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L'absurde

Publié le 26/03/2004

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Car au fond j'ai tort de juger absurde ce qui m'est étranger. Que l'étranger me paraisse étrange, cela est naturel ; tout ce qui n'est pas conforme à nos habitudes nous inquiète. Mais quand je qualifie l'étrange d'absurde, je me fais le centre de l'univers et le juge suprême, en attribuant aux êtres ou aux choses des qualités qui n'ont de sens que par rapport à moi. Et c'est moi qui déraisonne quand je juge déraisonnable en soi ce qui ne me paraît tel que par le fait des conditions particulières dans lesquelles je me trouve.

- B - Analyse d'exemples.

Ainsi l'absurde n'est pas seulement ce qui choque mon bon sens ; c'est ce qui choque la Raison, c'est-à-dire le bon sens universel. Pour qu'un être ou un discours soient véritablement absurdes, il faut qu'ils paraissent tels à tout esprit qui juge selon la raison et non selon ses coutumes. Qu'est-ce alors que l'absurde ? L'absurde n'est pas le faux : on dit d'un élève qu'il fait une réponse absurde, non point lorsque sa réponse est fausse, mais lorsqu'elle est mal ajustée à la question posée. De même on dit d'un être qu'il est absurde ou que sa conduite est absurde lorsque ses actes sont en désaccord avec la fin qu'il poursuit : ainsi Gribouille est absurde lorsqu'il se jette à l'eau pour ne pas être mouillé par la pluie.

Ce qui est dépourvu de logique, de raison, de sens, est absurde ! L'absence de réponse aux questions fondamentales que pose l'être humain face à son essence crée le sentiment d'absurdité. Il implique, dans la philosophie existentialiste, un poids d'angoisse et une impuissance à vivre déterminante qui peut conduire au suicide.

« II.

L'ABSURDE EXISTE-T-IL ? — A — L'absurde dans les discours. Nous avons tendance à croire qu'il n'y a jamais d'absurdité que dans les discours ; le sens commun admet volontiers, en effet, du moins de façon implicite, l'identité du rationnel et du réel.

Aussiconsidère-t-il comme impossible absolument ce qui n'est pas conforme à la raison.

L'absurde ne saurait donc exister.Nos idées peuvent être absurdes et par suite nos actes ; mais les choses elles-mêmes ne peuvent présenter aucuneabsurdité.

Rien de ce qui est n'est sans raison ; il faut toujours qu'il y ait une raison d'être.

Le sens commun tientainsi pour loi de la nature ce qui est une exigence de la pensée ; parce que nous ne pouvons éviter de poser laquestion « pourquoi », nous pensons que cette question comporte nécessairement une réponse.

Les philosophes sesont presque toujours efforcés de justifier cette attitude spontanée.

Ils montrent qu'il ne peut y avoir désaccordentre la raison et l'expérience, entre le rationnel et le réel, soit en dérivant la raison de l'expérience, soit en faisantde l'expérience un produit de la raison, soit en considérant expérience et raison, monde et esprit, comme descréations de Dieu parfaitement adaptées l'une à l'autre.

C'est ainsi que pour l'empirisme, l'expérience ne peutchoquer la raison, en lui présentant une absurdité, c'est-à-dire un phénomène non conforme aux principesrationnels, puisque la raison et ses principes sont des produits de l'expérience.

De même, pour l'idéalisme kantien quivoit dans l'expérience une construction rationnelle, il ne peut y avoir d'expérience absurde.

De même pour Descartes qui affirme : « J'ai remarqué certaines lois que Dieu a tellement établies en lanature, et dont il a imprimé de telles notions en nos âmes, qu'après y avoirfait assez de réflexion nous ne saurions douter qu'elles ne soient exactementobservées en tout ce qui est ou tout ce qui se fait dans le monde » (Discoursde la Méthode, V).

Pour toutes ces philosophies, comme pour le senscommun, l'absurde n'est jamais qu'une apparence due au mauvais usage quenous faisons de notre raison. — B — L'absurde dans les choses. Toutefois, il faut remarquer que s'il n'y a pas d'absurdité dans le monde considéré comme donné, il peut y avoirabsurdité à ce que le monde soit donné.

Ce n'est point tant le monde lui-même qui est absurde, aux yeux de certains auteurs contemporains, que sonexistence.

Et sans doute est-ce la réflexion de l'homme sur sa proprecondition, sur sa propre existence qui conduit à cette conclusion.

Pascaldisait déjà : « Je m'effraie et m'étonne de me voir ici plutôt que là, car il n'y apoint de raison pourquoi ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors.

»Quand l'homme, en effet, se demande pourquoi il existe, il ne trouve pointd'abord de réponse.

C'est ainsi que M.

Camus, dans le Mythe de Sisyphe,montre que le sentiment de l'absurde est lié au problème du suicide.

Celui quisonge au suicide est celui qui n'a plus, comme on dit, de raison de vivre.

Maisa-t-on jamais véritablement quelque raison de vivre ? L'existence, celle dumonde comme la nôtre, a-t-elle quelque raison ? C'est ce que Sartre ne croit pas : « Le monde des explications et des raisons n'est pas celui de l'existence» (La Nausée, p.

169).

Son personnage, Antoine Roquentin, prend consciencetout d'un coup, dans un jardin public, de l'absurdité de l'existence : « Nousétions un tas d'existants gênés, embarrassés de nous-mêmes, nous n'avionspas la moindre raison d'être là, ni les uns ni les autres, chaque existantconfus, vaguement inquiet, se sentait de trop par rapport aux autres » (ibid.,p.

167).

Exister, c'est « être de trop » parce que c'est être sans raison, sansnécessité aucune.

11 n'est pas nécessaire que le marronnier, que la statue,que Roquentin existent ; ils pourraient ne pas exister et c'est pourquoi leurexistence est absurde.

Elle est absurde parce qu'elle est contingente,gratuite.

La « nausée » a précisément pour cause cette découverte d'uneabsurdité qui n'est pas dans l'esprit seulement, mais dans les choses, qui estla nature même des choses : « L'absurdité, ce n'était pas une idée dans matête, ni un souffle de voix, mais ce long serpent mort à mes pieds, ce serpentde bois » (ibid., p.

168). — C — Essence et existence. Le problème de l'absurde, c'est le problème des rapports de l'existence et de l'essence.

L'essence, c'est « ce qui constitue lanature d'un être, par opposition au fait d'être » (Lalande, Vocabulaire).

Ils'agit de savoir si l'existence est contenue dans l'essence, impliquée par elle,ou si elle est, au contraire, d'un autre ordre.

L'empirisme ou l'idéalisme kantienexpliquent que l'absurde ne peut se trouver dans l'expérience, mais ils n'expliquent pas pourquoi il existe un monde ni pourquoi nous sommes là pour en avoir l'expérience.

Le monde est,mais ce fait d'être est-il une conséquence nécessaire de sa nature même ? Peut-on considérer que l'essence dumonde est telle qu'il existe nécessairement ? « Exister, répond Sartre, c'est être là, simplement : les existantsapparaissent, se laissent rencontrer, mais on ne peut jamais les déduire » (La Nausée, p.

171).

C'est pourquoi laphilosophie classique faisait dépendre la contingence du monde d'un être nécessaire.

Le monde existe, disait-elle,parce que Dieu l'a créé.

Mais le problème devient alors : existe-t-il un être nécessaire, c'est-à-dire un être dontl'existence résulte de son essence ? La preuve ontologique de l'existence de Dieu tendait à l'établir ; elle consiste à. »

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