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Aristote par Michel Gourinat Platon l'appelait : le liseur, et bien qu'il eût le sens de l'humour, il était fort studieux.

Publié le 05/04/2015

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Aristote par Michel Gourinat Platon l'appelait : le liseur, et bien qu'il eût le sens de l'humour, il était fort studieux. De fait, de la logique à la science des moeurs, il a inventé, nommé et systématisé toutes les sciences que nous connaissons, plus une, dont nous ne savons toujours pas ce qu'elle est, et qui est la métaphysique : c'est-à-dire qu'il a trouvé le tourment de toutes les sciences, plus celle qu'un dieu seul peut inventer pour nous. C'est la métaphysique en effet qu'Aristote disait " science divine " en ce double sens qu'elle a le divin pour objet et que selon le vers de Simonide, dieu seul peut-être aurait ce don. Mais, dit Héraclite, " l'homme entend dieu puérilement : comme les enfants écoutent les hommes ". De toutes les façons, c'est un enfantillage à l'homme, d'avoir recours aux dieux : et bien qu'Aristote, contre la plus vieille sagesse grecque, n'ait jamais voulu croire que les dieux sont jaloux, la lecture de son oeuvre laisse souvent le sentiment qu'il n'a su traduire un langage divin qu'en un balbutiement barbare. Neuf ans : tel est, selon Léon Brunschvicg, l'âge mental d'Aristote. Aussi bien s'est-il toujours refusé à faire parler aux sciences le langage des mathématiques, qui est le langage des physiciens modernes, ces " hommes purement hommes " mais aussi ces " maîtres et possesseurs de la nature " dont parle le Discours de la Méthode. Aristote est l'un des rares philosophes pour qui les mathématiques n'aient jamais été norme de vérité, et pour lui la science que toutes les autres supposent, et dont elles dépendent toutes, n'est pas la mathématique, mais la métaphysique. Ainsi fait-il de la physique en métaphysicien, et c'est pourquoi sa science de la nature est si étrangère à la nôtre. Ce qui s'y pourrait rapprocher de la nôtre y est à l'envers, au point que le principe d'inertie, qui fonde la mécanique moderne, y est bien énoncé, mais pour être aussitôt dénoncé comme absurde. Le retour en arrière que doit accomplir l'historien de la philosophie est donc ici retournement sur soi. Il faut véritablement revenir aux évidences oubliées de l'enfance, pour entendre à nouveau l'étrange balbutiement de ce dieu qui s'essaie au langage des hommes, et pour ressaisir le sens de cette première des sciences dont les autres dépendent en telle sorte que, sous les mêmes noms que les nôtres, elles nous soient réellement inconnues. Il nous faut donc partir à la recherche de la métaphysique. Mais que cela nous soit d'abord, comme le début du Phèdre de Platon, invitation à la promenade. Il nous faut vraiment suivre Socrate et Phèdre quand ils prennent la route hors les murs : car philosopher, c'est être en route. L'homme qui sait, dit Parménide, son chemin l'emporte de ville en ville : et la déesse ouvre devant lui la vérité et l'erreur, sous la forme de deux voies. Chez les Grecs, le lieu de la philosophie n'est pas l'espace clos d'une salle de cours, mais tous les lieux du passage des hommes, ces voies étirées en longueur qui ne sont que la trace de cheminements anciens et perpétuelle invitation à la démarche. Le lieu de la philosophie, c'est la rue, la route, l'allée d'un jardin, la colonnade d'un portique. Parménide est voyageur, Socrate est voyou, la voie publique est la seule demeure de l'amour philosophe, et si Aristote porte pour l'histoire le titre de péripatéticien, cela ne veut rien dire d'autre, sinon qu'il philosophait en se promenant. Il faut se défier, dit Nietzsche, des pensées qui nous viennent assis : il n'est de pensée vraie, que celle où les muscles aussi trouvent leur fête. Mais il ne suffit pas d'être en route. Il faut aussi être sur la voie. C'est pourquoi la philosophie est méthode : car, avoir une méthodes cela ne veut rien dire d'autre, en français, que suivre son chemin. Or, c'est au livre A de la Métaphysique que se propose la méthode de la philosophie. Il ne faut d'abord qu'ouvrir les yeux. Puis viennent la mémoire et l'expérience, et un parcours des arts et des métiers. Enfin, " pour ceux qui s'engagent dans ce cheminement qui est maintenant le nôtre, il ne sera pas sans utilité " que " nous reprenions en mains ceux qui s'en sont allés considérer les êtres, et philosopher sur la vérité ". Ainsi la démarche métaphysique part du sensible, et parcourt les métiers des hommes et l'histoire de leurs philosophies. Quel est le sens de ce parcours ? Cette question sans doute est la même que celle-ci : " Quel est le but que doit atteindre cette recherche et tout ce cheminement ? " A cette question répond, d'une manière dès l'abord mystérieuse, la première phrase du livre IV : " Il y a une science qui contemple l'être par où il est être. " Ce qui est la métaphysique, c'est donc de savoir ce qui fait que l'être soit ce qu'il est, c'est-à-dire l'être. La question fondamentale est donc celle-ci : " Qu'est-ce que l'être ? " Mais le propre de cette question est d'engager le cheminement de la métaphysique sur une voie sans issue. C'est ce que les Grecs appelaient : aporie, mot qu'on traduit par : difficulté ou problème, mais qui réellement signifie : impasse. Quand Aristote caractérise la question fondamentale comme " ce qui autrefois, maintenant et toujours est recherché ", il la caractérise aussitôt comme " ce à quoi jamais on n'a trouvé d'issue ". C'est pourquoi il lui substitue celle-ci : " Qu'est-ce que l'essence ? " Est-il possible de comprendre le sens de cette substitution l'une à l'autre de deux questions, dont nous ne comprenons ni l'une, ni l'autre ? La métaphysique est précisément le lieu de l'élucidation d'un sens : car tout son effort ne va qu'à nous signifier quelque chose sur quoi, à la différence des autres sciences, elle n'est pas astreinte à donner ses raisons. Étant la science première que les autres supposent, elle n'a en effet pas d'autres objets que ces premiers principes dont usent les sciences pour rendre raison de leurs affirmations, et que leur priorité même rend indémontrables, puisqu'il n'en est point d'autres au-delà, desquels ils puissent être déduits. La métaphysique n'est donc point une science de laquelle on puisse attendre de démonstrations. Ce qu'on peut en revanche exiger d'elle, c'est que ses principes aient un sens, et puissent donner sens à un discours ou à un dialogue : " Le commencement en tout cela n'est point de prétendre dire que ceci ou cela est ", " mais de signifier à soi-même et aux autres. " Il nous faut donc être attentif aux signes que nous font les mots, et patiemment apprendre à écouter et à parler. Or, ce que la métaphysique nous signifie tout d'abord, c'est l'être dans son opposition au non-être : " Il est premièrement évident qu'au moins ceci est vrai, que le mot : être, ou : non-être, signifie quelque chose. " Mais, que nous signifie l'être ? Quelque chose d'un. Car, pour un mot, avoir un sens, c'est n'en avoir qu'un seul, puisque, s'il nous peut désigner des choses en nombre indéterminé, nous ne saurons jamais laquelle il veut dire : " Ne pas avoir un seul sens, c'est n'en avoir aucun : et si les mots ne sign...
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