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Action et pensée ?

Publié le 10/02/2004

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La monade, écrivait Leibniz, est « un automate incorporel qui n'a ni porte ni fenêtre et dont tout l'être est de tendre ». Par là il représentait le principe même de l'activité comme fondement de l'être. En somme s'il n'existait qu'une tendance, l'inclination qu'elle figurerait ne manquerait pas de se réaliser. En fait l'homme, dit-on, est un faisceau de tendances dont les diverses combinaisons représentent à la fois la matière et l'obstacle à ses actions véritables, conscientes, c'est-à-dire concertées, voulues.L'action dispose donc, ou plutôt doit s'accommoder d'un arsenal d'activités qui révèlent un automatisme naturel et acquis, dont la présence semble correspondre à quelque forme d'adaptation, à des habitudes prises dans des situations typiques de l'existence des espèces ou des individus. Mais l'action ne va pas sans jugement, quels que soient la rapidité, le caractère intuitif qu'elle fasse alors paraître. Par là, agir c'est constamment percevoir et s'adapter, se jeter, si l'on veut, à corps perdu en des mouvements où cependant le corps ne cesse de se sauver. C'est ainsi que le langage confond réflexe et jugement-réflexe, comme le montre bien l'appréciation portée, par exemple, sur un bon conducteur d'automobiles.Perception et adaptation, jugement quasi immédiat : voilà qui apparaît dans une forme d'activité caractéristique de tout ce que l'action comporte de structures ordonnées et qui ne cessent de s'organiser mieux, de se schématiser; cette manière d'agir fondamentale, c'est le jeu. Le jeu, (par lequel les jeunes êtres essaient, en quelque sorte, et, ,en même temps, accroissent leurs forces), est un phénomène-type dans lequel on se donne à des situations auxquelles il faut constamment faire face, en déployant toute l'habileté, la souplesse, la décision dont on est capable.

« Perception et adaptation, jugement quasi immédiat : voilà qui apparaît dans une forme d'activité caractéristique detout ce que l'action comporte de structures ordonnées et qui ne cessent de s'organiser mieux, de se schématiser;cette manière d'agir fondamentale, c'est le jeu.

Le jeu, (par lequel les jeunes êtres essaient, en quelque sorte, et,,en même temps, accroissent leurs forces), est un phénomène-type dans lequel on se donne à des situationsauxquelles il faut constamment faire face, en déployant toute l'habileté, la souplesse, la décision dont on estcapable.

C'est au cours de ces déroulements d'activité que l'action ne cesse de se faire, de se défaire et de sedéfinir.

L'affirmation de règles du jeu qui mêlent de façon précise au réel la convention et l'obligation d'avoir àtrancher, appuie et complique le jeu, l'élève pour ainsi dire d'un faire primitif à l'action la plus subtile.

En jouant, onpasse de la pratique d'une méthode spontanée — celle des essais et erreurs — à une réalisation plus étudiée, par unexercice où la conscience s'éveille et se dirige dans les voies de l'efficacité.

Aussi toute action humainesemble-t-elle, en particulier chez celui qu'on nomme homme d'action, participer d'un jeu essentiel dans lequel seretrouve le goût de l'imprévu et de la décision en des conditions où l'on s'assure de sa propre puissance, selon dessynthèses volontaires, toutes appuyées certes sur des conditionnements et des préparations antérieures, mais quilaissent place à l'inspiration.

L'homme d'action est celui qui porte avec lui ses propres assurances : il se mesure àl'obstacle, cherche les points d'application au contact desquels il se propose de ne jamais manquer d'initiative ni deliberté.

Il tente le passage et le trouve.

C'est ainsi que l'action aboutit au vouloir et, d'une certaine façon, en créeles modalités. B) Mais, si l'action est adaptation, et cela par perception, jugement et volonté, ne peut-on pas affirmer alors qu'elleest déjà tout entière pensée ? Penser n'est-ce pas à la fois vouloir et ne pas vouloir, c'est-à-dire en même tempsjuger ? Oui, sans doute; pourtant le jugement dont il est question lorsqu'il s'agit proprement de penser a ceci decaractéristique qu'il se prépare justement à travers une suspension de jugement.

Si penser c'est juger, c'est surtoutdouter.

L'action ne sait pas refuser; elle répond, modèle, refait, mais commence par accepter ce que la pensée meten doute.

C'est ici qu'apparaît la différence entre action et pensée.

Certes l'action suppose certaines formes depensée mais qui, si l'on peut dire, ne préjugent pas de la pensée elle-même : ce ne sont que des instruments del'action au même titre que les autres.

Au contraire, la pensée en elle-même est conscience et ne se réalise que partranscendance.

Elle prend sa force et son assise dans une intuition de liberté qui est aussi intuition de vérité au-delà des nécessités de l'action, au-delà de l'objet à penser et par une perpétuelle mise en cause de l'effort parlequel elle se définit.

En ce sens elle est aussi action, mais une action d'un autre ordre.

Cette action pensante, dontparlait Lagneau, est tout entière responsable d'elle-même; elle subordonne les mécanismes psychologiques et lescritères logiques dans un progrès de la conscience, au cours duquel le mot tant répété d'Aristote prend toute savaleur : la pensée c'est la pensée de la pensée.

Cela se réalise par une certaine forme d'attention où la valeur nes'apprécie plus à la mesure d'une réussite pragmatique; mais la force du jugement révèle l'intensité et l'étendue d'undomaine qu'elle éclaire seule à la lumière de l'évidence.

Cette évidence — cartésienne — qui devient la marque de lavérité est autre chose, ici, que la règle logique : elle ne cesse de déterminer le pensable dans une tension de laconscience en voie de réalisation.

Tandis que l'action se réfère à un répertoire de conduites où l'invention n'apparaîtque rarement.

(Claparède dans les Lois de la conduite ne voyait paraître l'intelligence que lorsque les « savoir-faire »s'étaient épuisés .en vain) —, la pensée véritable est une constante sollicitation du génie, menacée à tout instantpar le formalisme du verbe et les hésitations de la vie mentale.

C'est pourquoi la pensée est un art difficile, qui doitse garder de la facilité comme de l'habileté, de la lourdeur comme des subtilités d'un appareil réputé rationnel.. »

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