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PIAGET (Jean)

Publié le 02/04/2015

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PIAGET (Jean) _____________________________________________

Né en 1896 à Neuchâtel, docteur en zoologie en 1920, il découvre la philosophie à travers la lecture de Bergson, Spencer et Le Dantec. Des études de psychologie, de psychiatrie (avec Lipps, Bleuler, Wreschner, Janet, Binet) et de philosophie (avec Lalande et Brunschvicg) lui permettent de découvrir un domaine spécifique : la psychologie génétique. Il mène ses recherches à l'Institut Jean-Jacques Rousseau de Genève, où il devient (1921) le collaborateur du psycho­logue Claparède. Paraissent alors les premiers ouvrages marquants : Le Langage et la pensée chez l'enfant, 1923, Le Jugement et le raison‑

nement chez l'enfant, 1924, La Représentation du monde chez l'enfant, 1926. En 1925, il succède à Reymond dans la chaire de

philosophie de Neuchâtel, puis enseigne à la faculté des sciences de Genève (1929). Co-directeur de l'Institut Jean-Jacques Rousseau, il a la charge du Bureau International de l'Éducation et publie La Causa‑

lité physique chez l'enfant, 1927, Le Jugement moral chez l'enfant, 1932. L'étude du comportement de ses propres enfants donne lieu

aux ouvrages les plus déterminants : La Naissance de l'intelligence chez l'enfant, 1936, La Construction du réel chez l'enfant,

1936-1937. Les publications ultérieures se font avec l'aide de collabo­rateurs (Alina Szeminska, Bàrbel Innelder, Albert Morf), lorsqu'en 1940 Piaget prend la tête de l'Institut J.J. Rousseau. Le Dévelop­pement des quantités physiques chez l'enfant, 1941, La Genèse du nombre chez l'enfant, 1941, Classes, relations et nombres, 1942, La Formation du symbole chez l'enfant, 1945, Les Notions de mouvement, de vitesse chez l'enfant, 1946, Le Développement de la notion de temps chez l'enfant, 1946, La Représentation de l'espace chez l'enfant,. 1948, La Géométrie spontanée de l'enfant, 1948, constituent une étude systématique des « catégories « logiques parti­culièrement mises en œuvre durant la scolarité. Le Traité de logique, 1949, explicite la genèse des structures logiques fondamentales, reprise dans l'Introduction à l'épistémologie génétique, 1950. Professeur à la Sorbonne (1952), il fonde (1955) le Centre inter­national d'Épistémologie génétique où collaborent logiciens, biolo­gistes, mathématiciens et psychologues. Biologie et connaissance, 1967, Logique et connaissance scientifique, 1967 (1), Le Structura­lisme, 1968, s'inscrivent dans ce courant ininterrompu d'explicitation d'une psychologie opératoire ayant pour tâche de mettre en oeuvre

une théorie du sujet connaissant. Piaget est mort en 1980.

1.   Depuis Descartes jusqu'à Husserl, et Merleau-Ponty, la théorie de la connaissance recherche dans l'activité réflexive du sujet le fondement de celle-ci. Piaget refuse cette approche « philosophique « (2) : la théorie de la connaissance doit employer les résultats et les méthodes des sciences dont elle fait partie, elle ne peut donc négliger l'expérience. Il en résulte que la psychologie constitue la voie royale de l'épisté­mologie.

2.      Psychologie génétique

La définition que Piaget donne de l'intelligence (forme la plus générale de la coordination des actions ou des opé­rations) correspond à une conception tout à fait originale de l'activité cognitive. L'intelligence n'est pas une forme fixe appartenant au sujet, elle n'est pas non plus constituée par les impressions que causerait sur un sujet passif le monde externe ; elle est le produit d'une genèse reflétant l'inter­action du sujet et de son milieu, et s'échelonnant en différents stades et périodes (3) dont l'intégration successive est rendue possible par les conditions biologiques du dévelop­pement.

1 — Périodes de l'intelligence : La période sensorimotrice (allant de la naissance à dix-huit-vingt mois) trouve son point de départ dans une totalité d'ordre biologique. Les périodes succédant à la période sensorimotrice — préparatoire (jusqu'à

sept-huit ans) d'acquisition des opérations concrètes (jusqu'à onze-douze ans), d'abstraction (jusqu'à l'âge adulte) —permettent une différenciation et une intégration de plus en plus grandes des systèmes structuraux grâce à la fonction symbolique, la mise en place des mécanismes opératoires (notion de conservation, structures logico-mathématiques, construction de l'espace, du temps, de la vitesse) et celle des opérations formelles hypothético-déductives. Dans la consti­tution progressive de l'objectivité qui gouverne le passage d'une période à une autre, les opérations logico-mathé-matiques constituent les instruments mêmes de la structu­ration. On comprend alors que la logique puisse être « l'expression des coordinations opératoires nécessaires à l'action «, que l'abstraction réfléchissante dont la caracté­ristique est d'être tirée non pas des objets, mais des actions, soit un concept fondamental. En intégrant la coordination des actions et des opérations et leur mise à distance par un sujet, elle rend cohérentes les relations entre les formes et les normes.

2 — Les conditions biologiques du développement de l'intel­ligence peuvent être décrites par trois concepts :

a — L'assimilation : Ouvert sur le milieu, l'organisme requiert de la part du sujet sollicité par des besoins une adaptation purement fonctionnelle. Les réflexes constituent les premiers schèmes d'assimilation, c'est-à-dire les premiers « instruments de généralisation qui permettent de dégager et d'utiliser les éléments communs à des conduites analogues successives «. L'objet qui apparaît dans le champ sensible (exemple : le mamelon) est par l'action (geste de préhension) intégré à l'organisme sans que la structure de départ soit détruite ; l'assimilation de l'objet suscite une nouvelle forme d'organi­sation structurelle permettant de passer sans discontinuité de l'exercice réflexe à la répétition à vide.

b — L'accomodation : « Toute modification des schèmes d'assimilation sous l'influence des situations extérieures auxquelles ils s'appliquent «. L'organisation des différents schèmes d'action régie par la distinction moyen/fin conduit à l'intelligence pratique, capacité pour un sujet d'utiliser dans une situation objective nouvelle les schèmes d'action expéri­mentés et différenciés. L'activité expérimentale se poursuit par la mise en oeuvre de nouveaux schèmes aboutissant à la conception d'une réalité extérieure aux actions et à laquelle celles-ci se rapportent.

c — L'équilibration constitue précisément ce processus de coordination expérimentale. Elle régit la psychogenèse tout entière puisque « l'intelligence constitue 1 état d'équilibre vers lequel tendent toutes les adaptations successives d'ordre sensorimoteur et cognitif, ainsi que tous les échanges assimi­lateurs et accomodateurs entre l'organisme et le milieu «.

3.    L'épistémologie génétique

La connaissance est une relation entre un sujet et un objet, mettant en jeu des structures qu'étudie la logique. Piaget nomme épihémologie la théorie de la connaissance. La défi­nition en est difficile car le sujet intéresse la psychologie, et l'objet chacune des diverses sciences (4). On ne peut la définir comme l'étude des conditions les plus générales de la

pensée, car on méconnaîtrait la multiplicité des formes de connaissance. En première approximation, l'épistémologie est l'étude de la constitution des connaissances valables, le terme de « constitution « recouvrant à la fois les conditions d'accession et les conditions proprement constitutives. Le

terme d'« accession « indique que la connaissance est un processus ; en outre, les « conditions constitutives « devant notamment comporter une étude du rôle du sujet peu visible

dans la connaissance achevée, mais s'imposant dans les périodes de formation, la connaissance des conditions d'accession est un préalable indispensable. Ce point conduit Piaget à insister sur l'importance des méthodes historico-critiques et génétiques en épistémologie, et à définir en seconde approximation l'épistémologie (génétique) comme l'« étude du passage des états de moindre connaissance aux états de connaissance plus poussée « (définition équivalente à la précédente si on admet que la constitution des « connais­sances valables « n'est jamais achevée). Comme les périodes de l'intelligence, les étapes de la connaissance scientifique sont intégrées dans un processus de restructuration continuelle dans le passage d'une pratique opératoire à une autre. L'épistémologie génétique, volontiers psychologiste, en négligeant les ruptures, les obstacles, les impasses, les erreurs, n'est-elle pas vouée d'emblée à ne jamais pouvoir ressaisir le processus réel par lequel la science se constitue puisque l'histoire est le mode spécifique complet du développement de la chose dont on dit qu'elle a une histoire ? Plutôt qu'une épistémologie génétique, ne serait-ce pas une épisté­mologie historique qui donnerait le véritable point de vue sur le développement de la science (5) ?

1. Ouvrage collectif constituant un tome de l'Encyclopédie de la Pléiade.

2. En 1965, Piaget a publié un petit livre Sagesse et illusions de la philosophie, réédite avec une post-face en 1968, où il expose de façon polémique ses critiques à l'égard de la « philosophie «. Par « philosophie «, il entend : 1 — Ce qui correspond au « métier universitaire « permettant à certains individus de parler sur tout sans formation scientifique préalable. 2 — Plus particu­lièrement le courant phénoménologique qui entend développer une psychologie réflexive et transcendantale (la lecture de Merleau-Ponty lui « a produit une impression ahurissante «). S'il dénie toute valeur cognitive à la philosophie, faute d'instruments de vérification (c'est pourquoi il rejette les courants précédents), il lui accorde un rôle subordonné qui consiste en : 1 — coordi­nation rationnelle des valeurs (notamment morales et épistémolo­giques), c'est-à-dire sagesse ; 2 — position de problèmes qui trouveront une solution scientifique, c'est-à-dire rôle réflexif ; 3 — solutions provisoires de problèmes vitaux quand ils n'ont pas de solutions scientifiques c'est-à-dire rôle anticipateur (l'illusion est de croire qu'elles ont valeur de connaissance).

3. Une période (ex.: sensorimotrice) comprend plusieurs stades : 1 — exercice des réflexes • II — premieres habitudes ; III — premiers apprentissages ; IV — coordination des schèmes ; V — découverte de moyens nouveaux ; VI — invention de moyens nouveaux par combinaison mentale.

4. D'où l'idée de remplacer les classifications linéaires des sciences, comme celle de Comte, où la place respective du sujet et de l'objet fait difficulté, par un système cyclique : « Pour fonder la logique et les mathématiques, il faut bien sous une forme ou une autre recourir au sujet, et pour construire une science du sujet, il faut recourir à la biologie, donc également à la physique et aux mathématiques. «

 

5. Voir Bachelard.

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