Devoir de Philosophie

LOGIQUE

Publié le 02/04/2015

Extrait du document

LOGIQUE

Pour Aristote, l'objet de la logique, c'est le raisonnement; pour les auteurs de la Logique de Port-Royal (XVIle s.), c'est l'art de penser; pour Kleene (logicien contemporain), c'est de dire ce qui s'ensuit de quoi. En fait, la logique a toujours eu deux centres d'intérêt : le langage et le raisonnement. D'un côté, il s'agit d'expliciter la consti­tution des phrases de notre discours, de l'autre de rendre compte de cette capacité qu'a par exemple la mathématique de constituer sans cesse des énoncés dont la certitude et la vérité n'ont jamais été sérieu­sement remises en question. Les deux visées organisent le champ où la logique traite ses exemples et élabore ses objets ; schématiquement, ce champ a subi trois organisations ou réorganisations fondamentales : celle d'Aristote, celle de Port-Royal, et celle de la logique moderne, qu'on peut faire remonter à Frege.

1. Aristote

Pour Aristote, la proposition est constituée de trois termes : le sujet (ce de quoi on affirme), le prédicat (ce qui est affirmé) et la copule (qui lie les deux). Une proposition a une quantité (universelle ou particulière) et une qualité (affirmative ou négative), ce qui par combinaison donne pour les mêmes termes quatre propositions : « tout S est P «, « nul S n'est P «, « quelque S est P «, « quelque S n'est pas P «. On peut relier les valeurs de vérité de ces propositions opposées : les deux universelles ne peuvent être vraies

ensemble (mais elles peuvent être fausses), si une universelle est vraie, la particulière de même qualité l'est, et la vérité (la fausseté) d'une proposition entraîne la fausseté (vérité) de celle qui possède une quantité et une qualité opposées. Un syllogisme est une suite de trois propositions telle qu'une fois accordées les deux premières (prémisses), la troisième (conclusion) ne peut être refusée ; il repose sur trois termes : la conclusion s'effectue parce qu'un terme commun (aux deux prémisses) permet de relier leurs deux autres termes. Suivant la disposition de ce moyen terme (M), on a diffé­rentes figures : MA, BM, BA (lre figure) ; AM, BM, BA (2e figure) ; MA, MB, BA (3e figure) ; AM, MB, BA (4e figure, due à Galien). Les figures donnent lieu à différents modes selon la quantité et la qualité de leurs propositions (ex. : tout M est A, tout B est M, donc tout B est A, mode de la première figure). La syllogistique s'efforce de démontrer sur ces schémas quels sont les modes valides, c'est-à-dire ceux pour lesquels les prémisses étant vraies, la conclusion l'est. Pour être valide un syllogisme doit être conforme au schéma d'un mode valide ; la validité d'un raisonnement quelconque (syllogisme ou suite de syllogismes) dépend uniquement de sa forme ; ce point fondamental inaugure la notion de vérité logique. La syllogistique est pourtant limitée : elle considère les termes et non les propositions, et elle est incapabLe de rendre compte des relations. Convenant essentiellement aux classifications biologiques, tributaire d'une ontologie qui suppose dans les choses des genres et des espèces, sa fécondité s'arrête où commencent les mathématiques, bien qu'elle soit conçue comme moyen de découvrir des énoncés vrais, et qu'elle serve de modèle à Euclide.

2. Port-Royal

Les logiciens de Port-Royal (Arnauld et Lancelot) font de la logique un art de penser : la proposition devient un jugement et les termes des idées. Les idées peuvent être plus ou moins composées d'autres idées ; plus une idée est composée, plus elle possède de compréhension ; comme l'extension d'une idée est l'ensemble des termes dans la compréhension desquels elle rentre, extension et compréhension varient en raison inverse. Une proposition « S est P « affirme que l'idée du sujet est contenue dans l'extension de l'idée du prédicat qui, elle, est contenue dans la compréhension de l'idée du sujet. Un raisonnement est vrai si cette double inclusion est réalisée : la validité est question de contenu, non de forme. Descartes, inspirateur de Port-Royal trouve la logique inutile, Kant parle de la fausse subtilité des figures du syllo­gisme. Les mathématiques restent en dehors des lois logiques ; Leibniz tente de concevoir la logique sous forme de calcul algébrique (ce que fait Boole au XIXe s.1 ; mais la logique stérile de Port-Royal sera enseignée jusquau début du XXe siècle. Le véritable développement de la logique moderne ne sera possible que par une nouvelle analyse de la proposition.

3. La logique moderne

Dans la proposition 1 1 1,« Socrate est mortel et la terre est ronde «, on reconnaît facilement la forme « p et q « ; on peut aussi avoir « p ou q «, « p implique q «, « p ou q implique p implique q « ; par là on distingue intuitivement propositions et connecteurs ; la négation peut être considérée comme un connecteur (« non p «). Toute proposition peut prendre deux valeurs de vérité : le vrai et le faux. Connaissant les valeurs de vérité des propositions élémen­taires, on peut désirer savoir quelle est la valeur de vérité d'une proposition composée ; on peut aussi vouloir le savoir sans connaître la valeur de vérité des composants.

La première question dépend de la définition des connecteurs : ainsi « non p « est vraie quand p est fausse, fausse dans le cas contraire, « p et q « vraie seulement si p et q le sont, etc. De proche en proche, une fois définis les connecteurs, on peut calculer la valeur de vérité d'une propo­sition quelque composée qu'elle soit. La seconde question correspond à la définition de la validité logique : une propo­sition est logiquement valide si elle est vraie quelle que soit la valeur de vérité de ses composants (ainsi, d'après ce qui précède, « non 'p et non p' « est logiquement valide).

On peut aussi vouloir connaître le fonctionnement interne des propositions 21 : « Socrate est mortel « ressemble à 1 2' I « Platon est mortel « ; elles ont toutes deux en commun « . . est mortel « ; appelons cette dernière partie une fonction propositionnelle : une fonction propositionnelle est une fonction dont la valeur est une proposition lorsqu'on lui ajoute un terme approprié (argument). Dans le cas discuté, on a une fonction à une place (prédicat) mais on peut à partir de « 5 est plus grand que 4 « construire une fonction à deux places (relation), qui devient une propo­sition lorsqu'on lui ajoute deux arguments, et ainsi de suite ; le schéma propositionnel f(x), g(x, y) ... est plus riche que « S est P « et permet l'analyse des énoncés mathématiques.

1 2 1 attribue un prédicat à un terme, mais I 3 I « tous les Grecs sont mortels « peut être compris comme « pour toutes les valeurs possibles de x,.si x est Grec, x est mortel « ; il y a donc deux fonctions propositionnelles. La forme correspon­dante construite à partir de 1 2 j est 1 4 , 'pour toutes les valeurs de x, x est mortel' ; on pourrait aussi avoir 1 5 1 'pour une valeur de x au moins, x est mortel'.

On peut poser à propos des fonctions propositionnelles les mêmes questions qu'à propos des propositions. Une fonction « x est mortel « n'est ni vraie ni fausse, mais 1 4 1 n'est logi­quement valide que si toutes les propositions obtenues en remplaçant x par un argument sont vraies (ce qui n'est pas le cas) et 1 5 1 s'il y en a au moins une. L'établissement de la validité de 1 61 « pour tout x, x est mortel et x est Grec « est complexe. On peut procéder comme suit : prenons quatre colonnes, sur chaque ligne on inscrit dans la première le nom

de l'objet pris pour x, dans la seconde la valeur de vérité de la proposition correspondant à la première fonction, dans la troisième celle de la seconde, et dans la quatrième un. V si on a un V dans les deux colonnes précédentes, un F

I 6 est valide s'il n'y a que des V dans la dernière colonne, ce qui est indémontrable par ce procédé, à moins de supposer que le domaine où on prend les valeurs de x est fini. Par là on conçoit l'insuffisance du calcul des propo-sitons et de la quantification qu'on vient d'évoquer ; pour répondre à son but, la logique doit développer une théorie de la déduction, c'est-à-dire démontrer la validité des procé­dures de démonstration, utilisées couramment.

Depuis une cinquantaine d'années, cette tâche s'accomplit peu à peu par la démonstration de nombreux théorèmes et l'utilisation de techniques de plus en plus complexes. Cette historisation cumulative montre à elle seule que la logique s'est constituée comme science autonome ; dès lors, son rapport à la philosophie est celui de toute autre science. Ses problèmes épistémologiques propres sont de trois ordres :

1 — Comment s'est-elle constituée, quel est son rôle dans les autres sciences (son étendue) ?

2 — Est-ce qu'elle impose une certaine image du monde (import ontologique) ; si oui, laquelle ?

3 — Quelle conception de la rationnalité permet-elle d'inférer ?

 

Depuis Russell, jusqu'à Quine, les discussions à ce sujet ont accompagné son développement : elles délimitent la philosophie de la logique.

Liens utiles