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Agir spontanément, est-ce agir librement ? (ou la spontanéité est-elle une marque de liberté ?)

Publié le 07/02/2004

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IntroductionEst-ce un sot? Est-ce le plus libre des hommes? La spontanéité totale dont fait preuve le héros de L'Idiot de Dostoïevski trouble tous ceux qu'il côtoie et les fait hésiter entre mépris et vénération. Cette figure littéraire nous invite à nous demander si la spontanéité est ou non une marque de liberté.La compréhension commune du mot « spontanéité » nous incite plutôt à répondre positivement à cette question; mais si l'on se place, comme nous le ferons dans un second temps, du point de vue de la définition philosophique de la liberté, la simple spontanéité semble devoir être subordonnée à la raison. C'est pourquoi il conviendra enfin de revenir sur la notion de « marque » pour mieux éclairer le rapport de la spontanéité à la liberté, en replaçant ces notions dans le cadre de la temporalité existentielle. I. La spontanéité est une marque de liberté.Être spontané, c'est donner « libre cours » à ses sentiments ou à ses pensées; il semble donc qu'on ne puisse trouver un meilleur signe de la liberté.* L'individu spontané est libre à l'égard des convenances sociales Encore faut-il préciser en quoi et de quoi l'individu spontané est libre.

« "Pour ma part, je dis que cette chose est libre qui existe et agit par la seule nécessité de sa nature, et contraintecette chose qui est déterminée par une autre à exister et à agir selon une modalité précise et déterminée.

Dieu, parexemple, existe librement (quoique nécessairement) parce qu'il existe par la seule nécessité de sa nature.

De mêmeencore, Dieu connaît soi-même et toutes choses en toute liberté, parce qu'il découle de la seule nécessité de sanature qu'il comprenne toutes choses.

Vous voyez donc que je ne situe pas la liberté dans un libre décret, maisdans la libre nécessité." Spinoza.Il s'agit de définir la liberté.1) En opposant liberté & contrainte, et en associant liberté et nécessité.

La liberté se situe dans "la libre nécessité".2) Ainsi, Dieu est libre en tant qu'il existe "par la seule nécessité de sa nature". C'est une définition de la liberté que Spinoza reconnaît sienne: "Pour ma part, je dis que".

Mais ce "je dis que" estune simple limite de courtoisie.

Il faut entendre que Spinoza donne la définition de la liberté, telle qu'il l'entend àl'intérieur de son système philosophique, telle qu'on doit l'entendre, pour comprendre sa doctrine et surtout tellequ'elle lui apparaît comme juste. 1)Tout d'abord, et c'est d'emblée le centre même de la position de Spinoza, la notion de liberté est à comprendredans sa distinction d'avec la notion de contrainte.

Plus simplement, la notion de liberté est à opposer à la notion decontrainte (et non à celle de nécessité).

D'où, d'un point de vue stylistique, la construction symétrique: "je dis quecette chose est libre [...], je dis que cette chose est contrainte".

Construction symétrique qui oppose une chosequi existe et agit(du côté de la liberté) à une chose qui est déterminée (du côté de la contrainte).Plus précisément d'un côté l'autonomie ( "par la seule nécessité de sa nature"), de l'autre l'hétéronomie ("par uneautre [chose] à exister et à agir").

Notons en passant que la notion d'existence, renvoie aussi bien à "l'existencenécessaire par essence" (cad liberté) qu'à "l'existence nécessaire par causalité externe" (cad déterminisme).

Quantà agir, il s'agit non pas d'une action finalisée, mais d'une production immanente à la Nature. Autrement dit, de l'extérieur et à première vue, on peut ne voir guère de différence: une chose (quelle qu'elle soit)existe et agit -et ceci qu'elle soit libre ou contrainte...

Mais dès qu'on pousse l'investigation en se posant laquestion de savoir ce qui fait exister et agir une telle chose, une classification s'impose -et une différence éclate.Soit la chose existe et agit par elle-même ("par la seule nécessité de sa nature"), soit la chose n'existe et n'agit quepar "une autre [chose]".

D'un côté la liberté, de l'autre la contrainte. Dans le texte de Spinoza, il est bien clair que la nécessité, loin de s'opposer à la liberté, est du côté de la liberté,qu'elle est un élément de la définition de la liberté.

Ce qui conduit à mieux expliciter la notion.D'une part, la liberté s'oppose à la contrainte.

D'autre part la liberté, au sens spinoziste, se distingue du libre arbitre("je ne situe pas la liberté dans un libre décret").

Lorsque traditionnellement, antérieurement à Spinoza, on opposeliberté et nécessité, c'est qu'on entend alors par liberté la notion de libre arbitre.Ce n'est nullement le cas de Spinoza, puisque, bien au contraire, une grande partie de sa démarche consiste à aiderses lecteurs à se séparer de l'illusion du libre arbitre.

Ici, dans la lettre à Schuller, il s'agit d'un simple rappel deposition , d'un simple rappel de doctrine.

Et l'on peut d'ailleurs, sans beaucoup se tromper, supposer que Schullerconnaît bien cette doctrine, qu'il a lu des textes de Spinoza, ou peut-être même qu'il a reçu de Spinoza des "bonnespages" de l' "Ethique".D'où l'aspect si resserré du texte, si contesté et abstrait.

Mais on ne peut manquer de rappeler ici, pour le moins,l'appendice à la partie 1 de l' "Ethique" où Spinoza dénonce l'illusion finaliste et la croyance au libre arbitre: "Les hommes se croient libres parce qu'ils ignorent les causes qui les disposent à désirer età vouloir." 2) La notion de liberté, comme autonomie, cad nécessité interne ("nécessité de sa nature") est l'occasion pourSpinoza d'aborder la notion de Dieu.Car on devine l'objection possible que le lecteur peut se faire.

A peu près de la manière suivante: acceptons ladéfinition d'une chose comme libre si elle existe "par la seule nécessité de sa nature".

Mais accepter cette définition,ce n'est pas reconnaître qu'une telle chose libre soit.

Il n'y a peut-être nulle part une telle chose "qui existe etagisse par la seule nécessité de sa nature."Comme s'il pressentait cette objection, Spinoza "présente" cette chose libre: Dieu.

En rappelant sa définition,comme on la trouve dans l' "Ethique": "Il existe nécessairement; il est unique; il est & il agit par la seule nécessitéde sa nature" (Appendice à la partie 1) ou encore dans la proposition 17 (où se joue la distinction d'avec lacontrainte): "Dieu agit d'après les seules lois de sa nature et sans être contraint par personne." Et Spinoza redouble ("de même encore") son exposé.

Tout abord, Dieu existe librement; ensuite, Dieu connaîtlibrement, en rendant identique l'essence de l'Etre (l'existence de Dieu) et la connaissance absolue (la connaissancequi est celle de Dieu).Sans avoir à développer la relation entre essence et connaissance, ce qu'il est important de voir ici, c'est que, àchaque fois, Spinoza pose l'identité de la liberté et de la nécessité.

Est libre Dieu, qui, comme "causa sui", comme sapropre cause, est nécessaire de lui-même.

Est connaissance libre, cad absolue et non-relative, la connaissancenécessaire.

A tel point que Spinoza va jusqu'à rapprocher les deux termes en parlant de "libre nécessité".

Notion denécessité qui s'applique à Dieu (Dieu est auto-nécessité, comme "cause de lui-même") et qui s'oppose à la fantaisie. »

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