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L'Agonie de La Voie Royale, Malraux

Publié le 29/07/2010

Extrait du document

malraux

[« Le visage a imperceptiblement cessé d’être humain «, pensa Claude. Ses épaules se contractèrent ; l’angoisse semblait inaltérable comme le ciel au-dessus de la lamentation funèbre des chiens qui se perdait maintenant dans le silence éblouissant : face à face avec la vanité d’être homme, malade de silence et de l’irréductible accusation du monde qu’est un mourant qu’on aime. Plus puissante que la forêt et que le ciel, la mort empoignait son visage, le tournait de force vers son éternel combat. « Combien d’êtres, à cette heure, veillent de semblable corps ? « Presque tous ces corps, perdus dans la nuit d’Europe ou le jour d’Asie, écrasés eux aussi par la vanité de leur vie, pleins de haine pour ceux qui au matin se réveilleraient, se consolaient avec des dieux.] [Ah ! qu’il en existât, pour pouvoir, au prix des peines éternelles, hurler, comme ces chiens, qu’aucune pensée divine, qu’aucune récompense future, que rien ne pouvait justifier la fin d’une existence humaine, pour échapper à la vanité de le hurler au calme absolu du jour, à ces yeux fermés, à ces dents ensanglantées qui continuaient à déchiqueter la peau !... Echapper à cette tête ravagée, à cette défaite monstrueuse ! Les lèvres s’entrouvraient.]  [« Il n’y a pas… de mort… Il y a seulement… moi…  Un doigt se crispa sur la cuisse.  …moi…qui vais mourir… «  Claude se souvint haineusement, de la phrase de son enfance : «Seigneur, assistez-nous dans notre agonie… « Exprimer par les mains et les yeux, sinon par les paroles, cette fraternité désespérée qui le jetait hors de lui-même ! Il l’étreignit aux épaules.  Perken regardait ce témoin, étranger comme un être d’un autre monde.]    ▬▬▬▬▬▬▬▬    André Malraux est né en 1901 et mort en 1976. Ecrivain, homme politique et aventurier français, il a d'abord fait connaissance avec l'Asie comme étudiant à l'École des langues orientales. En 1923, il part pour l'Extrême-Orient où, jusqu'en 1927, il participe à des expéditions archéologiques, n'hésite pas à se mêler aux combats qui agitent la Chine d'alors sous les couleurs du Kuomintang. Il rapporte alors son expérience asiatique dans plusieurs romans : La Condition humaine qui lui vaut le prix Goncourt en 1933, Les Conquérants (1928), et La Voie royale (1930) qui nous étudions ici.    ▬▬▬▬▬▬▬▬    Présentation de La Voie Royale    La Voie Royale est le roman le plus autobiographique de Malraux. Le personnage du jeune archéologue Claude Vannet peut être considéré comme un double de Malraux. Le livre se présente d’abord comme un roman d’aventures qui raconte l’expédition de deux européens dans la jungle indochinoise ; d’abord à la recherche de sculptures qu’ils veulent ramener en Europe, ils veulent ensuite partir à la reconquête du « royaume « de Perken. Mais le roman dépasse finalement largement le cadre de la simple aventure, son ambition est beaucoup plus fondamentale. Il s’agit pour Malraux non plus seulement de distraire le lecteur, mais de le faire réfléchir sur sa condition humaine et sur ses enjeux. Le roman peut être considéré jusqu’à un certain point comme la matrice de toute l’œuvre de Malraux, car il y développe les obsessions fondamentales de nos terres. Au premier chef on trouve un sentiment tragique de la vie avec l’obsession de la mort. Elle y apparait dans toute son étendue : une présence qui détruit les individus, mais également les productions de l’homme. Le roman esquisse enfin la réponse que Malraux va tenter d’apporter au tragique de la condition humaine, c’est donc également celle de Claude au début du roman : l’homme peut combattre provisoirement la toute puissance de la mort, Malraux dira « L’art est un antidestin «. Selon Malraux, et également selon Perken, le destin regroupe toutes les formes de l’impuissance humaine. Selon ces deux hommes, être homme c’est lutter contre le destin. L’art est alors le seul moyen d’éterniser l’homme, et de vaincre le destin.    Situation du passage    L’archéologue Claude Vannec, venu en Indochine pour connaitre l’aventure et échapper ainsi à l’ennui qui ronge les sociétés européennes, a fait la connaissance d’un aventurier nommé Perken qui l’a entrainé dans une dangereuse expédition en pleine jungle indochinoise au milieu des tribus insoumises. Au cours des aventures et des dangers affrontés ensemble, une forte amitié s’est nouée entre les deux hommes, faite de complicité, d’obsessions partagées et d’estime réciproque. Blessé au genou lors d’une expédition, Perken est atteint d’une septicémie (maladie du sang) qui, en pleine jungle, va l’emporter dans les heures qui viennent. Nous assistons à son agonie à travers le regard de Claude, confronté pour la première fois de son existant à la mort d’un « mourant qu’on aime «.    Plan du texte    Prise de conscience de l’absurdité de la condition humaine  Brève révolte contre cette absurdité  Retour à la réalité, Claude face à l’agonie    Plan d’explication    I] Les manifestations du tragique  II] La lutte contre le tragique    ▬▬▬▬▬▬▬▬    LA MANIFESTATION DU TRAGIQUE    Le tragique de la souffrance    La souffrance physique  Elle défigure Perken.    La souffrance morale  Celle de Perken vient du fait que la mort ne ressemble pas à ce qu’il attendait. On le voit grâce à l’italique, aux points de suspension, il ne trouve pas les mots (souffrance morale), ou ne peut pas articuler (souffrance physique).  Celle de Claude vient du fait qu’il est tenaillé par une angoisse qu’il ne peut pas exprimer. Cela débouche sur la méditation de la mort universelle.  La souffrance renvoie à une défaite, face à face avec la mort, c’est elle qui gagne, l’homme perd moralement et physiquement.  On trouve un sentiment de solitude, d’enfermement des deux protagonistes, aucun des deux ne parvient à communiquer avec l’autre. Claude veut rétablir la fraternité avec Perken, mais n’y parvient pas. Claude ne peut exprimer ses sentiments par la parole, pour lui Perken n’est plus qu’un corps déshumanisé par la souffrance. Claude n’est plus qu’un témoin anonyme pour Perken.    Le tragique de l’absurde    L’absurde, c’est l’absence de sens là où il devrait être.    Par la méditation  Claude se trouve confronté à cette agonie, à l’absurdité de la condition humaine qui est élargie à tous les hommes. Cette conscience tragique débouche sur une accusation du monde : le spectacle d’un « mourant qu’on aime « débouche sur une condamnation.  Cette conscience de l’absurdité de la vie se voit aussi chez Perken, il prend conscience que la mort n’est pas une puissance redoutable et extérieure qu’il pourrait défier, mais quelque chose d’intérieur à l’homme contre lequel on ne peut rien faire. Il découvre que depuis sa naissance, l’homme n’est destiné qu’à la mort. C’est le caractère très banal de cette découverte, et en même temps intolérable, que tente d’exprimer l’italique en lui ajoutant la solennité des dernières paroles.  Cette conscience du tragique de l’absurdité du monde est contagieuse et se communique au lecteur. Premièrement par la méditation de Claude qui universalise sa prise de conscience à « tous ces corps perdus « qui découvrent trop tard qu’ils ont été victimes d’une formidable illusion : l’idée que la vie avait un sens et que des dieux (quels qu’ils soient) veillaient sur eux.    Par le spectacle de l’agonie de Perken  Le texte souligne l’absence de toute communion entre l’homme et le monde. L’agonie de Perken et l’angoisse de Claude ne trouvent aucun écho ou miroir dans le monde extérieur. L’indifférence de la nature de l’homme, ici la mort de Perken, se heurte à sa magnificence. L’absurde vient de ce que l’angoisse de l’homme trouve en face d’elle : non pas un mur mais un vide. Le silence éblouissant le symbolise : silence de dieu face aux prières des hommes. Le texte se trouve donc dominé par l’angoisse très Pascalienne de l’homme moins devant la mort que devant l’absurdité de la condition humaine.    LA LUTTE CONTRE LE TRAGIQUE    Résistance    Physique  Claude se recroqueville pour se protéger.    Psychique  Ici Claude tente de transformer une expérience douloureuse, la mort d’un ami, en une conscience de cette mort et de ce qu’elle signifie, c’est une attitude pascalienne (= fragilité mais grandeur, Pascal voit l’homme minuscule devant l’univers, le cosmos, la mort, mais en même temps plus grand que tout cela car il peut y penser). Réfléchir, c’est alors réussir à poser des limites à la souffrance car on la comprend. C’est toute la tentative de Claude dans le texte, notamment avec la généralisation qui lui permet d’affronter cette épreuve douloureuse.    Révoltes    Défi  Claude demande que les dieux existent pour pouvoir les blâmer quitte à en payer le prix : l’enfer Je veux bien aller en enfer si les dieux existent.    Outrance  Claude hurle, blasphème.    Négation  Répétition de marques de négations qui traduisent sa haine, sa déception.    Fraternité    Pour Malraux, la fraternité est le lien le plus fondamental entre les hommes ; c’est un lien asexué, une communication avec l’autre autour d’une émotion forte, qui ne passe pas par des paroles mais par des gestes. Cette fraternité se perçoit ici dans le désarroi de Claude qui veut rompre l’isolement qui le rend malade, il tente de fixer Perken mais celui-ci a les yeux fermés, il l’étreint mais il est devenu un étranger pour son ami.    è Lyrisme    C’est une création poétique qui est le moyen d’exprimer et de dépasser le tragique, (par exemple, une douleur qui se chante est une douleur qui s’apaise). On trouve plusieurs signes de lyrisme dans le texte :  l’animation du récit avec des questions, des exclamations, des souhaits, des infinitifs  l’élargissement spatio temporel avec un éloignement : Claude et Perken sont tout petits dans la forêt débordante de vie, puis dans la Terre entière, et enfin dans l’univers, cela malgré le décalage horaire, et la mort qui paraît éternelle  la dramatisation du récit avec les lamentations des chiens et la prière chrétienne des agonisants    ▬▬▬▬▬▬▬▬    CONCLUSION    Ce texte constitue la dernière page de La Voie Royale. Il beigne dans une lumière pascalienne de dramatisation de la mort, qui obsède Malraux ; mais l’intention n’est évidemment pas celle de Pascal. Chez Pascal l’intention est apologétique, il s’agit d’obliger le lecteur à regarder la mort en face pour l’amener ou le ramener à Dieu. Chez Malraux, il s’agit de regarder la mort en face, mais cela pour vivre et non pour mourir. La mort de Perken oblige Claude, qui est son témoin, à prendre conscience de la condition humaine caractérisée par ses limites, et le sentiment d’impuissance de l’homme. La mort de Perken contraint également Claude à prendre conscience que la vie choisie par Perken pour combattre son absurdité est vouée à l’échec : il n’y a dans le texte aucune exaltation du héros. La mort reste ce qu’elle est : ignoble, sable, dégradante. Le texte montre enfin le refus de Claude à s’avouer vaincu, et sa volonté de chercher par tous les moyens à combattre le tragique de l’existence humaine par la révolte, la fraternité et la poésie, qui lui apparait comme le plus sur moyen d’arracher quelque chose à la mort.

malraux

« I] Les manifestations du tragiqueII] La lutte contre le tragique LA MANIFESTATION DU TRAGIQUE Le tragique de la souffrance La souffrance physiqueElle défigure Perken. La souffrance moraleCelle de Perken vient du fait que la mort ne ressemble pas à ce qu'il attendait.

On le voit grâce à l'italique, auxpoints de suspension, il ne trouve pas les mots (souffrance morale), ou ne peut pas articuler (souffrance physique).Celle de Claude vient du fait qu'il est tenaillé par une angoisse qu'il ne peut pas exprimer.

Cela débouche sur laméditation de la mort universelle.La souffrance renvoie à une défaite, face à face avec la mort, c'est elle qui gagne, l'homme perd moralement etphysiquement.On trouve un sentiment de solitude, d'enfermement des deux protagonistes, aucun des deux ne parvient àcommuniquer avec l'autre.

Claude veut rétablir la fraternité avec Perken, mais n'y parvient pas.

Claude ne peutexprimer ses sentiments par la parole, pour lui Perken n'est plus qu'un corps déshumanisé par la souffrance.

Clauden'est plus qu'un témoin anonyme pour Perken. Le tragique de l'absurde L'absurde, c'est l'absence de sens là où il devrait être. Par la méditationClaude se trouve confronté à cette agonie, à l'absurdité de la condition humaine qui est élargie à tous les hommes.Cette conscience tragique débouche sur une accusation du monde : le spectacle d'un « mourant qu'on aime »débouche sur une condamnation.Cette conscience de l'absurdité de la vie se voit aussi chez Perken, il prend conscience que la mort n'est pas unepuissance redoutable et extérieure qu'il pourrait défier, mais quelque chose d'intérieur à l'homme contre lequel on nepeut rien faire.

Il découvre que depuis sa naissance, l'homme n'est destiné qu'à la mort.

C'est le caractère trèsbanal de cette découverte, et en même temps intolérable, que tente d'exprimer l'italique en lui ajoutant la solennitédes dernières paroles.Cette conscience du tragique de l'absurdité du monde est contagieuse et se communique au lecteur.

Premièrementpar la méditation de Claude qui universalise sa prise de conscience à « tous ces corps perdus » qui découvrent troptard qu'ils ont été victimes d'une formidable illusion : l'idée que la vie avait un sens et que des dieux (quels qu'ilssoient) veillaient sur eux. Par le spectacle de l'agonie de PerkenLe texte souligne l'absence de toute communion entre l'homme et le monde.

L'agonie de Perken et l'angoisse deClaude ne trouvent aucun écho ou miroir dans le monde extérieur.

L'indifférence de la nature de l'homme, ici la mortde Perken, se heurte à sa magnificence.

L'absurde vient de ce que l'angoisse de l'homme trouve en face d'elle : nonpas un mur mais un vide.

Le silence éblouissant le symbolise : silence de dieu face aux prières des hommes.

Le textese trouve donc dominé par l'angoisse très Pascalienne de l'homme moins devant la mort que devant l'absurdité de lacondition humaine. LA LUTTE CONTRE LE TRAGIQUE Résistance PhysiqueClaude se recroqueville pour se protéger. PsychiqueIci Claude tente de transformer une expérience douloureuse, la mort d'un ami, en une conscience de cette mort etde ce qu'elle signifie, c'est une attitude pascalienne (= fragilité mais grandeur, Pascal voit l'homme minuscule devantl'univers, le cosmos, la mort, mais en même temps plus grand que tout cela car il peut y penser).

Réfléchir, c'estalors réussir à poser des limites à la souffrance car on la comprend.

C'est toute la tentative de Claude dans le texte,notamment avec la généralisation qui lui permet d'affronter cette épreuve douloureuse. Révoltes DéfiClaude demande que les dieux existent pour pouvoir les blâmer quitte à en payer le prix : l'enfer Je veux bien aller en. »

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