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la police et des enquêtes.

Publié le 06/01/2014

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la police et des enquêtes. Vous verrez que parfois ces deux mondes se côtoient. L'investigation à propos d'objets d'art demande les mêmes compétences qu'un enquêteur. Le discernement, la sagacité, le souci du détail, la traque d'indices, si infimes soient-ils, sont indispensables pour déterminer la qualité de l'objet, tout comme son authenticité quand il s'agit de pièces anciennes. C'est grâce à ce travail minutieux qu'un commissaire-priseur peut estimer au mieux un bien mis en vente et susciter l'intérêt des acheteurs. Il lui faut aussi faire vivre l'objet, en raconter l'histoire pour mettre en évidence ce qui le rend unique et en fait la valeur. Les étudiants restaient suspendus aux lèvres du conférencier. D'évoquer son travail lui avait rendu une partie de son éloquence. Mais il n'en était qu'au prologue, il aurait à improviser s'agissant du détail et des exemples à produire. Sous ses yeux, la salamandre le défiait par son allure hautaine. En d'autres circonstances, il aurait consacré des heures à méditer autour de ce symbole de la fidélité, de la persistance de la foi, qui incarnait pour les alchimistes l'esprit du feu, et dont François Ier avait fait son corps de devise : « Nutrigo et extinguo », « Je nourris le bon feu et j'éteins le mauvais », avant même d'accéder au trône... Il eut le plus grand mal à dégager sa pensée de cette gravure dont la présence l'obsédait. Il s'entendait discourir de façon presque mécanique, enchaînant les périodes et menant son propos à l'aveugle, attentif seulement à ne pas buter sur les mots. Il sentait bien que sa prestation manquait de rigueur, qu'il émaillait son cours de références étrangères au sujet annoncé. Des mouvements divers agitaient l'amphithéâtre, l'attention faiblissait, plus d'un étudiant s'était remis à pianoter sur son portable. Ce n'était pas un four, mais Yvan était en train de leur rendre un brouillon. Il n'avait plus qu'une envie, conclure. Jamais une conférence ne lui avait paru si longue.   -- Monsieur, excusez-moi, fit une voix au milieu du brouhaha saluant la fin du cours. Il s'apprêtait à partir mais se tourna vers l'étudiante qui l'avait interpellé. Celle-ci avait occupé une place dans les premiers rangs, elle avait donc pleinement profité du spectacle. Maintenant, elle s'approchait de lui. Il nota le sourire discret mais bienveillant. -- Puis-je vous poser une question ? dit-elle en le considérant droit dans les yeux. -- Je vous en prie, je suis là pour y répondre au mieux. Mais ce fut lui qui l'interrogea en premier. -- Ai-je été assez clair dans mon exposé ? Il avait besoin de se rassurer, mais son interlocutrice ne réagit pas. -- Pour tout dire, j'avais égaré mes notes. Et j'ai bien peur d'en être resté à des considérations générales et des vues lointaines, ce qui s'appelle un flou artistique... Elle lui répondit alors d'un ton amusé : -- Le métier de commissaire-priseur est très intéressant, mais le rapporter au château de Chambord m'a paru... comment dire... inattendu. Il afficha une sincère surprise, n'ayant pas le souvenir d'en avoir parlé. -- Vous avez ensuite évoqué Léonard de Vinci, puis une salamandre, et enfin la date de 1515. Il ne manquait que le nom de François Ier pour achever le tableau. Pourquoi avoir mentionné tout ça aujourd'hui ? demanda-t-elle ingénument. -- Comme je vous l'ai dit, j'avais perdu mes notes. Le dossier que j'avais sous les yeux n'était pas le bon, cela m'a perturbé. Et vous avez tout à fait raison, pour François Ier. -- Vous avez également parlé de carrés magiques, il me semble, reprit l'étudiante, cette fois avec sérieux. -- J'ai aussi parlé d'eux ? Je me suis donc vraiment écarté du sujet. Mais... Vous vous intéressez à la cryptographie classique ? -- J'ai travaillé dessus et je compte en faire mon sujet de thèse. Vous pourriez peut-être m'en apprendre davantage ? -- C'est que... Le hasard m'a rendu dépositaire de documents qui, à première vue, présentent quelque intérêt en ce domaine. L'étudiante lui parut soudain douée d'un culot phénoménal ou d'un naturel déconcertant. -- On peut les consulter ? Yvan eut un pas de recul. -- Mais ils ne m'appartiennent pas. En fait, leur propriétaire les a égarés, et aujourd'hui... -- Dans ce cas, aujourd'hui, le propriétaire, c'est vous ! Décidément, elle ne doutait de rien. Il ne put s'empêcher de sourire devant un tel aplomb. Et se défendit mal. -- Je ne sais pas ce que renferme ce dossier, j'ai simplement feuilleté les premières pages, et... -- ... l'association d'un carré magique et du château de Chambord mérite d'être étudiée, enchaîna la jeune fille. Tant de mystères entourent le château... Mais je ne dispose que de très peu d'éléments. La bibliographie est lacunaire, les sources rares. Quant aux archives, je n'ai pas toutes les recommandations pour y accéder... C'était un appel du pied en bonne et due forme. -- Écoutez, je vais y regarder de plus près. S'il se trouve que le contenu de ce dossier sort de l'ordinaire et demande un examen approfondi, je vous en ferai part. -- Je m'appelle Marion Evans, et je suis en master 2 professionnel d'histoire de l'art. Elle se tut un court instant pour ajouter dans un sourire : -- Au fait, sachez que nous sommes nombreux dans mon année à faire en sorte de ne jamais rater vos exposés. Puis elle sortit de son sac un bristol avec son adresse e-mail et le posa sur le bureau. Avant qu'Yvan l'en ait remerciée, l'effluve fruité s'en était allé. 4 Un ciel orageux assombrissait encore davantage cette journée. Le marche lente menant le cercueil du professeur Faure dans les allées du cimetière de Pantin s'étirait en une procession interminable. Durant toute sa vie, cet homme que l'on disait solitaire, absorbé dans l'étude, avait su entretenir d'indéfectibles amitiés, et suscité des liens d'estime qui s'étendaient bien au-delà du milieu de l'art et des cercles érudits. Autour du caveau, les proches se recueillaient, en proie à une réelle affliction. Yvan Sauvage et Henry Dumont avaient suivi les obsèques sans échanger un mot, tous deux marqués par ce départ qui les dépouillait plus qu'ils ne l'auraient cru d'une part d'eux-mêmes. Cet enseignant dont ils avaient tant de fois sollicité les conseils et le jugement dans leur jeunesse appartenait à ces figures tutélaires qui décident d'une vie. Lui seul avait su leur communiquer la vision d'un art intimement mêlé aux destinées humaines. Yvan ne cessait de penser aux derniers instants du professeur, au secret qu'il lui avait légué en le considérant comme son fils spirituel. La cérémonie prit fin sous des rafales de vent qui dispersèrent rapidement la foule. Henry entraîna Yvan vers la sortie en lui proposant de prendre un verre dans l'un des cafés alentour. -- As-tu remarqué, dit-il en chemin, que les prêtres n'assistent plus à la célébration des funérailles dans les cimetières ? -- Je ne suis pas un fervent chrétien et j'avoue que cet aspect de la lithurgie m'a échappé. D'ailleurs, j'ignorais que notre professeur était croyant. -- Il l'était, et s'attristait de voir nos églises désertées par les fidèles. Pratiquait-il lui-même ? Je n'en sais rien. Yvan se demanda si son camarade d'études comptait parmi les brebis égarées, ou s'il avait pris des gages sur son salut, mais il n'osa pas le questionner. Au fond, il le connaissait à peine, leurs relations étant circonscrites à leurs activités professionnelles. Ils étaient entrés dans un bistrot à l'ancienne, avec son zinc bosselé, son mobilier en formica, et un patron qui prenait commande comme s'il avait à mettre le client au garde-à-vous. -- Pour moi, ce sera un Perrier citron, dit Henry en regardant ailleurs. Yvan hésitait. Le patron décida de lui servir la même chose. -- Faure va nous manquer, laissa tomber Henry après sa première gorgée. -- Il avait tant de projets qu'une vie ne lui aurait pas suffi pour les mener à bien, constata Yvan. -- Tout comme toi... Entre tes ventes, tes expertises et tes cours en Sorbonne, tu ne chômes pas. Yvan fit un geste qui pouvait signifier que ça relevait de la fatalité. -- Oui, et je redeviens presque étudiant... Je dois trouver à me loger rapidement. La maison est vendue. Henry avait appris la séparation d'Yvan avec Lise, qu'il n'avait fait qu'entrevoir à des vernissages, mais ce sujet n'avait jamais été abordé entre eux. -- Si cela peut t'être utile, j'ai un petit appartement disponible, il jouxte celui d'une ancienne employée de la famille. Mais je te préviens, c'est un deux-pièces tout ce qu'il y a d'étriqué. Je te vois mal t'installer là-bas. -- Vraiment ? Tu pourrais me le louer ? Tu sais, tout me conviendra si je peux conserver ma bibliothèque et ne pas avoir à camper à l'hôtel. -- Soit. Accord conclu. Tu auras les clés après-demain. Et pour le loyer, on s'arrangera.   Six jours plus tard, Yvan emménageait dans l'appartement proposé par Henry Dumont. Il commençait sa nouvelle vie sous une pluie battante. Arrivé en fin d'après-midi, très en retard, le camion des déménageurs créait déjà un embouteillage en bas de l'immeuble. Les klaxons et les jurons signalaient la venue d'un nouvel occupant qui aurait apprécié davantage de discrétion. Le fourgon aux warnings allumés stationnait en épi, encombrant le trottoir et la moitié de la chaussée. -- Gérard, envoie plutôt les cartons avant de sortir le bureau. Faut vraiment te tenir la main, à toi ! gueula le plus capé de l'équipe. Journée pourrie. Et deux autres clients attendaient derrière. Clope au bec, barbe de trois jours, teeshirt barré du logo et du slogan de la société, le déménageur en chef empilait les cartons sur un diable. -- Enfoiré, il collectionne des lingots de plomb, ce gars-là ! -- Non, des livres, lança Yvan derrière son dos. -- Ah bon... Et vous les avez tous lus ? fit l'homme en poussant le chariot vers le porche d'entrée. Yvan regarda les cendres tomber du mégot et se coller sur le côté d'un carton déjà bien humide. C'était moche. Tout était moche ce jour-là. Sa vie de célibataire, il ne l'avait pas choisie, elle s'était imposée à lui à la veille de ses quarante ans, et plutôt violemment. Il vit soudain son luminaire traverser la rue en diagonale et heurter l'un des battants de la porte, juste assez fort pour lui déboîter la coupole. Yvan se promit qu'au prochain déménagement il éviterait de faire appel à ces « pros de la casse ». Par chance, il s'était réservé le transport des objets les plus précieux. Sa petite berline, pleine à craquer, contenait de véritables trésors. Avec soin, il sortit deux toiles de maître qu'il avait emballées dans plusieurs épaisseurs de papier-

« l’ordinaire etdemande unexamen approfondi, jevous enferai part. — Je m’appelle MarionEvans, etjesuis enmaster 2professionnel d’histoiredel’art. Elle setut un court instant pourajouter dansunsourire : — Au fait,sachez quenous sommes nombreux dansmonannée àfaire ensorte denejamais rater vos exposés. Puis ellesortit deson sacunbristol avecsonadresse e-mailetleposa surlebureau.

Avant qu’Yvan l’enaitremerciée, l’effluvefruités’enétait allé.. »

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