Devoir de Philosophie

Les sauvages sont-ils des barbares ?

Publié le 21/01/2004

Extrait du document

Mais, en réalité, le sauvage « pur » n'existe pas, car tout homme est toujours d'emblée inscrit dans une culture déterminée. Par ces expressions, nous voulons signifier en réalité que nous rejetons la culture de l'autre, comme si elle n'était pas digne d'être une manifestation culturelle de l'homme, et devait être abaissée au rang de grossière nature.Ainsi, c'est comme si on refusait d'admettre le fait même de la diversité culturelle, affirmant implicitement ou ouvertement que seule la culture à laquelle nous appartenons est vraie, « normale », modèle et expression de la norme, donc supérieure.Lévi-Strauss précise, à la suite de cet extrait, que le véritable «barbare» est celui qui applique à l'autre ce qualificatif, et se montre ainsi incapable d'accepter la diversité culturelle et la relativité de sa propre culture.  Ce à quoi s'oppose cet extrait: L'expression « c'est un sauvage » cache donc en réalité, selon Lévi-Strauss, une forme plus ou moins déguisée de racisme, de peur et de refus de la différence culturelle.C'est dans son texte Race et histoire que Lévi-Strauss développera ces analyses pour montrer que ce refus a habité le mouvement du colonialisme européen depuis le XVe siècle et lui a même apporté ses plus puissants alibis.C'est, en effet, en raison même de ce rejet que l'on proclamait la nécessité, par la colonisation, de « civiliser les sauvages ». C'était en réalité un prétexte, nous dit-il, pour détruire les formes de civilisation qui ne correspondaient pas aux normes et aux idéaux de celle de l'Occident.Mais le texte de Lévi-Strauss s'oppose aussi à une certaine manière de concevoir le travail de l'ethnologue,manière qui prédominait au début du siècle. Il s'agissait alors de traiter les « cultures primitives », celles par exemple des tribus d'Amazonie, comme des sous-cultures ayant manqué leur phase de développement.

« contradictoire et énigmatique, qui fascine autant qu'elle inquiète.

Or le barbare c'est précisémentcelui dont on ne reconnaît que la part de « l'autre ».

On peut alors se référer à tous les écrits quifont polémique en ce qui concerne la part d'humanité accordée aux sauvages à l'époque de ladécouverte du Nouveau Monde. II- Une notion toute relative · L'idée e l'homme n'est pas une idée universelle ; l'idée d'humain non plous, par conséquent. Dans l'Antiquité, le fait de fouetter des esclaves n'était pas jugé inhumain puisque les esclavesn'étaient pas considérés comme les hommes.

Ce n'est que depuis peu que le viol (le mot mêmemanquait) est vu comme un crime.

Le concept de l'humain, et donc celui de barbare et d'inhumain,naît avec la philosophie des droits de l'homme. · Nombre de coutumes, jugées par définition normales par ceux qui les pratiquent, peuvent être taxées de barbare par ceux qui leur sont étrangères : le cannibalisme, les mutilations sexuelles,rites d'initiation.

Montaigne, dans le chapitre de ses Essais intitulé « les cannibales » faisaitobserver que le plus sauvage n'est peut-être pas celui qu'on pense : les guerres de religion nesont pas plus civilisées que les rituels d'anthropophagie. · On comprend alors que la notion de barbare est toute relative et qu'elle recouvre bien plutôt un jugement moral qu'une réalité effective.

Elle naît donc de cette incompréhension totale del'autre qu'on ne peut saisir que par différenciation complète par rapport à soi. · Le barbare est alors celui qui avant tout croit à la barbarie en cela qu'il n'a pas compris que l'humanité se situé par delà, et même au-delà, des différences de cultures.

Lévi-Strauss, Race ethistoire.

Celui qui croit que le barbare existe effectivement est ce barbare. Qui n'a pas accusé autrui de se comporter en barbare ? Quel peuple n'a pas accusé d'autrespeuples d'être des barbares ? Lévi-Strauss, grand anthropologue français, souligne, dans Race etHistoire, d'où est extrait notre citation, ce trait propre à toute société, qu'est l'ethnocentrisme :chaque ethnie, c'est-à-dire chaque peuple, a tendance à se penser comme étant au centre dumonde, à considérer ses coutumes, ses mœurs, ses règles, ses croyances, ses modes depenser,...

comme meilleurs que ceux ethnies ou des peuples différents, comme si sa tribu, sonvillage, son clan, son pays, sa culture étaient plus représentatifs de l'humanité que tous lesautres.

Ainsi le barbare, le non civilisé c'est toujours l'autre; l'autre au sujet duquel on racontetoute sorte d'horreurs ou d'atrocités ainsi des Vikings, des Huns, des Goths, des Tartares,Mongols, des Chinois..., sans parler de tribus sauvages au fin fond de l'Afrique ou de l'Amazonie,etc.

Or, peut-être commence-t-on à ne plus être un barbare, ou commence-t-on à être unhomme civilisé, le jour où l'on reconnaît qu'on est le premier, peut-être, à être capable de secomporter en barbare.Le mot "barbare" - barbaros en grec- signifie à l'origine "l'étranger qui ne parle pas grec" : onpouvait être étranger à Athènes, venir de Corinthe ou de Thèbes, on était alors un xénos, unétranger certes, mais un étranger qui parlait grec; en revanche les Egyptiens, les Perses, etc.étaient appelés "barbares".

Pour les Romains, de même, les barbares étaient ceux qui ne parlaientpas latin, ou ceux qui, malgré la colonisation et la construction de l'empire romain, n'avaient pasété latinisés, et qui se situaient donc au-delà des frontières de l'empire.

Or ces peuples extérieursont fini par envahir l'empire romain et renversé son ordre : c'est ainsi qu'on parle encore dans leslivres d'histoire de l'invasion des barbares.

La phrase de Lévi-Strauss est quelque peudérangeante: car elle revient à condamner l'usage de mot barbare.

Celui qui accuse l'autre debarbarie est lui-même un barbare.

Mieux, c'est celui-là même qui est réellement un barbare.Pourquoi ? Parce qu'accuser autrui de violences et d'atrocités, de cruauté, de sauvagerie...

croireque l'autre est un barbare, c'est supposer que soi-même on ne serait pas capable de mauxsemblables.

Est civilisé celui qui admet bien plutôt que tout homme, à commencer par soi, estcapable du pire. · On peut alors parler de l'ethnocentrisme (de là que naît ce terme de barbare) : elle est cette tendance que chaque peuple à de se considérer comme la référence de l'humanité, et de voir sonpays comme le centre du monde.

Il s'agit d'un préjugé universel qui exalte la seule culture àlaquelle on appartient et méprise les autres cultures au point de leur dénier leur caractère deculture : ainsi, la langue que l'on parle est la seule belle, celle des autres est une suite deborborygmes (de là le mot de barbare forgé par les anciens grecs), les lois que l'on a sont lesseules justes (celles des autres sont scandaleuses), etc. · Si le barbare désigne le non civilisé on comprend alors pourquoi cette notion agit de façon négative : elle sert de négatif pour une civilisation qui mesure, à partir de l'observation de cessauvages, ses progrès. III- Le problème éthique du relativisme · Pourtant, si le barbare n'a aucune réalité effective car il procède d'un simple ethnocentrisme, alors c'est le problème de la définition éthique de l'inhumanité et de la barbarie qui est en jeu.

En. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles