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Que faire de notre Bretonne ?

Publié le 06/01/2014

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Que faire de notre Bretonne ? La mariée était trop belle, un autre traité avait prévu le coup : la pauvre est contrainte d'épouser aussi le nouveau roi de France. De ce mariage naît une fille, Claude de France. Pour être tout à fait sûr de son avenir et de celui de sa dot, on donne un nouveau tour d'écrou à l'alliance française. Anne n'est pas d'accord, mais elle est repartie s'occuper de sa Bretagne et on se passe bien de son avis. On marie donc Claude au jeune Angoulême, celui qui est destiné à son tour à devenir roi de France sous le nom de François Ier. Il faut attendre la mort de Claude pour que la vieille Armorique soit définitivement rattachée au royaume. On peut donc écrire que la Bretagne est devenue française par mariage, mais il ne faut pas oublier qu'il en aura fallu trois. La Flandre, province perdue Curieusement, les histoires de France aiment les provinces acquises et oublient celles qui furent perdues. La Catalogne, après le partage de Verdun de 843, était dans l'orbite de la Francie occidentale, mais elle devint assez rapidement autonome. Le comté de Flandre, en revanche, vaste territoire qui irait de l'actuel département du Nord à la Hollande, resta durant des siècles sous la dépendance du roi de France. Le peuple flamand, on en a parlé déjà, n'accepta jamais vraiment cette tutelle, et plus d'une fois il fallut lancer l'armée pour venir à bout de ses révoltes. Par ailleurs, on l'a vu plus haut, le mariage de Philippe le Hardi avec l'héritière de ce comté va modifier la donne, en créant une partie des États de par-deçà de la gigantesque Bourgogne quasi indépendante. Une telle appartenance rend la vassalité de la Flandre à l'égard du roi de France bien théorique. Bientôt, elle sera franchement impossible : au xvie siècle, le comte en titre s'appellera Charles Quint, il est également roi d'Espagne, et empereur du Saint Empire romain, on imagine mal un prince aussi puissant plier le genoux devant un petit Capétien. N'empêche, durant plus d'un demi-millénaire, les choses furent différentes. Et cette autre configuration permet de nous interroger quant aux représentations que nous nous faisons aujourd'hui de la forme de notre pays, et de ses parentés européennes. Songez à l'idée que nous avons de la Belgique. Pour la plupart des Français, le lien est évident, il se fait avec la partie francophone du pays, la Wallonie : les Wallons sont nos frères, puisque nous parlons la même langue. Pourtant, durant plus d'un demi-millénaire, Namur et Liège étaient villes d'Empire, comme le furent Marseille ou Lyon. Du point de vue féodal, les cousins étaient à Gand ou à Bruges. Le rêve italien N'oublions pas enfin les acquisitions ratées, ces extensions de la France qui auraient pu être, et ne furent pas, par exemple l'Italie. L'idée vous choque : comment ce pays si différent du nôtre pourrait-il être français ? Les trois rois de France qui succédèrent à Louis XI en rêvèrent et, à leurs yeux du moins, cette prétention n'avait rien d'illégitime. Louis XI avait hérité de René, le dernier chef de la riche maison d'Anjou, le Maine, l'Anjou et même une autre province qui était d'Empire, la Provence. Un dernier joyau complétait ce legs imposant : le royaume de Naples. René l'avait hérité lui-même d'une autre riche donatrice, la reine Jeanne, mais il n'avait jamais pu y régner. Le roi d'Aragon, maître de l'Italie du Sud, l'en avait empêché. Prudent, notre Louis préfère oublier ce cadeau qui lui semble empoisonné. Son fils Charles VIII n'est pas de son avis : un héritage est un héritage, il va faire voir aux Aragon de quel bois se chauffe un Valois pour arguer de ses titres. En 1494, à la tête d'une armée de 30 000 hommes, il franchit les Alpes et fonce sur Naples. Il y tiendra peu de temps. Son successeur n'abandonne pas ses ambitions d'au-delà des Alpes mais les amplifie. Charles VIII est mort sans enfants. Comme on l'a dit déjà, on fait appel à un de ses cousins, Louis XII. Celui-là est un Orléans. C'est son grand-père qui fut assassiné par le Bourguignon Jean sans Peur. Sa grand-mère était une Visconti, la famille des ducs de Milan. Charles VIII rêvait du Sud de la péninsule au nom de l'héritage reçu par son père. Louis XII se met en tête d'en conquérir le Nord au nom des droits de son aïeule. Pourquoi pas ? L'Italie aujourd'hui est unie et italienne. À ce moment-là, elle était morcelée entre les puissances les plus diverses. Au nord, les grandes villes, Milan, Florence, avaient réussi à s'ériger en « cités-État » quasi indépendantes, mais toute la région était toujours officiellement partie prenante du Saint Empire, comme du temps des successeurs de Charlemagne. Au sud régnaient des souverains espagnols. Pourquoi pas des Français ? Charles VIII, Louis XII et son successeur François Ier en seront convaincus. C'est pour cette raison qu'ils engagèrent et poursuivirent durant plus de soixante ans (1494-1559) une série d'expéditions que l'on appelle « les guerres d'Italie ». Selon le découpage traditionnel de l'histoire de France, elles en ouvrent un nouveau chapitre : la Renaissance. 1 L'ordonnance imposée par Charles VII s'appelle « la pragmatique sanction de Bourges », on la considère comme une des premières pierres du gallicanisme, c'est-à-dire d'un catholicisme national, soumis au roi et affranchi de Rome. 2 Beaucoup d'ouvrages ont été publiés sur la question. On lira avec un immense plaisir le Louis XI de l'historien américain Paul Murray Kendal (chez Fayard, pour l'édition française), précis et savoureux, publié dans les années 1970 et devenu un classique. Plus récemment, le grand médiéviste français Jean Favier a lui aussi consacré à notre « universel aragne » une biographie des plus complètes (Fayard, 2001). Deuxième partie La France monarchique

« 1 L’ordonnance imposéeparCharles VII s’appelle« lapragmatique sanctiondeBourges », onlaconsidère commeunedespremières pierres du gallicanisme, c’est-à-dired’uncatholicisme national,soumisauroi etaffranchi deRome.

2 Beaucoup d’ouvrages ontétépubliés surlaquestion.

Onlira avec unimmense plaisirle Louis XI de l’historien américainPaulMurray Kendal (chezFayard, pourl’édition française), précisetsavoureux, publiédanslesannées 1970etdevenu unclassique.

Plusrécemment, le grand médiéviste françaisJeanFavier alui aussi consacré ànotre « universel aragne »unebiographie desplus complètes (Fayard,2001).. »

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