La violence a-t-elle droit de cité ?
Publié le 29/01/2004
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La revanche des passions
Dans sa critique du rationalisme classique, Freud a montré que désirs etpassions sont essentiels à l'homme, mais qu'ils s'opposent au principe denécessité (au travail) qui gouverne le progrès de la civilisation.
C'est pourquoila raison, comme intériorisation du principe de nécessité, doit refouler lesdésirs inadéquats à la vie sociale, notamment les pulsions d'agressivité.
Laraison est ainsi instance de refoulement.
Or le refoulement n'est nullement lasuppression des désirs, et la conscience est toujours menacée par un retourdu refoulé, menant à la névrose ou à la psychose.
La raison, comme agent derefoulement, peut donc provoquer par son exercice même des désordres auxmanifestations plus violentes encore que celles qu'elle se proposaitinitialement de maîtriser.Sur le plan de la collectivité, l'État (qui se donne pour l'incarnation de laRaison) canalise certes les passions individuelles sur un mode rationnel, ainsique le soulignent les théories du contrat social.
Mais, l'État peut être lui-même l'amplificateur d'une passion collective qu'aucun cadre rationnel ne peutplus contenir, puisque l'incarnation collective suprême de la raison desindividus, l'État lui-même, se fait l'organe de cette passion.
Il peut donc yavoir un contrôle rationnel de la violence des individus à travers l'État mais untel contrôle peut lui-même favoriser le déchaînement de la violence collective:l'histoire contemporaine, notamment avec le délire collectif de l'Allemagnenazie, nous en fournit plus d'un exemple.
Les aberrations de la rationalisation
Sartre a écrit que « Les quarante volumes de Lénine représentent une oppression pour les masses» (Situation X).Les pouvoirs totalitaires modernes fondent en effet leur légitimité historique sur des doctrines qui se veulentrationnelles.
Le stalinisme s'appuie sur les écrits de Marx et de Lénine, le nazisme sur ceux de Darwin.
Il y a ainsiune rationalisation de la violence totalitaire: ce n'est pas une violence aveugle, passionnelle, mais une violence quipoursuit rationnellement ses buts.
Les apologies rationnelles de la violence
La raison qui prétendait sinon supprimer, du moins limiter la violence peut donc devenir elle-même source d'uneextrême violence.
Bien plus, elle va parfois jusqu'à justifier la violence, non pas sa propre violence, mais touteviolence.Ainsi Joseph de Maistre, que suivra Proudhon, écrit-il à propos de cette forme suprême de violence qu'est la guerre:«la guerre est divine en elle-même, puisque c'est une loi du monde [...] Dans le vaste domaine de la nature vivante,il règne une violence manifeste, une espèce de rage prescrite qui arme tous les êtres in mutua funera [...] La guerreest donc divine en elle-même, puisque c'est une loi du monde.
La guerre est divine par ses conséquences d'un ordresurnaturel tant générales que particulières [...] La guerre est divine dans la gloire mystérieuse qui l'environne, etdans l'attrait non moins inexplicable qui nous y porte [...].
Ainsi s'accomplit sans cesse, depuis le ciron jusqu'àl'homme, la grande loi de la destruction violente des êtres vivants.
La terre entière, continuelle imbibée de sang,n'est qu'un autel immense où tout ce qui vit doit être immolé sans fin, sans mesure, sans relâche, jusqu'à laconsommation des choses, jusqu'à l'extinction du mal, jusqu'à la mort de la mort » (Les Soirées de Saint-Pétersbourg, VII).Semblablement, Hegel verra dans la violence une ruse de la Raison, et Marx et Engels en feront un moteur del'Histoire:.
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