ACTE III. LE SACRIFICE ET LA MORT DE NEARQUE. POLYEUCTE DE CORNEILLE

« D'une fureur pareille ils courent à l'autel.Cieux ! a-t-on vu jamais, a-t-on rien vu de tel ?Du plus puissant des dieux nous voyons la statuePar une main impie à leurs pieds abattue,Les mystères troublés, le temple profané,La fuite et les clameurs d'un peuple mutiné,Qui craint d'être accablé sous le courroux céleste.Félix...

Mais le voici qui vous dira le reste.PAULINE.Que son visage est sombre et plein d'émotion !Qu'il montre de tristesse et d'indignation ! SCÈNES III- V. A peine est-il entré que Pauline se jette à ses pieds et demande grâce pour un époux qu'elle tient de la volontépaternelle, Félix répond que, par un reste d'affection pour un gendre si « indigne de ce doux nom », il a retardél'exécution des lois.

Mais il a ordonné qu'on fît assister Polyeucte au supplice de Néarque.

Il espère que le spectacledes tortures subies par son complice amènera une rétractation.

Si le néophyte ne se soumet pas, le gouverneur nel'épargnera point ; car un homme politique ne doit considérer « ni le sang ni l'amitié ».

Mais Pauline, qui connaîtmieux Polyeucte, supplie son père de ne pas subordonner sa clémence à une condition qu'il est inutile d'espérer.Polyeucte est chrétien parce qu'il a voulu, dit-elle, et les chrétiens ne tremblent pas devant la mort. Tourmentés, déchirés, assassinés, n'importe,Les supplices leur sont ce qu'à nous les plaisirs,Et les minent au but où tendent leurs désirs :La mort la plus infâme, ils l'appellent martyre.

L'événement justifie ses prévisions.

Albin vient annoncer que Néarque est mort, et que son trépas n'a faitqu'augmenter dans Polyeucte le désir de mourir.

Pauline redouble alors ses instance s auprès de son père ; maisFélix la repousse.

« Allez voir Polyeucte, lui dit-il, et tâchez d'obtenir votre époux de lui-même, » — Resté avecAlbin, Félix dévoile à son confident le fond de son âme.

« Que je suis malheureux ! dit il.

On ne sait pas les mauxdont mon cœur est atteint.

» Il déclare qu'il a des sentiments généreux ; mais il ajoute : « J'en ai même de bas, etqui me font rougir.

» Il voudrait sauver son gendre, mais il craint pour lui-même : « II y va de ma charge, il y va dema vie.

» Au milieu de ces hésitations, il apprend que la ville se rebelle en faveur de Polyeucte.

Il se décide à le fairevenir au palais, avant de le livrer au bourreau, en ajoutant :Allons ! et s'il persiste à demeurer chrétien, Nous en disposerons, sans qu'on en sache rien ! Appréciation du IIIe acte.

— Dans ce troisième acte commence la transformation qui va s'opérer dans l'âme dePauline, transformation qui doit amener sa conversion.

Jusqu'ici son inclination l'a portée, malgré elle, du côté deSévère ; nature droite et généreuse, elle n'était préoccupée que de refouler et d'étouffer ce qui lui restait de cettepassion.

Maintenant que la vie de Polyeucte est menacée, elle s'écarte de Sévère pour s'attacher davantage à sonépoux.

Insensiblement le devoir entraîne l'amour après lui, et nous verrons cet amour grandir à mesure que grandirale péril de Polyeucte.

— Au point de vue dramatique, l'action se poursuit sans languir un instant.

La foi de Polyeucteva subir de terribles assauts.

S'il résiste, le dernier mot de Félix nous laisse entrevoir quel sera son sort.. »