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Alain: Instruction, vocation et caractère

Publié le 12/04/2005

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[...] Il ne faut pas orienter l'instruction d'après les signes d'une vocation. D'abord parce que les préférences peuvent tromper. Et aussi parce qu'il est toujours bon de s'instruire de ce qu'on n'aime pas savoir. Donc contrariez les goûts, d'abord et longtemps. Celui-là n'aime que les sciences ; qu'il travaille donc l'histoire, le droit, les belles-lettres ; il en a besoin plus qu'un autre. Et au contraire, le poète, je le pousse aux mathématiques et aux tâches manuelles. Car tout homme doit être pris premièrement comme un génie universel ; ou alors il ne faut même pas parler d'instruction, parlons d'apprentissage. Et je suis sûr que le rappel, même rude, à la vocation universelle de juger, de gouverner et d'inventer est toujours le meilleur tonique pour un caractère. AlainL'homme n'est pas un simple individu particulier avec ses goûts et ses désirs, mais participe de l'universel. L'éducation digne de ce nom doit donc cultiver cette ouverture et non se réduire à un simple apprentissage. Une authentique instruction n'a pas tant pour rôle de développer des préférences particulières qui lui préexisteraient que d'élever chacun à une culture universelle dont dépend la puissance du jugement autonome. Plan du texte: • Première partie (correspondant au premier alinéa) : évocation et critique d'une thèse visée par l'auteur. Selon cette thèse, l'instruction devrait se régler sur les dispositions particulières manifestées d'emblée pour chacun (préférences et goûts). • Deuxième partie (deux premières phrases du deuxième alinéa) illustration de la thèse défendue par l'auteur, à l'aide de deux exemples représentatifs. • Troisième partie (fin du texte) : formulation développée et argumentée de la thèse de l'auteur (l'instruction exigeante crédite chaque homme d'un génie universel).
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« se délivrer des conditions particulières et d'accéder, autant que possible, à ce qui vaut pour tout homme.

Un telprojet conduit à un travail de distanciation critique : il met en jeu le pouvoir de la raison.

Kant rappelait, enénonçant les trois maximes du sens commun, dans quel sens la raison naturelle de chaque homme doit être travailléepour donner naissance à une véritable instance de jugement autonome (voir Critique de la faculté de juger,paragraphe 40).

Penser pour soi-même ; penser en se mettant à la place de tout autre ; toujours penser en accordavec soi-même : de telles maximes détournent du préjugé (celui qui veut être réellement l'auteur et le sujet de sespensées ne peut ni ne doit se soumettre à son insu à des pensées toutes faites) ; elles conduisent à dépasserl'étroitesse d'esprit (cf.

l'expression « esprit borné »), et à cultiver la cohérence propre à une pensée conséquente.Du même coup, la superstition, qui atteste l'hétéronomie (soumission à un autre) se trouve éradiquée.

Ainsi, lapersonnalité tend à s'affirmer non plus comme l'expression non critique des impressions et des impulsions immédiates,mais comme la capacité proprement personnelle de produire un jugement original au plein sens du terme.

L'exigencede cohérence et l'exigence d'universalité se conjuguent pour mettre à distance tout assujettissement à uneappréciation particulière, génératrice de contradictions dès lors qu'elle s'absolutise et tend à se heurter à desappréciations particulières opposées.

L'accord fondé sur la raison n'est pas négation de soi, mais dépassement de cequi tend à mettre les hommes en conflit.

C'est pourquoi le « consensus », qui se construit sur la base d'une idéologiedominante elle-même liée à des intérêts particuliers, n'a rien à voir avec un tel accord.Ce qui exprime authentiquement une personnalité, c'est un jugement singulier, et non un jugement soumis à desdonnées particulières.

La distinction est d'importance, puisqu'elle invite chaque individu à conquérir son originalité ense délivrant des limites diverses dont souffre, plus ou moins, toute situation existentielle.

Chose difficile souvent,notamment lorsque sont en jeu des intérêts particuliers, qui tendent à fausser le libre exercice du jugement.

Prenonsl'exemple du colon qui, pour des raisons éthiques, s'insurge contre l'exploitation coloniale, dont il est pourtantbénéficiaire.

Il fait preuve d'une singulière liberté d'esprit en s'élevant au-dessus des préférences que tend àdéterminer sa position.Quant à la personnalité affective ou esthétique, elle se déploie et s'exprime d'autant mieux qu'elle ne se confond pasavec la soumission à des préjugés.

Que chacun cultive, en les distinguant, ses capacités esthétiques, affectives, etrationnelles, est donc en fin de compte le meilleur chemin pour son affirmation propre, sans contradiction de principeavec autrui - dès lors que la même exigence est reconnue par tous.

Idéal difficile, certes, mais dont la valeurrégulatrice permet de sortir de l'opposition crispée entre affirmation originale de soi et entente sociale. Dégagez l'idée directrice et le plan du texte. Voici l'idée directrice du texte : l'instruction, loin de s'appuyer sur les phénomènes apparents et sur les signes d'unevocation doit, bien au contraire, contrarier ces apparences premières, si elle veut se rattacher à une vocation et àune dimension universelles.

Faute de quoi, elle se dénaturerait et deviendrait une simple formation limitée : unapprentissage particulier, oublieux du destin profond de l'homme.A bien lire le texte, c'est l'idée d'une vocation universelle de l'homme, dans tous les domaines et sphères, qui donnela clef de l'instruction.

Belle idée et beau programme !Voyons maintenant le plan du texte.

Dans la première grande partie («Il ne faut pas [...] longtemps), Alain souligneque ce ne sont point les simples apparences d'une vocation qu'il faut prendre en compte pour orienter l'instruction.Bien au contraire, les goûts immédiats doivent être mis à distance et contrariés, de manière à ce que l'éducateuratteigne, chez l'éduqué, une couche plus fondamentale, un niveau plus universel dépassant ces signes immédiats etparticuliers.

Dans la seconde grande partie («Celui-là [...] manuelles»), Alain nous donne des exemples de cetteopération par laquelle on contrarie les vocations apparentes.

Dans la troisième grande partie («Car [...] caractère»),le philosophe élucide et clarifie le sens de ces analyses : il va au fondement même du problème et souligne ladimension universelle des capacités intellectuelles ou créatrices diverses présentes dans tout homme.

Au nom del'universel, Alain donne son sens plein à l'instruction, conçue comme un accès à une formation culturelle complète,qu'il différencie de l'apprentissage, beaucoup plus restreint.

Cette troisième partie va donc au fondement même duproblème soulevé : instruire, c'est diriger l'individu et le porter à créer dans tous les domaines.

L'universel est lamarque profonde de l'homme.

C'est en rattachant la formation humaine à un principe universel qu'on lui fournit sonvrai sens. Question 2Expliquez : «contrariez les goûts, d'abord et longtemps» ; «Tout homme doit être pris premièrementcomme un génie universel». • Cette expression «contrariez les goûts, d'abord et longtemps» peut nous surprendre, dans un type de culture, lenôtre, qui tend, précisément, bien souvent à ne pas contrarier les goûts, ou à le faire le moins possible.

Efforçons-. »

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