous fournit pas d'asile sûr, nous ne pouvons pas on plus compter absolument sur elle. Car telle qu'elle nous atteint, elle est tout entière oeuvre humaine. Dieu 'est nulle part dans le monde. Toute tradition reste en même temps une interrogation. Les yeux fixés sur elle, il aut sans cesse que l'homme trouve à la source de lui-même la certitude, l'être, la force sur laquelle il peut ompter. Un avertissement nous est donné, semble-t-il, d'un doigt autoritaire : on ne peut compter sur rien de e qui est du monde ; il nous est interdit de nous en contenter. Cet index nous désigne autre chose. * ** Les situations-limites - mort, hasard, culpabilité, impossibilité de compter sur le monde - me révèlent mon chec. Que puis-je faire devant cet échec absolu dont je ne puis loyalement nier l'évidence ? Le stoïcisme conseillait à l'homme de se retirer dans sa liberté propre qui est celle de la pensée indépendante. ela ne nous suffit pas. Le stoïcisme se trompait, car il ne voyait pas l'impuissance de l'homme dans toute sa adicalité. Il n'a pas vu que la pensée même est dépendante, étant en soi vide et obligée de recourir à ce qui lui st donné ; et il n'a pas vu non plus que la folie reste possible. Il nous abandonne à la désolation d'une pensée ui n'est indépendante que faute de tout contenu. Il nous laisse sans espoir parce qu'il exclut toute tentative de ictoires intérieures spontanément obtenues, toute plénitude par le don de soi à soi qu'accomplit l'amour, toute ttente et tout espoir devant le possible. Mais ce que veut le stoïcisme, c'est la philosophie dans toute son authenticité. L'homme qui a fait l'expérience originelle des situations-limites est poussé du fond de lui-même à chercher à travers l'échec le chemin de l'être. a façon dont il fait cette expérience de l'échec est pour lui décisive : l'échec peut lui demeurer caché et finir par 'écraser, en fait seulement ; l'homme peut au contraire le contempler en face et le garder présent à son esprit omme la limite constante de sa vie ; il peut recourir contre lui à des solutions et à des apaisements imaginaires, u bien au contraire l'accepter loyalement en gardant le silence devant l'inexplicable. La manière dont l'homme ait l'expérience de l'échec détermine ce qu'il va devenir. Dans les situations-limites, on rencontre le néant, ou bien on pressent, malgré la réalité évanescente du onde et au-dessus d'elle, ce qui est véritablement. Le désespoir lui-même, du fait qu'il peut se produire dans le monde, nous désigne ce qui se trouve au-delà. Autrement dit : l'homme veut être sauvé. Le salut lui est offert par les grandes religions universelles qui ont pour signe distinctif d'offrir une garantie objective de la vérité et de la réalité du salut. Leur voie, c'est celle où 'accomplit l'acte individuel de la conversion. Cela, la philosophie ne peut pas le donner. Et pourtant, hilosopher, c'est toujours vaincre le monde, c'est quelque chose d'analogue au salut. * ** En résumé, l'origine de la recherche philosophique se trouve dans l'étonnement, le doute, la conscience que l'on a d'être perdu. Dans chaque cas, elle commence par un bouleversement qui saisit l'homme et fait naître en lui le besoin de se donner un but. C'est l'étonnement qui poussa Platon et Aristote à chercher l'essence de l'être. Descartes a cherché à travers l'indétermination sans fin des choses incertaines la certitude indubitable. Les stoïciens ont cherché dans les souffrances de la vie la paix de l'âme. Chacune de ces tentatives a sa vérité, à travers le vêtement historique chaque fois différent des représentations et du langage. En les assimilant à travers l'histoire, nous pénétrons jusqu'aux origines qui sont encore présentes en nous. Elles cherchent un fondement sûr, la profondeur de l'être, l'éternité. Mais peut-être aucune de ces origines n'est-elle pour nous-mêmes la plus originelle, la plus inconditionnelle. Quand l'être se révèle en suscitant notre étonnement, nous reprenons haleine, mais nous sommes tentés de nous dérober aux hommes et de nous abandonner à une pure magie métaphysique. La certitude incontestable, elle, ne règne que lorsque nous cherchons à nous orienter dans le monde à l'aide du savoir scientifique. L'attitude inébranlable de l'âme dans le stoïcisme n'a de valeur que passagère, lorsqu'il nous faut traverser le malheur, nous sauver d'une ruine totale, mais elle reste en elle-même privée de substance et de vie. Ces trois mobiles qui agissent en nous - étonnement et connaissance, doute et certitude, situation de l'homme perdu dans le monde et qui devient lui-même - n'épuisent pas les raisons qui nous portent aujourd'hui à philosopher. A notre époque où s'est produite une coupure radicale dans la continuité historique, en ce temps d'effondrement sans précédent et de chances obscures et à peine pressenties, les trois mobiles que nous avons examinés jusqu'ici restent bien valables, mais ils ne suffisent plus. Leur valeur est conditionnelle, elle dépend de la communication entre les hommes. Jusqu'ici, dans l'histoire, il y avait d'homme à homme des liens incontestés : communautés dans lesquelles on pouvait avoir confiance, institutions, esprit commun. Le solitaire lui-même était encore porté, dans sa solitude. Aujourd'hui, si une décadence se manifeste, c'est surtout dans le fait que des hommes de plus en plus nombreux cessent de se comprendre, qu'ils se rencontrent et se quittent dans l'indifférence, qu'aucune fidélité désormais, aucune communauté n'est sûre et digne de confiance. Aujourd'hui la situation humaine en général, telle qu'elle a existé de tout temps, prend pour nous une importance décisive : je peux m'accorder avec autrui dans la vérité, et je ne le peux pourtant pas ; ma foi se heurte à une foi différente, et cela justement alors que je suis sûr de moi ; quelque part, à la limite, nous semblons voués au combat, sans espoir de nous unir, avec pour seule issue la soumission ou l'anéantissement ; la mollesse et la passivité de ceux qui n'ont aucune conviction font qu'ils se rallient aveuglément, ou se contentent de défis obstinés. Tout cela n'est pas secondaire ni dénué d'importance. Cela pourrait l'être s'il y avait pour moi, dans l'isolement, une vérité qui me suffirait. La souffrance que j'éprouve quand la communication avec autrui est imparfaite, la satisfaction extraordinaire que donne une communication véritable, ne m'atteindraient pas ainsi sur le plan philosophique si j'étais pour mon propre compte, et dans une solitude absolue, sûr de la vérité. Mais je n'existe qu'avec autrui ; seul je ne suis rien. La communication qui s'établit, non pas seulement d'entendement à entendement, d'esprit à esprit, mais 'existence à existence n'utilise toutes les significations et les valeurs impersonnelles que comme intermédiaires. Les justifications et les attaques sont alors des moyens, non de conquérir du pouvoir, mais de s'approcher l'un de l'autre. On mène la lutte avec un amour fraternel pour l'adversaire, et chacun livre à l'autre toutes ses armes. La certitude de l'être véritable n'existe que dans cette communication ou liberté et liberté se font face, s'opposent ans égard aucun parce qu'elles sont unies ; alors, tous les rapports avec le prochain ne sont que voies 'approche ; au moment décisif, et par une exigence réciproque, chacun pose à l'autre les questions essentielles. C'est dans la communication que s'actualise toute autre vérité, c'est en elle seulement que je suis moi-même, qu'au lieu de me contenter de vivre, j'accomplis pleinement ma vie. L'attitude fondamentale que j'expose ici en termes intellectuels naît de la souffrance que provoque le manque de communication, du besoin d'une communication authentique et de la possibilité d'un combat fraternel unissant jusqu'au tréfonds un être libre à un être libre. Et cet élan philosophique provient aussi des trois mobiles dont nous avons parlé et dont la valeur dépendra désormais de ce qu'ils signifieront pour cette communication d'homme à homme. Il s'agira de voir s'ils la favorisent ou s'ils l'entravent. Ainsi, l'origine de la philosophie réside dans la faculté de s'étonner, de douter, de « faire l'expérience des situations-limites, mais en dernier lieu et incluant tout cela, dans la volonté d'une communication véritable. On peut le voir dès le début dans le fait que toute philosophie tend à se transmettre, s'exprime, essaie de se faire entendre. C'est son essence même que d'être transmissible et ce caractère est indissociable de sa vérité. C'est seulement dans la communication qu'on atteint le but de la philosophie où réside en dernier ressort le sens de tous les autres buts : prendre connaissance de l'être, éclairer l'amour, trouver la perfection du repos.

« Mais ceque veut lestoïcisme, c’estlaphilosophie danstoute sonauthenticité.

L’hommequiafait l’expérience originelle dessituations-limites estpoussé dufond delui-même àchercher àtravers l’écheclechemin del’être. La façon dontilfait cette expérience del’échec estpour luidécisive : l’échecpeutluidemeurer cachéetfinir par l’écraser, enfait seulement ; l’hommepeutaucontraire lecontempler enface etlegarder présent àson esprit comme lalimite constante desavie ; ilpeut recourir contreluiàdes solutions etàdes apaisements imaginaires, ou bien aucontraire l’accepter loyalement engardant lesilence devantl’inexplicable.

Lamanière dontl’homme fait l’expérience del’échec détermine cequ’il vadevenir. Dans lessituations-limites, onrencontre lenéant, oubien onpressent, malgrélaréalité évanescente du monde etau-dessus d’elle,cequi est véritablement. Ledésespoir lui-même, dufait qu’il peut seproduire dans le monde, nousdésigne cequi setrouve au-delà. Autrement dit :l’homme veutêtresauvé.

Lesalut luiest offert parlesgrandes religions universelles quiont pour signe distinctif d’offrirunegarantie objective delavérité etde laréalité dusalut.

Leurvoie, c’estcelle où s’accomplit l’acteindividuel delaconversion.

Cela,laphilosophie nepeut pasledonner.

Etpourtant, philosopher, c’esttoujours vaincrelemonde, c’estquelque chosed’analogue ausalut. * * * En résumé, l’origine delarecherche philosophique setrouve dansl’étonnement, ledoute, laconscience que l’on ad’être perdu.

Danschaque cas,ellecommence parunbouleversement quisaisit l’homme etfait naître en lui lebesoin desedonner unbut. C’est l’étonnement quipoussa PlatonetAristote àchercher l’essence del’être. Descartes acherché àtravers l’indétermination sansfindes choses incertaines lacertitude indubitable. Les stoïciens ontcherché danslessouffrances delavie lapaix del’âme. Chacune deces tentatives asa vérité, àtravers levêtement historique chaquefoisdifférent des représentations etdu langage.

Enlesassimilant àtravers l’histoire, nouspénétrons jusqu’auxoriginesquisont encore présentes ennous. Elles cherchent unfondement sûr,laprofondeur del’être, l’éternité. Mais peut-être aucunedeces origines n’est-elle pournous-mêmes laplus originelle, laplus inconditionnelle. Quand l’êtreserévèle ensuscitant notreétonnement, nousreprenons haleine,maisnous sommes tentésdenous dérober auxhommes etde nous abandonner àune pure magie métaphysique.

Lacertitude incontestable, elle,ne règne quelorsque nouscherchons ànous orienter danslemonde àl’aide dusavoir scientifique.

L’attitude inébranlable del’âme danslestoïcisme n’adevaleur quepassagère, lorsqu’ilnousfauttraverser lemalheur, nous sauver d’uneruinetotale, maisellereste enelle-même privéedesubstance etde vie. Ces trois mobiles quiagissent ennous – étonnement etconnaissance, douteetcertitude, situationde l’homme perdudanslemonde etqui devient lui-même – n’épuisentpaslesraisons quinous portent aujourd’hui à philosopher. A notre époque oùs’est produite unecoupure radicaledanslacontinuité historique, encetemps d’effondrement sansprécédent etde chances obscures etàpeine pressenties, lestrois mobiles quenous avons examinés jusqu’icirestentbienvalables, maisilsne suffisent plus.Leurvaleur estconditionnelle, elledépend de la communication entreleshommes. Jusqu’ici, dansl’histoire, ilyavait d’homme àhomme desliens incontestés : communautés danslesquelles on pouvait avoirconfiance, institutions, espritcommun.

Lesolitaire lui-même étaitencore porté,danssa solitude.

Aujourd’hui, siune décadence semanifeste, c’estsurtout danslefait que deshommes deplus enplus nombreux cessentdesecomprendre, qu’ilsserencontrent etse quittent dansl’indifférence, qu’aucunefidélité désormais, aucunecommunauté n’estsûreetdigne deconfiance. Aujourd’hui lasituation humaineengénéral, tellequ’elle aexisté detout temps, prendpournous une importance décisive :jepeux m’accorder avecautrui danslavérité, etjene lepeux pourtant pas ;mafoise heurte àune foidifférente, etcela justement alorsquejesuis sûrdemoi ; quelque part,àla limite, nous semblons vouésaucombat, sansespoir denous unir, avecpour seule issuelasoumission oul’anéantissement ; la mollesse etlapassivité deceux quin’ont aucune conviction fontqu’ils serallient aveuglément, ouse contentent dedéfis obstinés. Tout celan’est passecondaire nidénué d’importance.

Celapourrait l’êtres’ilyavait pourmoi,dans l’isolement, unevérité quimesuffirait.

Lasouffrance quej’éprouve quandlacommunication avecautrui est imparfaite, lasatisfaction extraordinaire quedonne unecommunication véritable,nem’atteindraient pasainsi sur leplan philosophique sij’étais pourmonpropre compte, etdans unesolitude absolue, sûrdelavérité.

Mais je n’existe qu’avecautrui ;seuljene suis rien.. »

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