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L'ignorant est-il libre ?

Publié le 28/01/2004

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(question sous-jacente à tout sujet-question).Mais les choses se présentent différemment lorsque la question ou la directive d'accompagnement est: «En quel sens peut-on dire que: "..."?» ou « Comment comprenez-vous la formule ; "..."?» ou encore - et surtout - «Justifier cette affirmation : "..."». De tels sujets ne vous empêchent nulle-ment de problématiser la citation ou l'énoncé en jeu. Même quand on vous demande de justifier une proposition philosophique, il ne s'agit pas de faire l'éloge de son auteur: certes, il s'agit de la comprendre, mais aussi, éventuellement, d'en marquer les limites, de voir si, justifiée d'un certain point de vue ou dans un certain contexte, elle ne devient justement pas problématique d'un autre point de vue, dans un autre contexte.Cependant la dissertation devra comprendre une partie-analyse (ou une partie-explication): la formule proposée est alors l'équivalent d'un court texte à commenter.

L'ignorant n'est pas libre mais ne le sait pas  —> Pensez à Socrate, Platon (« Connais-toi toi-même «)  —> Pensez à Epictète (« Bien juger pour bien faire «)  —> Pensez à Spinoza (« L'homme n'est pas un empire dans un empire «).  • On ne peut pas ne pas être libre, qu'on soit ignorant ou savant.  —> Pensez à Rousseau (« Notre essence est liberté «)  —> Pensez à Descartes (« Le plus bas degré de liberté, c'est encore de la  liberté «)  —« Pensez à Sartre (« Nous sommes condamnés à être libres «)

« - la liberté morale : une absence de contraintes internes (notamment les passions) - la liberté politique : absence de contraintes politiques et sociales, par opposition à l'oppression. • Pour se libérer des contraintes, encore faut-il les connaître : en ce sens, l'ignorance s'oppose à la libertépuisqu'elle la freine.

La méconnaissance des causes internes et externes qui déterminent nos actions et nos penséesentraîne la privation de notre liberté.

C'est également cette méconnaissance qui permet à d'autres d'avoir prise surnous et de contrôler nos actions : à l'ignorant, on peut faire croire ce qui est faux et ainsi le dominer. • Cependant, si on voit bien que l'ignorance peut être un frein à la liberté, peut-on dire pour autant que laconnaissance permet de se libérer ? La connaissance, qui dévoile les causes à l'oeuvre dans notre vie, n'apporte-t-elle pas au contraire la conscience que la liberté n'est qu'une illusion ? • C'est donc entre ces deux voies que le problème se pose.

D'un côté, l'ignorance est un frein à la liberté ; d'unautre côté, l'absence d'ignorance rend seulement conscient de notre asservissement.

Quelle valeur faut-il alorsaccorder à l'ignorance ? I – L'asservissement par l'ignorance : ignorance et liberté politique • Il s'agit ici principalement de l'ignorance des causes externes : phénomènes économiques, notions de justice,d'égalité, connaissance d'autres systèmes politiques etc.

Ce type d'ignorance est un danger pour la liberté lorsquel'ignorant est confronté à plus savant que lui.

En effet, il est aisé d'utiliser cette ignorance à des fins demanipulation.

Le discours politique dans sa dimension rhétorique s'appuie sur ce phénomène, utilisant des termes etdes concepts qui ne sont pas bien connus de « l'ignorant » et parvenant ainsi à le convaincre. • Ainsi, dans le Gorgias , Platon montre le danger des sophistes et de leur rhétorique : c'est un art puissant qui est au service du pouvoir de son utilisateur.

Elle ne cherche pas la vérité, la vertu ni la justice mais la satisfaction despassions et plaisirs personnels au détriment des « faibles ».

Or l'ignorant est aisément victime de cette séductionpar le discours. • Si l'ignorance met la liberté en danger, c'est qu'elle est synonyme de crédulité.

Lorsqu'on ne sait pas, toutdiscours émanant d'une autorité, notamment politique, est perçu comme une vérité.

De plus, l'ignorance n'est passeulement l'absence de connaissance, mais également un ensemble de connaissances fausses ou incomplètes, despréjugés, ou ce que les grecs appelaient la doxa .

Un discours habile peut tirer partie de la doxa , flatter son auditoire et le rallier à sa cause. • Dans ce contexte de liberté politique et de manipulation, la notion à opposer à celle d'ignorance est l'éducationplutôt que la connaissance.

L'éducation est ce qui permet de comprendre le fonctionnement d'une théorie, d'undiscours, d'une thèse et, même si le sujet nous est peu connu, de distinguer ce qui relève de la démonstration et cequi relève de l'idéologie ou de la rhétorique.

L'ignorance n'est donc un mal que si elle n'est pas consciente d'elle-même et mène à la crédulité.

II – Ignorance et liberté morale • L'ignorance des causes internes s'oppose également à la liberté, mais il s'agit alors d'une liberté morale oumétaphysique.

Méconnaître nos mécanismes psychologiques, nos passions, c'est se leurrer sur les véritables motifsde nos actions.

On n'agit pas librement mais suivant un déterminisme interne (obéissant à des motifs inconscientspar exemple, ou à l'exemple familial etc.).

Connaître ces causes internes au contraire permettrait de s'en détacheret d'agir librement. • Ce que l'on oppose ici à l'ignorance, c'est la conscience.

L'ignorance ôte la conscience de nos déterminations etdonne l'illusion de la liberté : mais comme le montre Spinoza , il s'agit bien d'une illusion : Mais descendons aux choses créées qui sont toutes déterminées par des causes extérieures àexister et à agir d'une certaine façon déterminée.

Pour rendre cela clair et intelligible, concevonsune chose très simple : une pierre par exemple reçoit d'une cause extérieure qui la pousse, unecertaine quantité de mouvement et, l'impulsion de la cause extérieure venant à cesser, ellecontinuera à se mouvoir nécessairement.

Cette persistance de la pierre dans le mouvement estune contrainte, non parce qu'elle est nécessaire, mais parce qu'elle doit être définie par l'impulsiond'une cause extérieure.

Et ce qui est vrai de la pierre il faut l'entendre de toute chose singulière,quelle que soit la complexité qu'il vous plaise de lui attribuer, si nombreuses que puissent être sesaptitudes, parce que toute chose singulière est nécessairement déterminée par une causeextérieure à exister et à agir d'une certaine manière déterminée.

Concevez maintenant, si vousvoulez bien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir, pense et sache qu'elle fait effort,autant qu'elle peut, pour se mouvoir.

Cette pierre assurément, puisqu'elle a conscience de soneffort seulement et qu'elle n'est en aucune façon indifférente, croira qu'elle est très libre etqu'elle ne persévère dans son mouvement que parce qu'elle le veut.

Telle est cette libertéhumaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes ontconscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent.

Un enfant croit librementappéter le lait, un jeune garçon irrité vouloir se venger et, s'il est poltron, vouloir fuir.

Un ivrogne. »

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