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ACCENT, substantif masculin.

Publié le 20/02/2011

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ACCENT, substantif masculin.  

I.—  Terme de linguistique ou de grammaire et de musique servant à désigner différentes caractéristiques d'un système d'expression. 

A.—  LINGUISTIQUE, GRAMMAIRE.  

1. PHONÉTIQUE.  Augmentation de l'intensité ou élévation de la hauteur de la voix, qui met en relief telle syllabe ou telle articulation d'un mot ou d'un groupe de mots. 

a) Accent d'intensité, accent tonique, accent rythmique : 

Ø 1. La phrase française est composée d'un certain nombre de mots ou de groupes de mots. Chacun de ces mots ou groupes de mots porte sur sa dernière syllabe un accent d'intensité, c'est-à-dire que cette dernière syllabe est dite avec plus de force que les autres.

MAURICE GRAMMONT. Prononciation.  1958, page 105. 

Remarque : Le retour plus ou moins régulier de l'accent d'intensité crée le rythme de la phrase française, d'où l'expression accent rythmique; l'accent augmente l'intensité du ton, d'où l'expression accent tonique. 

b) Accent d'insistance : 

Ø 2.... Il y a parfois dans la phrase française des mots particulièrement importants et d'une certaine dimension, qui, sous l'influence de l'emphase ou de l'émotion, peuvent, à côté de l'accent héréditaire placé sur la finale, en recevoir un autre. Ce nouvel accent d'intensité dit « émotionnel « ou aussi « accent d'insistance « n'est pas moins énergique que l'ancien (...) : il porte d'ordinaire sur la première syllabe du mot qui commence par une consonne, tout en renforçant aussi et en allongeant cette consonne.

Phonétique française (ÉDOUARD BOURCIEZ, JEAN BOURCIEZ)  1967, § 9, remarque c, page 32. 

Remarque : L'accent d'insistance est appelé, selon les effets qu'on en tire, accent émotionnel, accent intellectuel, accent logique, accent oratoire, etc. 

c) Accent de hauteur, accent musical, accent mélodique. Élévation du timbre d'une voyelle ou d'une syllabe au cours de l'émission de la voix : 

Ø 3. Avant une pause, si le sens est seulement suspendu, le ton s'élève. Si le sens est terminé, le ton s'abaisse, et l'accent musical recule sur l'une des syllabes précédentes (...)

Précis de prononciation française (PIERRE-JOSEPH ROUSSELOT, FAUSTE LACLOTTE)  1927, page 99. 

—  PRONONCIATION.  Manière particulière de placer l'accent, et par extension, ensemble des traits de prononciation qui s'écartent de la prononciation considérée comme normale et révèlent l'appartenance d'une personne à un pays, une province, un milieu déterminés : 

Ø 4. Avec un accent traînard de Parisien il se vante de ses conquêtes.

EUGÈNE DABIT, L'Hôtel du Nord,  1929, page 50. 

Ø 5. Les ordres furent transmis aux garçons dans un français dont les hésitations ou l'accent trahissaient tantôt le russe, tantôt l'anglais, tantôt l'allemand, tantôt le hongrois et tantôt un idiome inconnu.

LÉON-PAUL FARGUE, Le Piéton de Paris,  1939, page 59. 

·    Syntagmes fréquents : accent allemand, anglais, espagnol...; - berrichon, provençal...; - faubourien, léger -, fort -; - du Midi; avoir un -; parler le français sans -. 

2. ORTHOGRAPHE.  Signe graphique placé au-dessus des éléments vocaliques de base de la transcription. 

a) Soit pour en préciser la prononciation (ton en grec, hauteur et quantité en latin, timbre ouvert ou fermé et parfois quantité en français, etc.). Accent aigu*, accent grave*, accent circonflexe*; voir aussi apex : 

Ø 6. En grec, en italien, etc., la connaissance des accents (...) est extrêmement importante.

Dictionnaire de l'Académie française.  1835. 

b) Soit pour marquer des oppositions de sens (différenciation de mots distincts qui sans l'accent auraient la même transcription : a / à, ou / où, du / dû), la disparition de certaines lettres autrefois prononcées : âne, < asne, âme < anme, etc. 

Remarque : Au sens strict, accent ne désigne que les 3 signes fondamentaux communs aux fonctions a et b : aigu, grave, circonflexe; au sens large, il désigne aussi le tréma qui relève de la définition et de la fonction a. 

B.—  MUSIQUE.  

1. Augmentation de l'intensité sonore sur un temps. 

2. Accents musicaux. Signes d'accentuation, comme le point*, la virgule*, le petit soufflet* droit, le petit soufflet* couché, etc. (confer Rougnon 1935). 

II.—  Généralement au pluriel.  Traits par lesquels se distinguent et se reconnaissent ou un genre (en particulier musical), une oeuvre, un passage déterminés, ou leur présentation par une personne ou un instrument déterminés. 

A.—  [En parlant d'un genre ou d'une oeuvre] :

Ø 7.... On entendait de loin en loin quelques accents d'une chanson populaire, et, il faut l'avouer, un peu ignoble, que chantait l'un des reclus.

HENRI BEYLE, DIT STENDHAL, Le Rouge et le noir, tome 1, 1830, page 139. 

Ø 8. Que quelquefois encore, sous le ciel d'automne, dans ces derniers beaux jours que les brumes remplissent d'incertitude, assis près de l'eau qui emporte la feuille jaunie, j'entends les accens simples et profonds d'une mélodie primitive.

ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Obermann, tome 1, 1840, page 65. 

Ø 9. Toi, de même, ne fais pas attention à la manière bizarre dont je chante chacune de ces strophes. Mais, sois persuadé que les accents fondamentaux de la poésie n'en conservent pas moins leur intrinsèque droit sur mon intelligence.

ISODORE DUCASSE, DIT COMTE DE LAUTRÉAMONT, Les Chants de Maldoror,  1869, page 286. 

Ø 10. Un chant étouffé et joyeux se fait entendre dans l'air; on perçoit des échos d'orgue, de luth, d'harmonica, ou bien des voix prononçant des paroles sibyllines. Tout est animé, vivant, sonore, tous les objets parlent et chantent, l'univers s'exprime dans une langue infiniment douce, à laquelle répondent parfois des accents lugubres, glas de la nature, chanson des trépassés, sourdes menaces.

ALBERT BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve,  1939, page 170. 

·    Autres syntagmes : accents frémissants, harmonieux, mélodieux; doux -, longs -, premiers -; - de la chanson, de la Marseillaise, - de la poésie. Synonymes : air, mélodie, sons. 

B.—  [En parlant d'un artiste présentant une oeuvre]  Accents de l'aède, accents du prophète : 

Ø 11. Entendre cette réponse commencée par la plus déchirante ironie, et terminée par les accents les plus mélodieux dont une femme se soit servie pour peindre l'amour dans son ingénuité, n'était-ce pas aller en un moment du martyre au ciel?

HONORÉ DE BALZAC, La Duchesse de Langeais,  1834, page 279. 

C.—  Au singulier, rare.  [En parlant d'un instrument]  L'accent du clairon, de la cloche... : 

Ø 12. Des mots sonnaient avec un accent de clairon : « Patrie, devoir, honneur «.

MARCEL ARLAND, L'Ordre,  1929, page 373. 

III.—  Par extension et au figuré dans la langue courante. 

A.—  Inflexion particulière de la voix traduisant et permettant de reconnaître comme authentique une émotion, un sentiment : 

Ø 13. C'est qu'il y avoit dans ces voix champêtres un accent irrésistible de vérité et de conviction.

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Le Génie du christianisme, tome 2, 1803, page 295. 

Ø 14. J'ai dit que c'était le hasard. Et le procureur a noté avec un accent mauvais : « Ce sera tout pour le moment «. 

ALBERT CAMUS, L'Étranger,  1942, page 1186. 

Ø 15. Je plaide! Vous avez trouvé ce mot. Toutes les fois que je dis quelque chose avec accent et émotion, quelque chose qui me vient du coeur ou des entrailles, pour vous, je plaide!

HENRI DE MONTHERLANT, Fils de personne,  1943, III, 3, page 319. 

·    Syntagmes fréquents : 1. Accent + adjectif, exprimant une émotion, un sentiment : accent déchirant, sincère, passionné, plaintif, vrai, douloureux, ému, pathétique, désespéré, irrité, ironique...; 2. accent + de + substantif, marquant une émotion, un sentiment : accent de conviction, de vérité, de sincérité, de colère, de désespoir, de détresse, de pitié, de triomphe, de franchise, de passion, de terreur, de tristesse, de joie, de regret, etc.; 3. verbe déclaratif + avec, de + accent : dire quelque chose avec un accent de sincérité, répondre avec un accent douloureux, s'écrier avec un accent de colère, prononcer des paroles d'un accent ému... 

B.—  Ce qui donne ou a du relief; spécificité, originalité : 

Ø 16. Je me désole à penser que, plus tard, ma mémoire affaiblie ne saura plus me présenter ma sensation d'aujourd'hui, pourtant si vive, et que celle-ci, perdant toute netteté de contour, tout accent, ne m'apparaîtra plus que pareille à ces médailles dont s'est effacée l'effigie...

ANDRÉ GIDE, Journal, Feuillets d'automne, 1911, page 344. 

Ø 17. Cet instant du jour a pris un accent et une espèce de couleur déterminée qui l'empêchent de fournir un champ d'action à celle de mes pensées que je me tenais prêt à développer.

JOE BOUSQUET, Traduit du silence,  1935-1936, page 188. 

—  Locution. Mettre l'accent sur, faire porter l'accent sur... Mettre en relief, faire ressortir, insister sur tel aspect particulier : 

Ø 18. Je ne puis penser Dieu sans le penser comme recours absolu; et par là je mets l'accent sur cette relation personnelle entre Dieu et moi...

GABRIEL MARCEL, Journal métaphysique,  1920, page 255. 

STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 3 714. Fréquence relative littéraire : XIXe.  siècle : a) 5 322, b) 5 342; XXe.  siècle : a) 4 445, b) 5 717. 

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