l'actualité fait-elle partie de l'Histoire ?

« Lucrèce nous montre que l'évènement passé, même quand il a eu lieu, n'a pas eu d'existence propre : il n'était qu'unaccident, un effet contingent du hasard des rencontres.

Les évènements de l'actualité ont ce caractère de vacuité,d'évanescence : la perpétuelle génération de l'actualité rend évanescent les évènements qui la composent. b.

L'histoire, domaine des évènements révolus A l'inverse, l'histoire est le domaine non du présent, mais du passé, et non de tout le passé, mais d'un certain typed'évènements : ceux qui ont eu une influence sur l'avenir.

Ainsi la valeur d'un évènement passé s'établit toujours auregard du futur, de ses conséquences à venir, de sorte que ce qui est advenu à pu montrer toutes lesconséquences qu'il portait en puissance.

Pour préciser notre concept d'histoire, nous dirons qu'entendue commediscipline historique, elle porte nécessairement sur le passé.

En effet, une histoire ne peut être conçue que pour autant que des documents écrits ont été consignés.

Une enquête historique suppose de disposer de documents,d'archives : elle dépend de l'écriture, qui seule permet d'accéder à la pensée des peuples du passé.

Dans le casd'histoire du passé lointain (archéologie, paléontologie) l'historien utilise des traces non écrites, qui ont pour nom« vestiges ».

Cependant, quelle que soit le type d'histoire que l'on prend en considération, c'est toujours au passéqu'elle se rapporte.

L'histoire, en effet, est ce qui s'appuie sur des documents, des faits, pour nous donner àconnaître ce qui a eu lieu.

A la lumière de ces précisions conceptuelles, nous pouvons donner une réponse claire etdéfinitive à la question qui nous occupe : l'actualité ne saurait faire partie de l'histoire, car l'actualité appartient auprésent, l'histoire au passé, de sorte qu'actualité et histoire se tiennent dans deux espaces temporels imperméables.Les mécanismes conduisant à la génération de l'une ne sauraient avoir d'influence sur l'autre. II.

Cependant, l'histoire est générée par de l'actualité révolue a.

Une histoire de l'actualité passée Cependant, nous ne pouvons en rester à une telle thèse qui repose précisément sur l'idée erronée de l'altérité del'actualité et de l'histoire.

Regardons un peu mieux ce qui fait l'histoire.

L'histoire est faite d'évènements passés quiont revêtu non seulement une importance au moment de leur production, mais dont l'importance s'est accrue avecle temps qui a prouvé l'étendue de leurs conséquences.

Par exemple, la découverte de l'énergie atomique a eu uneimportance immédiate, qui ne s'est toutefois mesurée pleinement qu'avec le temps qui a montré toutes lesconséquences de l'invention : bombe atomique, guerre froide, équilibre de la terreur, nucléaire civile… Mais il fautbien voir que ces évènements dont l'histoire s'occupe et garde la trace sont en vérité de l'ancienne actualité, del'actualité qui fut présente, dont toute l'importance n'était sans doute pas distinguée sur le moment, mais qui s'estnéanmoins avérée, précisée avec le temps.

Nous dirons donc qu'il n'y a pas lieu de distinguer comme nous le faisionsentre actualité et histoire, en reléguant l'une dans le présent, l'autre à l'étude du passé marquant, car le passé donts'occupe la discipline historique a nécessairement été, en son temps, une actualité.

L'actualité fait partie del'histoire, non comme actualité contemporaine de l'historient, mais à titre d'actualité révolue, d'évènements quifurent présents mais dont l'importance se mesure encore aux effets qu'ils ne cessent de produire.

A ce titre, nouspouvons dire que l'actualité qui fait partie de l'histoire est une actualité sélectionnée par l'historien, qui a fait l'objetd'un tri en fonction de critères axiologiques.

En effet, il a fallu que l'historien décide d'un aspect de l'actualité qu'ilétait important, signifiant, pour qu'il décide d'en faire l'histoire.

A ce titre, nous pouvons dire que l'actualité qui faitpartie de l'histoire évolue avec le temps et les valeurs.

Alors que seuls des évènements comme les guerrespouvaient autrefois intéresser les historiens, ceux-ci s'intéressent à d'autres objets d'études, autrefois considéréscomme marginaux (pensons à l'histoire des odeurs d'Alain Corbin : Le miasme et la jonquille ). b.

Les évènements marquants de notre actualité sont les inflexions de l'histoire Mais allant plus loin, nous pouvons montrer que l'actualité fait nécessairement partie de l'histoire, car lesmécanismes de production de l'une sont aussi les mécanismes de production de l'autre.

Actualité et histoire ne setiennent pas dans deux dimensions imperméables l'une pour l'autre, dans la mesure où l'histoire peut bel et bien êtreconsidérée comme ce qui est généré, non par l'actualité, mais par un certain type d'actualité.

En effet, nous avonsvu que l'actualité était de manière indifférente tout ce qui advient dans le présent.

Mais il y a des évènementsd'actualité plus marquants dans le présent qui deviennent à leur tour des évènements historiques et influent sur ledevenir historique.

Nous pouvons prendre à ce propos l'exemple de Marx, qui pour écrire le Capital , ouvrage. »