Devoir de Philosophie

LA THEORIE DE LA CONNAISSANCE; L'IDEE DE VERITE

Publié le 29/08/2014

Extrait du document

 

Une connaissance métaphysique est-elle possible ?

La conscience naïve ne connaît que des choses et s'ignore elle-même comme conscience. Par exemple, je dis spontanément : «Devant moi il y a une lampe, sous mes pieds il y a un tapis, sur le balcon il y a des fleurs.� Je ne pense pas d'abord à l'acte de mon esprit par lequel j'affirme tout cela ; mais ma pensée s'oublie, s'efface devant les choses qu'elle affirme. La pre­mi�re démarche de l'esprit est donc ontologique. Elle affirme les choses, l'être, le «il y a �.

Cependant, je fais bien vite l'expérience de l'erreur. Par exemple, je me dis: «Il y a un moineau sur le balcon � ; je m'approche et ce n'est qu'un petit papier gris. Donc il n'y avait pas de moineau mais j'avais cru voir un moineau. J'avais cru... Ici ma pensée, d'abord tournée vers les choses, revient sur elle-même ; je réfléchis sur ma connaissance, je me

demande quelle est sa valeur. Cette deuxi�me démarche de l'esprit, c'est la démarche critique qui s'oppose à la démarche ontologique. Cessant d'affirmer l'objet, je reviens sur ma propre affirmation, je la mets en question, je m'interroge sur cet acte d'affirmer. Ce retour critique, cette réflexion sur ma propre pensée, son mécanisme, sa valeur m'incitent à formuler une théorie de la connaissance. Qu'est-ce que la vérité, y a-t-il seulement une vérité, quelle est la valeur de la connaissance ? Ces trois questions — d'ailleurs intimement liées — vont être ici examinées successivement.

— Nous nous demanderons d'abord quelle est la nature de la vérité, s'il y a des crit�res pour distinguer le vrai du faux, quelle définition de la vérité nous pouvons accepter.

— Ensuite nous examinerons si ces crit�res sont en fait appli­cables, s'il y a au moins une vérité que nous puissions atteindre, ou si nous devons, comme pensent les sceptiques, y renoncer. C'est si l'on veut le probl�me de l'existence de la vérité.

— Enfin si l'on reconnaît que la vérité est accessible, il reste à se demander si cette vérité est absolue ou relative, si notam­ment nous pouvons connaître la réalité profonde des choses au-delà des apparences, quelle est la valeur de la connaissance ? Une connaissance métaphysique est-elle possible ?

I           NATURE DE LA RÉALITÉ Vérité et Réalité

Le langage vulgaire confond bien souvent les deux termes réa­lité, vérité. En fait, il convient de les distinguer soigneusement. Un objet, un être (ce tapis, cette lampe) sera qualifié de réel. Cette lampe est réelle, autrement dit elle existe. Ce bureau est réel. Mais cela n'aurait aucun sens de dire : ce bureau, cette lampe sont vrais (ou faux). La vérité est une valeur qui concerne un jugement. Ainsi, par exemple le jugement : « ce

bureau existe, ce bureau est rouge� est un jugement vrai, ou bien un jugement faux. La « vérité � ou la « fausseté � qualifient donc non l'objet lui-même, mais la valeur de mon assertion.

Dans certains cas pourtant le langage paraît attribuer la vérité ou la fausseté à l'objet. Songez-y : quand vous dites : de fausses dents, de faux cheveux, un faux Rembrandt, un faux Vermeer, vous désignez des objets qui sont réels. La fausseté est ici l'absence d'une valeur à laquelle on se réf�re. La preuve c'est que les fausses dents sont un vrai dentier, les faux cheveux une vraie perruque, le faux Rembrandt un vrai Dupont et le faux Vermeer un vrai Van Meegeren. Plus exactement, c'est le juge­ment par lequel nous affirmons que ce tableau attribué à Ver­meer est en réalité de Van Meegeren qui est un jugement vrai.

Ce point acquis, il faut chercher maintenant quel est le crit�re de la vérité. Comment reconnaître, caractériser, définir le juge­ment vrai ?

1° LA VÉRITÉ, EST-CE L'ÉVIDENCE ?

La réponse la plus simple est celle-ci : le jugement vrai se reconnaît à ses caract�res intrins�ques : il se rév�le vrai par lui-même, il se manifeste par son évidence. C'est le point de vue de Spinoza (Éthique II, 43). «La vérité est à elle-même son propre signe� (verum index sui.) «Celui qui a une idée vraie sait en même temps qu'il a cette idée et ne peut douter... Quelle r�gle de vérité trouvera-t-on plus claire et plus certaine qu'une idée vraie ? De même que la lumi�re se montre soi-même et montre avec soi les tén�bres, ainsi la vérité est à elle-même son critérium et elle est aussi celui de l'erreur. � Pour Descartes, comme pour Spinoza, une idée claire et distincte qui apparaît évidente est une idée vraie et il n'y a point à cher­cher au-delà. «Les idées qui sont claires et distinctes ne peu­vent jamais être fausses �, dit Spinoza. Descartes écrit de son côté : «Et remarquant que cette vérité : je pense donc je suis était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions étaient incapables de l'ébranler, je jugeais que je

pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie... Apr�s cela je considérai en général ce qui est requis à une proposition pour être vraie et certaine, car puisque je venais d'en trouver une que je savais être telle, je pensais que je devais aussi savoir en quoi consiste cette certitude. Et ayant remarqué qu'il n'y a rien du tout en ceci : je pense donc je suis, qui m'assure que je dis la vérité sinon que je vois tr�s claire­ment que pour penser il faut être : je jugeais que je pouvais prendre pour r�gle générale que les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement sont toutes vraies.�

Cette conception de la vérité peut être dangereuse. Car l'évi­dence est mal définie. Nous éprouvons un sentiment d'évi­dence, une impression d'évidence. Mais devons-nous accorder à cette impression une valeur absolue ? Descartes a senti la difficulté puisque apr�s avoir affirmé que nos idées claires et distinctes sont vraies il reconnaît «qu'il y a quelque difficulté à bien remarquer quelles sont celles que nous conce­vons distinctement �.

En fait, l'impression vécue de certitude n'est pas suffisante pour caractériser le jugement vrai. Car on peut se croire dans le vrai et cependant se tromper. Je peux éprouver un sentiment tr�s fort et tr�s sinc�re de certitude et pourtant être dans l'erreur. C'est une grave objection à la théorie de l'évidence-vérité.

Comment distinguer les fausses évidences et les vraies évi­dences? C'est ici qu'un crit�re serait nécessaire. Descartes, disait Leibniz, «a logé la vérité à l'hostellerie de l'évidence mais il a négligé de nous en donner l'adresse �. Souvent les passions, les préjugés, les traditions fournissent des contrefa­çons d'évidence. Nous avons tendance à tenir pour claires et évidentes les opinions qui nous sont les plus famili�res, celles auxquelles nous sommes habitués. Les idées claires trop claires sont souvent, comme dit Albert Bayet, des «idées mortes �. En revanche, les idées nouvelles, révolutionnaires, ont du mal à se faire accepter. Au nom de l'évidence de la prétendue évidence, c'est-à-dire des traditions bien établies et des pensées coutu­mi�res, les penseurs officiels, installés dans leur conformisme, ont toujours critiqué les grands créateurs d'idées neuves.

L'Académie des sciences se moque de Pasteur comme les vieux chimistes s'étaient moqués des découvertes de Lavoisier. Les vérités les plus fécondes, bien loin de s'imposer tout d'abord comme des évidences, sont proposées au contraire dans l'étonnement et le scandale. Le sentiment d'évidence, de certitude est une donnée purement subjective, purement psy­chologique qui ne peut pas fournir un fondement objectif à la vérité.

LA VÉRITÉ, EST-CE LA COPIE DE LA RÉALITÉ?

Une idée ne serait donc pas qualifiée de « vraie � ou « fausse � en elle-même par ses caractéristiques intrins�ques, mais seule­ment par sa conformité ou sa non-conformité à la réalité. Les scolastiques disaient : «La vérité c'est la conformité de notre pensée aux choses� (adeaquatio rerum et intellectus). L'idée vraie est celle qui est fid�le à la réalité.

Cette définition est incontestable mais imprécise. Car il reste à interpréter cette conformité, cette fidélité de la pensée vraie au réel. Le sens commun en donne une interprétation tr�s simple : la vérité serait une simple copie de la réalité, la présence même de la réalité dans ma conscience qui la reconnaît. La connaissance vraie serait une simple réception de la réalité.

Or nous nous proposons de montrer que cette notion de vérité-copie n'a aucun sens, que tout jugement vrai est une recons­truction intelligible du réel, suppose un travail de l'esprit et n'est pas un simple reflet passif. Et ceci s'applique à la vérité au sens artistique, comme à la vérité au sens scientifique et phi­losophique.

Pour le sens commun, la vérité artistique n'est qu'un fid�le reflet. Entre deux portraits de notre bisaïeul paternel dont l'un est un tableau de Carolus Durand et l'autre une photographie de Pierre Petit, le sens commun n'hésite pas : malgré la ressem­blance « intérieure � du portrait peint, seule la photographie est vraie. Ainsi pour le sens commun, le moulage est plus vrai que la sculpture.

Un peu de réflexion nous permet de dépasser ce point de vue. La presse avait donné, il y a des années, la photographie d'un prototype automobile, prise alors que le véhicule roulait à 125 km/heure sur l'autoroute de l'Ouest. Or l'image présentée, menteuse malgré sa « fidélité �, donnait l'impression de fixité absolue. Nous admirons au contraire dans le Derby d'Epsom de Géricault des chevaux galopant ventre à terre. Cette impres­sion de vie est donnée en dépit d'une infidélité « littérale �. Jamais aucun cheval n'a pu avoir, comme c'est le cas dans le tableau du Maître, les pattes de devant dans le prolongement des pattes de derri�re. De même L'homme qui marche de Rodin, s'il paraît vrai, n'est pas réel. Car dans la marche réelle les deux pieds ne sont jamais tous les deux collés au sol, l'un des deux se trouve nécessairement en l'air. (De fait, en photo­graphie un homme qui marche a souvent l'air de sauter à cloche-pied.) La vérité artistique n'est donc pas copie et reflet mais structuration, transfiguration. L'art, dit André Malraux, dans ses Voix du silence, «c'est ce par quoi les formes devien­nent style �. Le vrai ce n'est pas ici la réalité brute, mais un réel stylisé, transfiguré, repensé par l'esprit.

 

De même la vérité scientifique suppose toute une reconstruc­tion de l'expérience par les concepts. Non seulement les faits sont liés entre eux par des lois nécessaires, mais le jugement vrai n'atteint le fait qu'à travers des techniques expérimentales. Par exemple, ce jugement : «Ce matin à huit heures cinq minutes il faisait dix-sept degrés �, qui paraît tout simple et élé­mentaire, suppose déjà un haut niveau d'abstraction et diverses techniques expérimentales : d'abord les techniques relatives à la mesure du temps, ensuite l'utilisation du thermom�tre. Pour que mon auditeur comprenne le sens de ce jugement il faut qu'il sache que je parle de degrés centésimaux, il faut qu'il sache que la chaleur dilate les corps et qu'en disant «il fait dix-sept degrés� j'indique la hauteur de l'alcool dans un petit tube attaché à une r�gle graduée posée sur ma fenêtre. Dire qu'il fait dix-sept degrés c'est parler un langage d'initié. Mon jugement se réf�re à la technique du thermom�tre qui suppose elle-même la théorie de la dilatation. «Un instrument n'est qu'une théorie matérialisée� (Bachelard). Le jugement vrai transpose et reconstruit la réalité à travers tout un réseau de manipulations

« demande quelle est sa valeur.

Cette deuxième démarche de l'esprit, c'est la démarche critique qui s'oppose à la démarche ontologique.

Cessant d'affirmer l'objet, je reviens sur ma propre affirmation, je la mets en question, je m'interroge sur cet acte d'affirmer.

Ce retour critique, cette réflexion sur ma propre pensée, son mécanisme, sa valeur m'incitent à formuler une théorie de la connaissance.

Qu'est-ce que la vérité, y a-t-il seulement une vérité, quelle est la valeur de la connaissance? Ces trois questions- d'ailleurs intimement liées- vont être ici examinées successivement.

-Nous nous demanderons d'abord quelle est la nature de la vérité, s'il y a des critères pour distinguer le vrai du faux, quelle définition de la vérité nous pouvons accepter.

- Ensuite nous examinerons si ces critères sont en fait appli­ cables, s'il y a au moins une vérité que nous puissions atteindre, ou si nous devons, comme pensent les sceptiques, y renoncer.

C'est si l'on veut le problème de l'existence de la vérité.

- Enfin si 1 'on reconnaît que la vérité est accessible, il reste à se demander si cette vérité est absolue ou relative, si notam­ ment nous pouvons connaître la réalité profonde des choses au­ delà des apparences, quelle est la valeur de la connaissance? Une connaissance métaphysique est-elle possible? 1 -NATURE DE LA RÉALITÉ Vérité et Réalité Le langage vulgaire confond bien souvent les deux termes réa­ lité, vérité.

En fait, il convient de les distinguer soigneusement.

Un objet, un être (ce tapis, cette lampe) sera qualifié de réel.

Cette lampe est réelle, autrement dit elle existe.

Ce bureau est réel.

Mais cela n'aurait aucun sens de dire: ce bureau, cette lampe sont vrais (ou faux).

La vérité est une valeur qui concerne un jugement.

Ainsi, par exemple le jugement : «ce. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles