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Adolphe, Benjamin constant

Publié le 22/02/2012

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Adolphe est une oeuvre particulière, loin des méandres lyriques de son époque. Le style est superbement élégant, bien que l'on ne retrouve pas les épanchements lyriques que l'on rencontre par exemple dans Les souffrances du jeune Werther, de Goethe : Constant ne fait pas référence à la nature, ni vraiment à Dieu. Il se livre dans ce roman à une analyse psychologique et sociologique où le sentiment amoureux est décortiqué dans ses mécanismes les plus secrets. Et c'est pourquoi cette oeuvre est splendide : elle ne s'attache pas seulement à confronter un amour à une réalité tragique, comme celui d'Ellénore, il met un homme au coeur vide face à la condition même de la passion : peut-on la refuser et vivre seul en se sachant aimé avec passion ?

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« les plaisirs dans la souffrance que lui procure Ellénore.

Pourtant le Chapitre V sonne déjà le glas des revers de lapassion : Ellénore quitte son mari, perd à jamais sa réputation et abandonne ses enfants pour suivre Adolphe.Quelque chose se brise alors dans le cœur des amants : « Tout contribuait à froisser son âme et à blesser sa fierté[…] Nous parlions d'amour, mais nous parlions d'amour de peur de parler d'autre chose.

Dès qu'il existe un secretentre deux cœurs qui s'aiment (…) le charme est rompu, le bonheur est détruit ».

Si les chapitres précédentsétaient une montée en puissance du sentiment amoureux, le Chapitre V, exactement au milieu de la structure, enest à la fois l'acmé et le point de chute inévitable : dès lors ce ne seront que malheurs et souffrances pour les deuxamants éplorés.

Nous notons la rigueur et la finesse de la structure de Constant : le roman se compose de deuxmouvements, le premier ascendant et le second sous forme d'une lente descente aux enfers.

Elle, souffre de lasolitude mais n'ose se plaindre d'une douleur dont elle se sait la seule cause ; lui, se sent redevable de son geste etne se croit pas la force de l'abandonner.

Au chapitre VI, Adolphe comprend qu'il n'aime plus sa compagne :« Ellénore, m'écriais-je, revenez à vous, revenez à moi ; je vous aime d'amour, de l'amour le plus tendre, je vousavais trompé pour que vous fussiez plus libre de votre choix.

» Crédulité du cœur, vous êtes inexplicables ! […] Elleme crut, (…) et je me vis plus engagé que jamais », son seul objectif est de briser cette relation bancale.

LeChapitre VII est construit sur le même modèle : la jeune femme désespérée refuse d'admettre que leur amour s'estenfui ; Adolphe, quant à lui, s'enferme dans une solitude amère.

Constant nous propose une véritable dissection dela relation amoureuse, ou devrions-nous dire « autopsie », tant cet amour parait mort.

Dans les Chapitres VIII et IX,Adolphe prend définitivement la décision de se séparer d'Ellénore, mais sa trop grande sensibilité, ou peut-être salâcheté font échouer chacun de ses projets : « J'étais arrivé auprès d'elle, décidé à tout lui dire.

Accusé par elle, lecroirait-on ? je ne m'occupais qu'à tout éluder.

Je niais même, oui, je niai ce jour-là ce que j'étais déterminé à luidéclarer le lendemain ».

Pourtant ses résolutions ne le quittent pas, il se sent enfin libéré de l'emprise d'un amourtrop large pour ses épaules : « (…) on pouvait regarder mes liens avec Ellénore comme brisés pour jamais ».Malheureusement, la mort prématurée de la femme ne laissera jamais à Adolphe l'occasion de lui expliquer de vivevoix comment il concevait leur relation.

L'issue du roman est tragique : Ellénore meurt de chagrin après avoirdécouvert une lettre d'Adolphe disant à un ami qu'il avait l'intention de la quitter.

Elle lui écrit une lettre, qu'il liraaprès sa mort : « Eh bien, vous serez content ; elle mourra, cette pauvre créature que vous avez protégée, maisque vous frappez à coups redoublés.

Elle mourra, cette importune Ellénore, (…) que vous regardez comme unobstacle.

[…] Et peut-être un jour froissé par ces cœurs arides, vous regretterez ce cœur dont vous disposiez, quivivait de votre affection, qui eût bravé mille périls pour votre défense, et que vous ne daignez plus récompenserd'un regard ».

Ainsi s'achève le roman, sur un mot de reproches passionnés. Mais le roman se nomme bien Adolphe , et non Ellénore : en fait, ce dernier va tomber dans le piège qu'il a lui- même tendu.

Son personnage apparaît d'abord comme peu sympathique aux yeux de certains intervenants : sonaventure amoureuse, il choisit de la vivre comme un jeu.

Il est surtout désireux de « se faire les griffes » et envie lesuccès de l'un de ses amis qui lui a confié ses succès amoureux.

Tel Don Juan, ce qui l'intéresse le plus c'est lachasse elle même, bien plus que la prise.

Ellénore qui est la maîtresse d'un homme riche plus âgée qu'elle ne tombepas immédiatement dans les filets du séducteur.

Elle joue, elle aussi, un jeu ambigu entre plusieurs admirateurs.

Ledésir qu'éprouve Adolphe à ce moment est attisé par la difficulté de l'entreprise et il peut ainsi croire qu'il l'aimeréellement.

Mais quand Ellénore tombe éperdument amoureuse de lui, c'est alors qu'il commence à s'en détacher.

Ilse sent englué, ligoté et a mauvaise conscience...

Il veut rompre mais il n'en a pas le courage.

Adolphe est donclucide, bien que veule : « J'attribuai mes indécisions à un sentiment de délicatesse qui me défendait de consentir àce qui bouleverserait sa situation ».

Adolphe peut paraître antipathique, mais il est simplement humain : chacunpeut se reconnaître en lui, dans ses lâchetés comme dans ses contradictions.

Alors que le héros romantique typiqueest entier, lui est profondément divisé.

Il est emplit de préjugés de classe et de préjugés sexistes, hérités de sesproches et notamment de son père : « J'avais dans la maison de mon père, adopté sur les femmes un système assezimmoral...

toutes les femmes, aussi longtemps qu'il ne s'agissait pas de les épouser, lui paraissaient pouvoir, sansinconvénients, être prises, puis être quittées; et je l'avais vu sourire avec une sorte d'approbation à cette parodied'un mot connu: cela leur fait si peu de mal, et à nous tant de plaisir! ».

Cette éducation explique sans doutel'impuissance d'Adolphe à aimer vraiment.

La passion ne semble plus être qu'une histoire de responsabilité.

Il ne vitpas la pureté et la contradiction des sentiments d'Ellénore : il les envisage toujours dans un contexte d'influencesrespectives et de devoirs.

A travers la forme du journal intime, Constant tend à nous présenter un personnageuniversel : car ce livre s'inscrit mal dans la lignée classique, les passions romantiques sont toujours présentéescomme sublimes (et sublimées au sens freudien), mais il n'est question dans Adolphe que de du jeu subtil du désir, de la culpabilité et de l'amour propre.

Constant voit la passion comme un jeu cruel, humain, mais trop incertain pourêtre universel.

Ellénore et Adolphe ne jouaient manifestement pas le même jeu…Adolphe aurait sans doute voulu y. »

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