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FÉROCE, adjectif.

Publié le 16/02/2016

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FÉROCE, adjectif.  

A.—  [En parlant des animaux, notamment des animaux sauvages]  Qui a l'instinct de tuer ou d'attaquer l'homme ou d'autres animaux; qui est réputé naturellement cruel. Un féroce carnassier; un lynx, une panthère, un alligator féroce. On trouve sur ses côtes une multitude prodigieuse d'oiseaux de marine de toute espèce, des chevaux et des veaux marins, des ours blancs très féroces (JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature,  1814, page 211 ). La mante est un des insectes les plus féroces de nos champs (HENRI COUPIN, Animaux de nos pays, Dictionnaire pratique,  1909, page 330 ). Les lapins ne sont pas, comme on le croit souvent, de doux et timides rongeurs; ce sont des bêtes féroces, comme tous les êtres vivants (GEORGES DUHAMEL, Les Maîtres, 1937, page 12) : 

Ø 1. Déjà les sombres taillis retentissaient du rugissement des bêtes féroces... c'est-à-dire, non! il n'y a pas de bêtes féroces, et je le regrette! —  Comment! dit Glenarvan, vous regrettez les bêtes féroces? —  Oui! Certes. —  Cependant, quand on a tout à craindre de leur férocité... —  La férocité n'existe pas... scientifiquement parlant, répondit le savant —  Ah! pour le coup, Paganel, dit le major, vous ne me ferez jamais admettre l'utilité des bêtes féroces!

JULES VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, tome 1, 1868, page 232. 

·    Emploi comme substantif masculin, vieilli.  [En parlant notamment des félins]  À la grille des féroces, on découvre la voiture de la toile cirée qui la recouvre, et les employés déballent, comme un fromage, le colis qui est une cage contenant deux tigres (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal, tome 3, Paris, Charpentier, 1888 [1868] , page 203 ). 

—  Par métaphore ou par comparaison. 

·    [En parlant d'une personne]  Il resta toujours le même homme, ou pour mieux dire une véritable bête féroce, et on l'abandonna à son sort (EMMANUEL DIEUDONNÉ, COMTE DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 462 ). 

·    [En parlant d'une chose]  Il faudra lui construire des voies en rapport avec ses allures, des chaussées qu'elle ne puisse plus déchirer de ses pneus féroces et dont elle n'envoie plus la poussière empoisonnée dans les poitrines humaines (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, L'Île des pingouins,  1908, page 341 ). 

·    [En parlant d'un comportement animal]  Les petits chats exécutaient des courses folles, des galops féroces, entre les jambes des messieurs (ÉMILE ZOLA, Nana,  1880, page 1219 ). 

B.—  Par extension. 

1. [En parlant des humains] 

a) Qui est sanguinaire, cruel, brutal. Entendez-vous dans les campagnes Mugir ces féroces soldats (CLAUDE ROUGET DE LISLE, La Marseillaise,  1792). Un homme se console d'être doux en affirmant qu'il est féroce quand il s'y met (JULES RENARD, Journal,  1891, page 98) : 

Ø 2. Il est curieux de voir dans les chroniques l'impression que produisirent les croisés sur les Musulmans; ceux-ci les regardèrent au premier abord comme des barbares, comme les hommes les plus grossiers, les plus féroces, les plus stupides qu'ils eussent jamais vus.

FRANÇOIS GUIZOT, Histoire générale de la civilisation en Europe depuis la chute de l'Empire romain jusqu'à la Révolution française, leçon 8, 1828, page 22. 

b) Par extension, familier.  Qui est dur, intraitable, sévère. Un exploiteur, un antisémite féroce. Et vous croyez, s'écria ce féroce logicien, qu'un jeune homme à la mode peut demeurer rue Neuve-Sainte-Geneviève, dans la Maison-Vauquer? (HONORÉ DE BALZAC, Le Père Goriot,  1835, page 171 ). Pour résister aux Russes les guerriers américains seront obligés de devenir les antidémocrates les plus féroces qu'on ait jamais vus (JEAN-GEORGES SOULÈS, DIT RAYMOND ABELLIO, Heureux les,  1946, page 264 ). 

—  Emploi comme substantif.  Personne cruelle, dure ou intraitable. Ses garçons furent élevés dans le Vivarais, chez un frère de La Godivelle, un féroce, qui entendait être maître de jouir de tout (HENRI POURRAT, Gaspard des Montagnes,  1925, page 133 ). 

c) Qui dénote la fureur, la dureté, l'intransigeance. 

—   [En parlant du caractère, des sentiments]  Des instincts féroces. N'était-elle ensevelie dans ce cachot que pour y enfermer avec elle les féroces lubricités d'une nature effrénée? (FRÉDÉRIC SOULIÉ. Les Mémoires du diable, tome 1, 1837, page 223 ). Je ne sors que lorsqu'elles me le permettent et elles veillent sur mon labeur poétique avec une jalousie féroce (GASTON LEROUX, Le Parfum de la dame en noir,  1908, page 75) : 

Ø 3.... dans l'obscurité profonde de la voiture, il continua, avec une obstination féroce, son sifflement vengeur et monotone, contraignant les esprits las et exaspérés à suivre le chant d'un bout à l'autre, à se rappeler chaque parole qu'ils appliquaient sur chaque mesure.

GUY DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, tome 2, Boule de suif, 1880, page 153. 

—   [En parlant de l'apparence, des attitudes, du comportement]  Un air féroce; un regard, un rire féroce; un combat féroce. Par deux fois déjà, les farces féroces du jeune comte avaient manqué coûter la vie au précepteur (ÉLÉMIR BOURGES. Le Crépuscule des dieux.  1884, page 79 ). Les boucles rejetées en arrière par la tourmente dénudaient le petit front têtu et féroce (JEAN COCTEAU, Les Enfants terribles,  1929, page 184 ). Son Excellence avait des emportements féroces (JEAN GUÉHENNO, Jean-Jacques,  1948, page 196 ). 

—   [En parlant d'une oeuvre, d'une doctrine]  Je lui dis aussi ce que je pensais des dogmes féroces que Dante a colorés d'une si terrible poésie (JULES MICHELET, Journal,  1849, page 56 ). Conscrits du bon vouloir, nous aurons la philosophie féroce; ignorants pour la science, roués pour le confort (ARTHUR RIMBAUD, Les Illuminations,  1873, page 307) : 

Ø 4. Sommes-nous pour eux autre chose que des fonctionnaires qui perçoivent l'impôt, des gendarmes qui leur appliquent des règlements féroces, des instituteurs qui leur enseignent des choses dont ils n'ont que faire, des intrus qui empêchent leurs troupeaux d'aller jusqu'à la côte, et qui les gênent sur leurs parcours? Pauvres Arabes, généreux, imprévoyants, poétiques!

JEAN THARAUD, JÉRÔME THARAUD, La Fête arabe,  1912, page 56. 

·    En particulier. dans le domaine artistique.  Qui développe une ironie méchante, cruelle. En exagérant (...) les conséquences du comique significatif, on obtient le comique féroce (CHARLES BAUDELAIRE, Curiosités esthétiques,  1867, page 177) : 

Ø 5. Excellente occasion pour lui de faire un portrait en pied de Charlie [Du Bos] ; portrait trop appuyé, à la fois véridique et caricatural, un peu féroce, un peu grinçant, assez amusant par endroits, mais qui n'a vraiment pas sa place dans ce livre.

ROGER MARTIN DU GARD, Notes sur André Gide,  1951, page 1403. 

Emploi comme substantif masculin à valeur de neutre. Par parti pris, je travaille pour les pensionnaires, je me fais plat et gris. Ensuite avec Nana, je rentrerai dans le féroce (ÉMILE ZOLA, Correspondance, tome 2, 1877, page 477 ). 

2. Rare.  [En parlant d'un inanimé]  Qui est implacable, inhumain. Elle [la charogne] s'agitait, frappée par le soleil, sous le bourdonnement des mouches, dans cette intolérable odeur, —  odeur féroce et comme dévorante (GUSTAVE FLAUBERT, Bouvard et Pécuchet, tome 2, , 1880, page 107 ). Le vent devient féroce. Deux fois je me relève, croyant une trombe (ANDRÉ GIDE, Retour du Tchad,  1928, page 946 ). Long jour sans âge où le fétiche régnait comme ce soleil féroce sur ma maison de rochers (ALBERT CAMUS, L'Exil et le Royaume,  1957, page 1586 ). 

C.—  Emploi intensif, familier.  Très grand. Synonyme : terrible (familier). Une faim de chasseur, la plus féroce des faims, égale en âpreté à celle que les Grégeois nomment boulimie (THÉOPHILE GAUTIER, Le Capitaine Fracasse,  1863, page 67 ). La tirade qu'il déclama à ce propos cachait simplement une féroce envie de reprendre son ancienne vie (ÉMILE ZOLA, Thérèse Raquin,  1867, page 166 ). Il se mit aussitôt à manger avec un appétit féroce; et c'est au bout d'un instant seulement qu'il leva la tête pour regarder les convives et les écouter (HENRI, ALBAN FOURNIER, DIT ALAIN-FOURNIER, Le Grand Meaulnes, 1913, page 88 ). 

REMARQUE : Férociser, verbe transitif. a)  Emploi transitif.  Rendre féroce. Ces instruments de torture, avec lesquels l'homme, pendant des siècles, perfectionna et férocisa la mort (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  1872, page 918 ). b)  Emploi pronominal.  Devenir féroce. C'est étonnant comme cet homme se férocise et prend une muflerie cruelle dans la faveur et les grâces officielles (EDMOND DE GONCOURT, JULES DE GONCOURT, Journal,  1869, page 508 ). 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 1 969. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 2 676, b) 3 889; XXe.  siècle : a) 3 611, b) 1 833. 

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