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Mais je ne puis m’empêcher d’être intrigué par l’espèce d’obstination qu’ont mise les poètes de tous les temps, jusqu’aux jours de ma jeunesse, à se charger de chaînes volontaires. Paul Valéry

Publié le 13/09/2015

Extrait du document

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Valéry : Je crois que jamais les « règles » ne gênèrent aucun génie, non plus celle des unités en France, que celle des trois acteurs en Grèce, et que ceux-ci l’ont bien prouvé, autant Racine et Corneille qu’Eschyle. (Que d’ailleurs elles n’ont aucune valeur absolue et que tout grand génie s’en rend maître, soit qu’il y trouve appui, soit qu’il les nie — et que venir prétendre que tel grand homme en fût gêné, c’est aussi absurde que si un peintre venait dire qu’en peignant il est gêné par son cadre et s’écrierait “Ah ! si je pouvais m’étendre plus loin ! ”, et que ceux qui protestent contre elles sont comme la colombe de Kant qui croit qu’elle volera mieux dans le vide.)

Cent figures d’argile, si parfaites qu’on les ait pétries, ne donnent pas à l’esprit la même grande idée qu’une seule de marbre à peu près aussi belle. Les unes sont plus fragiles que nous-même ; l’autre l’est un peu moins. Nous imaginons comme elle a résisté au statuaire ; elle ne voulait pas sortir de ses ténèbres cristallisées. Cette bouche, ces bras, ont coûté de longs jours. Un artiste a frappé des milliers de coups rebondissants, lents interrogateurs de la forme future. L’ombre serrée et pure est tombée en éclats, elle a fui en poudre étincelante. Un homme s’est avancé, au moyen du temps, contre une pierre ; il s’est glissé difficilement le long d’une amante si profondément endormie dans l’avenir, et il a contourné cette créature peu à peu circonvenue, qui se détache enfin de la masse de l’univers, comme elle fait de l’indécision de l’idée. La voici un monstre de grâce et de dureté, né pour un temps indéterminé, de la dureté et de l’énergie d’une même pensée. 

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« presque pas avant qu'il fût trouvé insupportable.

D'où vient cette obéissance immémoriale à des commande­ ments qui nous paraissent si futiles ? Pourquoi cette erreur si prolongée de la part de si grands hommes, et qui avaient un si grand intérêt à donner le plus haut degré de liberté à leur esprit ? » Il va de soi que, lorsqu'il parle d'« erreur» ou de« futi­ lité», il feint d'adopter les thèses de ses contradicteurs pour mieux les combattre par la suite .

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Pour faire comprendre son point de vue, Paul Valéry a recours à une comparaison avec l'art du sculp­ teur.

Nous ne mettons jamais sur le même plan la statue modelée dans le plâtre ou moulée dans une matière quelconque et celle née de la lutte, ciseau et marteau en mains, du sculpteur et d'un matériau résistant comme le marbre: «Cent figures d'argile, si parfaites qu'on les ait pétries, ne donnent pas à l'esprit la même grande idée qu'une seule de marbre à peu près aussi belle.

Les unes sont plus fragiles que nous-même; l'autre l'est un peu moins.

Nous imaginons comme elle a résisté au sta­ tuaire ; elle ne voulait pas sortir de ses ténèbres cristal­ lisées.

Cette bouche, ces bras, ont coûté de longs jours.

Un artiste a frappé des milliers de coups rebondis­ sants, lents interrogateurs de la forme future.

L'ombre serrée et pure est tombée en éclats, elle a fui en poudre étincelante.

Un homme s'est avancé, au moyen du temps, contre une pierre; il s'est glissé difficilement le long d'une amante si profondément endormie dans l'avenir, et il a contourné cette créature peu à peu cir­ convenue, qui se détache enfin de la masse de l'uni­ vers, comme elle fait de l'indécision de l'idée.

La voici un monstre de grâce et de dureté, né pour un temps indéterminé, de la dureté et de l'énergie d'une même pensée.» Il en va de même pour le travail sur ce matériau qu'est la langue, pour le poète :. »

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