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L'activité du Génie de Nietzsche - explication de texte

Publié le 07/04/2012

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L'activité du génie ne paraît pas le moins du monde quelque chose de foncièrement différent de l'activité de l'inventeur en mécanique, du savant astronome ou historien, du maître en tactique. Toutes ces activités s'expliquent si l'on se représente des hommes dont la pensée est active dans une direction unique, qui utilisent tout comme matière première, qui ne cessent d'observer diligemment leur vie intérieure et celle d'autrui, qui ne se lassent pas de combiner leurs moyens. Le génie ne fait rien que d'apprendre d'abord à poser des pierres, ensuite à bâtir que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme. Toute activité de l’homme est compliquée à miracles, non pas seulement celle du génie mais aucune n’est un « miracle «. D'où vient donc cette croyance qu'il n'y a de génie que chez l'artiste, l'orateur ou le philosophe ? Qu’eux seuls ont une « intuition « ? Les hommes ne parlent intentionnellement de génie que là où les effets de la grande intelligence leur sont le plus agréables et où ils ne veulent pas d'autre part éprouver d'envie. Nommer quelqu'un « divin « c'est dire : « ici nous n'avons pas à rivaliser «. En outre : tout ce qui est fini, parfait, excite l'étonnement, tout ce qui est en train de se faire est dépréciée Or personne ne veut voir dans l'oeuvre de l'artiste comment elle s'est faite ; c'est son avantage, car partout où l'on peut assister à la formation, on est un peu refroidi. L'art achevé de l'expression écarte toute idée de devenir ; il s'impose tyranniquement comme une perfection actuelle. Voilà pourquoi ce sont surtout les artistes de l'expression qui passent pour géniaux, et non les hommes de science.

Le terme de génie décliné dans l’exclamation « c’est génial ! « fait parti des mots dont le sens s’est dégradé à cause d’un usage abusif. Traditionnellement le terme était réservé à ceux qui étaient bénis des dieux, dotés d’une force vitale exceptionnelle, les grandes âmes. Le déplacement actuel invite demander qui est génial, si l’artiste est le seul à mériter cette désignation ou s’il faut élargir la catégorie.

Nietzsche offre une version extensive : le génie c’est celui qui cible son action. Dès lors, le terme renvoie à la totalité des activités humaines en train de se faire, ce qui démystifie la particularité artistique. Cette thèse est posée en deux temps ...

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« A l’opposé, Nietzsche adopte une approche plurielle du « génie » puisqu’il voit son influence autant dans « l’activité de l’inventeur en mécanique » que dans ce lle « du savant astronome ou historien, du m aître en tactique ».

Il n’y a aucune mention de l’artiste, cette absence est révélatrice d’un déplacement conceptuel : le génie n’est pas réservé au domaine esthétique mais concerne toute démarche intellectuelle. D’ailleurs, les exemples choisis par Nietzsche confirment cet élargissement : la « mécanique » concerne la technique, l’ « astronom[ie] » et l’ « hist[oire] », la science de l’univers et celle des hommes et enfin la « tactique » la stratégie.

Autant dir e que ces exemples sont tous ancrés dans le réel concret et qu’ à partir de la description fidèle des faits, le chercheur génial propose soit une abstraction à travers des lois générales qui permettent de penser le réel soit une transformation de ce réel p our l’améliorer.

Le génie a un impact sur le monde. Pourtant, cette thèse ne va pas de soi parce qu’elle est tellement large qu’elle en devient indéterminée : toute action porte t -elle la marque de la génialité ? C’est pour répondre à cette difficulté que Nietzsche propose quatre conditions de lecture qui valident la thèse : 1.

« si l’on se représente des hommes dont la pensée est active dans une direction unique ».

Il y a génie lorsqu’il y a une finalité ; ce qui exclut le hasard .

2.

si on se figure des ho mmes « qui utilisent tout comme matière première ».

il n’y a pas de domaine réservé .

3.

si on imagine des hommes « qui ne cessent d’observer diligemment leur vie intérieure et celle d’autrui », efficacité dans la démarche et volonté de réussir qui rend néc essaire la connaissance des hommes ; ce qui exclut la tour d’ivoire .4.

Si on les voit « qui ne se lassent pas de combiner leurs moyens ».

Il y a génie lorsqu’il y a recours à une méthode originale et sans cesse renouvelée , ce qui exclut le maniérisme .

Ces quatre conditions se superposent à la théorie des quatre causes fixées par Aristote.

Dans la Métaphysique (I.3.

983a), Aristote énonce quatre manières de répondre à la question pourquoi : par la cause formelle, matérielle, efficiente et finale.

Ainsi, dans le cas d’une sculpture, il y a sa forme (ce qu’elle représente), sa matière (le bronze), son efficience (le sculpteur) et sa finalité (le but fixé par l’artiste).

Ce rapprochement entre le texte et la classification aristotélicienne confirme q ue le génie est celui qui cause et qu’il y a différentes manières de faire : ainsi, le mécanicien vise l’efficacité par l’invention, l’astronome vise la représentation complète de l’univers, par le calcul et l’observation l’historien la connaissance du passé par l’enquête et le tacticien, la victoire par l’affrontement réel.

Chez tous, ce qui compte, c’est le processus de production mis au centre de leur vie.

Si le génie a une spécialisation, il ne la sépare pourtant pas de sa vie.

Le texte répète d’ailleurs avec insistance le lien intime entre le génie et l’activité ; cela sous – entend que la passivité, l’obéissance respectueuse, le manque de curiosité ou encore la paresse intellectuelle sont ici exclus. De surcroît, à la ligne 6, Nietzsche donne une seconde justification de sa thèse sous la forme d’une métaphore : « le génie ne fait rien que d’apprendre d’abord à poser des pierres, ensuite à bâtir, que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme ».

Cette métaphore reprend les quatre causes déjà énoncées mais sous une forme imagée.

Agir avec génie, c’est bâtir. Le symbole est cohérent parce qu’il structure habituellement notre représentation de la pensée, sa compréhension est donc directe puisque nous assimilons les idées à des matériaux, la logique à l’architecture et les théories à des bâtiments.

Ainsi, conventionnellement, nous disons d’une conjoncture qu’elle est fondée, jouant sur le rapprochement entre les fondements intellectuels et les fondations matérielles.

L’image rejoint donc notre expérience quotidienne mais sans doute n’est -elle là que pour dénoncer sa cohérence simplificatrice. En effet, la cohérence de la métaphore masque une difficulté de lecture puisque tout à la fois Nietzsche minimise le travail du génie ( « ne fait rien que ») et lui assigne une tâche ardue et. »

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