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DESCARTES (René)

Publié le 02/04/2015

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DESCARTES (René)

Né en 1596 d'une famille de petite noblesse tourangelle, il retint des huit années passées au collège de la Flèche, moins les commentaires d'Aristote et des scolastiques, que l'algèbre et la géométrie. Cette orientation qu'il réfléchira en une nécessité de rompre avec les préjugés de l'enfance lui vaudra d'être l'initiateur de la modernité : il est le premier à fournir l'interprétation métaphysique du nouvel univers scientifique qui s'ouvre avec la physique galiléenne, comme il est le premier à accorder une place centrale à l'individualité humaine, dont la reconnaissance va de pair avec la disparition de la féodalité et la montée de la bourgeoisie en Europe.

Après des études de droit à Poitiers, il participe à la campagne de Hollande où il rencontre Beeckman, docteur en médecine, avec lequel il s'entretient de mathématiques. Partagé entre des séjours en

Hollande et des voyages en France, en Allemagne et en Italie, il s'occupe surtout de mathématiques, d'optique, de physique ; partisan

de la nouvelle physique, il renonce à achever un Traité du monde après la condamnation de Galilée. En 1637, il fait pourtant connaître certaines de ses conceptions scientifiques par trois Essais (la Géométrie, où il applique la théorie des équations algébriques au traitement des figures, la Dioptrique, où il formule la loi d'égalité entre l'angle d'incidence et l'angle de réfraction, et les Météores) qu'il accompagne d'un Discours de la Méthode, où il prétend dévoiler à ses contemporains la méthode qui le conduisit à ses découvertes. Par là il reprend en les modifiant considérablement des travaux de jeunesse (1619-1628) dont témoigne le manuscrit inachevé des Règles pour la direction de l'esprit (publié en 1701, mais dont les règles XII et XIII ont été traduites dès 1664 dans la Logique de Port-Royal). Le Discours, un des premiers ouvrages philosophiques rédigés en français, ses travaux scientifiques, dont une grande partie est révélée au public

par des lettres (1) (à Mersenne, Huygens) lui valent une grande renommée. Ses Méditations sur la philosophie première, 1641, qu'il

publie en latin avec les objections des grands penseurs de l'époque (Caterus, Hobbes, Arnauld, Gassendi, divers théologiens et philo­sophes) et les réponses qu'il leur donne, connaissent une seconde

édition en 1642 (suivie de la septième objection due à l'oratorien Gibieuf et de sa réponse), puis en 1647 paraît une traduction

française. En 1644, avec les Principia phi/osophiae, Descartes présente la somme de sa philosophie afin qu'elle pénètre dans les écoles. Par la suite, il semble surtout s'intéresser aux questions de morale, ainsi qu'en témoignent sa correspondance avec Elisabeth, fille du roi déchu de Bohème, et la publication en 1649 du Traité des passions. Appelé par la reine Christine, il quitte en 1649 la Hollande pour se rendre à la cour de Suède, où il meurt l'année suivante.

1. La philosophie cartésienne est essentiellement tournée vers le probleme du fondement de la connaissance : comment puis-je distinguer le vrai d'avec le faux, « porter des jugements solides et vrais sur tous les objets qui se présentent ? « La logique d'Aristote ne peut servir à ce but : subsumant (dans l'interprétation classique) les concepts particuliers sous les concepts généraux, elle n apprend rien qu'on ne sache déjà. La fécondité des mathématiques par contre s'accompagne d'une certitude absolue ; d'où l'idée d'une mathématique universelle, science permettant de résoudre indifféremment tous les problèmes. Mais la certi­tude ne dépend pas de l'objet sur lequel s'exerce l'esprit : la méthode cartésienne est la démarche d'un esprit déployant l'ordre universel de ses raisons, et non l'enchaînement des matières. Cela n'est possible que si l'esprit possède en

lui-même certains germes de la vérité (les idées innées : voir innéisme), et s'il suit les préceptes de la méthode : ne rien recevoir pour vrai qui ne soit évident, diviser les difficultés jusqu'à pouvoir les résoudre, conduire ses pensées par ordre en commençant par le simple et le facile, supposant de l'ordre même là où il n'y paraît pas, et ne rien omettre.

L'unité et l'universalité de la science sont celles de l'esprit ; c'est donc qu'elle ne doit rien au formalisme d'une logique abstraite, et repose sur l'intuition intellectuelle du sujet de la connaissance qui ne tient pour vraies que les idées qui sont claires (c.-à-d. présentes à la conscience) et distinctes (c.-à-d. complétement analysées).

2. Cette méthode elle-même nécessite un fondement : comment puis-je être assuré de l'existence de l'objet de mes idées claires et distinctes ? C'est en enfermant tout d'abord le sujet pensant en lui-même que les Méditations résolvent le problème. Je puis douter de tout, des choses matérielles (puisque mes sens peuvent me tromper, que je puis rêver) mais aussi des vérités mathématiques. Pour pousser ce doute jusqu'au bout, le rendre hyperbolique, supposons l'existence d'un malin génie qui fait que je « m'abuse moi-même dans les choses que je crois connaître avec une évidence très grande «. Ce malin génie ne peut faire que je ne pense pas lorsque je doute ; le je pense (cogito) est donc une certitude inébranlable ; mais pour penser, il faut être : le cogito emporte avec lui la certitude de mon existence (je pense donc je suis). Par là je ne réduis pas le doute concernant l'objet de mes pensées ; parmi celles-ci il y en a une tout à fait particulière : celle de Dieu, être parfait et infini. La particularité de cette idée est due au seul fait que de sa possession on doit conclure à l'existénce de son objet (« argument ontologique «, dû à saint Anselme, et définiti­vement critiqué par Kant) : puisqu'il faut au moins autant de réalité dans la cause que dans l'effet, je ne puis moi-même être la cause de l'idée d'un objet infini et parfait, n'étant ni l'un ni l'autre ; donc Dieu existe. Or si Dieu existe, puisqu'il est bon, il ne peut faire que je me trompe lorsque je crois être dans le vrai : il est donc légitime de penser que toutes les choses que nous concevons fort clairement et distinc­tement sont toutes vraies. C'est la véracité divine qui par le biais du cogito offre son fondement à la connaissance.

3. La démarche cartésienne appuyée sur la subjectivité de la pensée suppose un dualisme. Je conçois que je suis une chose qui pense ; je suis donc une substance pensante. Mais si je considère par exemple un morceau de cire, je puis le malaxer et faire disparaître la figure qui le définit actuellement ; sous les différentes formes de la matière externe ne subsiste que la pure étendue, elle est donc une substance étendue. Cependant, moi qui suis une chose qui pense, doute, affirme, veut, aime, imagine et sent, je ne puis être pure pensée. Ce qui en moi est pure pensée n'est qu'action de mon âme,

conformément au libre arbitre qui la caractérise, et lui permet de douter, voire de se tromper. Je suis aussi un corps, une substance étendue, ce qui se révèle dans l'amour ou la haine, où mon âme passive subit l'action d'un corps ; le corps qui m'est propre est tellement lié à mon âme que ma nature composée de deux substances est en fait un composé substantiel.

Par son dualisme, Descartes se trouve confronté au délicat problème de l'union de l'âme et du corps, duquel dépendent, tant la morale que la médecine, dont il voudrait faire des sciences rationnelles, couronnant l'édifice de la science. Une science rationnelle de la substance étendue est possible ; on peut par ce biais étudier les corps vivants réduits à un assemblage de mécanismes, semblables à une horloge ; il s'ensuit que les animaux sont de pures machines. Mais c'est une âme qui donne au corps humain son unité ; qu'est-ce qui la lie au corps ? Descartes recherche le lieu de cette union dans une glande qu'il place dans le cerveau (glande pinéale) ; mais comme Leibniz le remarquera, on ne voit pas comment l'âme pourrait changer la direction du mouvement du corps, et les solutions : leibnizienne de l'harmonie préétablie, spinoziste du parallélisme sans contact de la pensée et de l'étendue, ou malebranchiste de l'unique causalité divine, paraissent être les seules solutions cohérentes avec le dualisme cartésien. Ce sont peut-être ces difficultés qui font que Descartes échoue, comme le montre M. Gueroult (Descartes selon l'ordre des raisons, 1953), à fonder en raison la morale.

4. La physique caetésienne repose sur la méthodologie. Son expose d'ans les Principes de la philosophie est le déploiement selon l'ordre des raisons des conséquences de la définition de la matière comme chose étendue. Par là, Descartes s'éloigne de cette physique qui se constitue de Galilée à Newton comme science experimentale et mathé­matique, pour créer des chimères dont se gausseront les Lumières. Sa théorie est anti-aristotélicienne en ce qu'elle considère le mouvement comme un état qui ne peut changer sans cause (d'où la formulation du principe d'inertie), qu'elle réduit la causalité à l'action mécanique des corps les uns sur les autres, et qu'elle refuse les dualités mouvement naturel/mouvement forcé, monde sublunaire/monde supra-lunaire. Elle fonde le mouvement en Dieu, dont la constance permet d'affirmer que la quantité de mouvement (masse X vitesse) de l'univers reste inchangée. Essentiellement théorie du choc, elle en donne des lois fausses, qui seront déjà dénoncées par Huygens et Leibniz ; refusant l'existence du vide, elle peuple l'espace de tourbillons de matière dont les précieuses parleront avec ravissement. La physique carté­sienne est plus une philosophie de la nature qu'une physique, et son principal mérite est de débarrasser la nature des forces occultes et de considérations qualitatives, pour assurer la victoire d'un mécanisme qui explique le monde par figure et mouvement.

Pour la philosophie française, Descartes est avant tout un mythe : celui de l'esprit rationaliste, voire de l'esprit français ! Son influence fut grande ; symbolisant la fin de l'aristotélisme, il apparaît comme le premier penseur moderne, et les grands systèmes classiques (Malebranche, Spinoza, Leibniz) sont directement issus du cartésianisme ; c'est à lui que l'on doit l'opposition irréductible du sujet et

de l'objet de la connaissance. Mais dès le début du XVIIIe siècle, les philosophes des Lumières, instruits par Newton, rejettent en bloc sa philosophie : l'article cartésianisme de l'Encyclopédie de Diderot et de d'Alembert, suivant

Condillac, l'accuse d'engendrer des chimères par sa métho­dologie qui veut qu'on ne puisse affirmer avec vérité d'une chose que ce qu'on en conçoit clairement et distinctement.

C'est probablement Victor Cousin qui est au XIXe siècle à l'origine du renouveau cartésien, occultant la richesse de la philosophie des Lumières, au profit d'un 'rationalisme à courte vue et d'un spiritualisme étriqué qui, s'ils ne sont pas

la philosophie cartésienne, n'y sont peut-être pas vraiment étrangers.

 

1. Les périodiques scientifiques n'apparaissent qu'à la génération suivante (voir Leibniz), et les lettres, rédigées comme de petits traités qu'on se fait passer de main en main, tiennent lieu d'articles. Des personnages comme l'abbé Mersenne, centralisent les correspondances et les font circulera

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