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L' Albatros de Baudelaire (commentaire complet)

Publié le 12/02/2012

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baudelaire

lntroduction. - Baudelaire n'est guère connu que par le recueil d'où est extrait ce poème célèbre Les Fleurs du Mal lui ont valu une renommée de mauvais aloi. L'auteur est méprisable, antipathique; Barbey d'Aurevilly, plein d'admiration pour son talent, l'appelait familièrement «crapule de génie«. Quant à l'ouvrage, voici ce qu'il en écrivait à un ami : «Dans ce livre atroce, j'ai mis toute ma pensée, tout mon coeur, toute ma religion (travestie), toute ma haine. Il est vrai que j'écrirai le contraire; je jurerai que c'est un livre d'art pur, de singerie, de jonglerie; et je mentirai comme un arracheur de dents. « 1.500.000 exemplaires de ce liure atroce, jetés sur le marché littéraire depuis 1917, ont trouvé des acquérevrs ! ... Il faut voir dans ce succès inouï un signe des temps; une société saine eût rejeté la plupart de ces « fleurs maladives « avec dégoût, avec révolte. Reconnaissons pourtant qu'il en est de fort belles, comme l'Albatros.

baudelaire

« Faut-il la prendre au serieux, et faire chorus avec les incompris? Tenons-nous en au cas de Baudelaire.

Puisqu'il avoue s'etre mis tout entier dans son livre, c'est lui qu'il compare a l'Albatros; c'est lui le poete. Certes, it etait admirablement done pour la poesie; s'il n'a pas atteint au rang qu'aurait merits son genie, c'est bien par sa faute.

Du rornantisme it avait herite « une maladie d'orgueil aigue et chronique » (M.

Souriau). Prie d'attenuer un article de revue, it repond : « J'ai pris l'habitude, de- puis mon enfance, de me considerer comme infaillible.

» Il pose un cer- tain temps au « dandy ».

Il halt Ia banalite, persifle, mystifie, scandalise. Mais apres avoir &yore la moitie des 75.000 francs qui lui venaient de son pere, pourvu d'un conseil judiciaire, « it est entrains dans le courant fangeux ».

Sa vie, desormais, ne se raconte pas.

Ses desordres precoces ont vite use ses energies.

Est-ce la faute des hommes si sa nervosite est telle qu'il ne peut entendre marcher quelqu'un derriere lui sans s'evanouir? Non, sa degenerescence n'est imputable qu'a ses exces, a l'usage des stu- petiants : opium et haschisch, qui lui procurent des « paradis artificiels ». Sur le tard, it reviendra au bon sens, voire a la pratique de la religion, et ii constatera amerement : « Les chercheurs de paradis font leur enfer. Si donc l'idee exprimee ici par Baudelaire est un theme romantique, l'a fait sien, en theorie et en pratique.

11 n'a pas su ou voulu s'adapter la vie reelle, et it en a souffert.

Si cet « ivrogne d'ennui, d'opium et de blas- phemes » a ecrit :« Je voudrais me mettre la race humaine tout entiere contre moi », c'est que son orgueil et son inconduite - et non sa vocation poetique - l'avaient mis au ban de Ia societe.

Il est faux de soutenir que le poete est impropre a la vie ordinaire et necessairement malhabile aux affaires de ce monde, ou encore qu'il est voile fatalement a l'incomprehension et a la risee mechante des hommes., Constatons, toutefois, que certains poetes authentiques - ne parlons pas des illusionnes - ont souffert du desaccord de leur rove et de la realite. Mais on peut nourrir de tres belles, de tres hautes pensees dans son Arne, etre un vrai poete sans perdre le sens du reel, sans dedaigner les hum- bles devoirs de la vie domestique et sociale; on pent produire des poemes parfaits et recueillir estime, sympathie, admiration. Valeur poetique du symbole.

- L'idee, banale vers 1850, a ete rajeunie, avons-nous dit, par une image neuve, eminemment poetique.

La valeur poetique de ce symbole lui vient en partie, croyons-nous, de ce qu'il est non un simple ieu de l'imagination, mais pris dans la realite vecue et observee.

En (Molt de leur impersonnalite, ces vers traduisent une emotion personnelle.

Un jour, Baudelaire a pu se comparer a l'alba- tros captif.

Rappelons les faits.

En 1841, ayant refuse a son beau-pere, le futur general Aupick, d'embrasser une carriere reguliere, it fut embarque, comme passager payant, sur un navire A voiles.

It efit pu profiler, intellec- tuellement et moralement, de ce grand voyage, derniere tentative pour gagner son coeur revolts.

Mais dans ce cceur de vingt ans, orgueilleux et ingrat, la perversion &tall trop avancee.

Le ieune voyageur mit toute son application a se rendre indesirable.

A la table du bord, it s'ingenia pour etre aussi deplaisant que possible; avec requipage, it se montra hautain et insolent; it mystifia officiers et matelots.

Tombs malade pendant une escale a l'Ile Maurice, it fut confie, aussitot retabli, au premier navire en partance.

Le temps fut affreux.

Il essuya, vers le Cap, une violenie tem- pete qui faillit faire sombrer le voilier.

Du moins put-il contempler au milieu de l'ouragan le « vaste oiseau des mers » qu'il avait vu, a I'aller, suivre nonchalamment le bateau.

Mais au lieu de le depeindre, comme Leconte de Lisle, « tranquille an milieu de repouvantement », on, « de ses ailes de fer », fendant « le tourbillon des rauques etendues », it le repre- sente ici, avec un realisme saisissant, titubant sur le pont du vaisseau, et obiet de la derision generale. Si ce symbole possede une incontestable valeur poetique, c'est encore et surtout parce qu'il a ete heureusement choisi.

L'albatros, c'est toute la poesie de l'air, de la mer, de l'oiseau.

Ce voyageur infatigable est vraiment le « roi de l'azur ».

Tous les navigateurs et les touristes qui ont frequents les regions comprises entre les 40e.

et 60e degres de latitude Sud, ont admire le vol de ce « vautour des mers ».

C'est un spectacle dont on ne se lasse pas, disent-ils, de voir cet oiseau majestueux, done d'une vigueur excep tionnelle, voguer dans les airs avec tine puissante aisance.

A peine, apres le premier essor, volt -on battre ses ailes; a la montee, A la descente, rien Faut-il la prendre au sérieux, et faire chorus avec les incompris'? Tenons-nous en au cas de Baudelaire.

Puisqu'il avoue s'être mis tout entier dans son livre, c'est lui qu'il compare à l'Albatros; c'est lui le poète.

Certes, il était admirablement doué pour la poésie; s'il n'a pas atteint au rang qu'aurait mérité son génie, c'est bien par sa faute.

Du romantisme il avait hérité « une maladie d'orgueil aiguë et chronique » (M.

Souriau).

Prié d'atténuer pn article de revue, il répond : «J'ai pris l'habitude, de­ puis mon enfance, de me cons~dérer com.m.e infa~llible.

» I_I pose un ~er­ tain temps au « dandy ».

Il hait la banahte, persifle, mystifie, scandalise.

Mais après avoir dévoré la moitié des 75.000 francs qui lui venaient de son père, pourvu d'un conseil judiciaire, « il est entraîné dans le courant fangeux».

Sa vie, désormais, ne se raconte pas.

Ses désordres précoces ont vite· usé ses énergies.

Est-ce la faute des hommes si sa nervosité est telle qu'il ne peut entendre marcher quelqu'un derrière lui sans s'évanouir? Non, sa dégénérescence n'est imputable qu'à ses excès, à l'usage des stu­ péfiants : opium et haschisch, qui lui procurent des «paradis artificiels ».

Sur le tard, il reviendra au bon sens, voire à la pratique de la religion, et il constatera amèrement : «Les chercheurs de paradis font leur enfer.

» Si donc l'idée exprimée ici par Baudelaire est un thème romantique, il l'a fait sien, en théorie et en pratique.

Il n'a pas su ou voulu s'adapter à la vie réelle, et il en a souffert.

Si cet «ivrogne d'ennui, d'opium et de blas­ phèmes» a écrit : «Je voudrais mc mettre la race humaine tout entière contre moi », c'est que son orgueil et son inconduite - et non sa vocation poétique - l'avaient mis au ban de la société.

Il est faux de soutenir que le poète est impropre à la vie ordinaire et nécessairement malhabile aux affaires de ce monde, ou encore qu'il est voué fatalement à l'incompréhension et à la risée méchante des hommes ..

Constatons, toutefois, que certains poètes authentiques - ne parlons pas des illusionnés - ont souffert du désaccord de leur rêve et de la réalité.

Mais on peut nourrir de très belles, de très hautes pensées dans son âme, être un vrai poète sans perdre le sens du réel, sans dédaigner les hum­ bles devoirs de la vie domestique et sociale; on peut produire des poèmes parfaits et recueillir estime, sympathie, admiration.

Valeur poétique du symbole.

- L'idée, banale vers 1850, a été rajeunie, avons-nous dit, par une image neuve, éminemment poétique.

La valeur poétique de ce symbole lui vient en partie, croyons-nous, de ce qu'il est non un simple jeu de l'imagination, mais pris dans la réalité vécue et observée.

En dépit de leur impersonnalité, ces vers traduisent une émotion personnelle.

Un jour, Baudelaire a pu se comparer à l'alba­ tros captif.

Rappelons les faits.

En 1841, ayant refusé à son beau-père, le futur général Aupick, d'embrasser une carrière régulière, il fut embarqué, comme passager payant, sur un navire à voiles.

Il eût pu profiter, intellec­ tuellement et moralement, de ce grand voyage, dernière tentative pour gagner son cœur révolté.

Mais dans ce cœur de vingt ans, orgueilleux et ingrat, la perversion était trop avancée.

Le ieune voyageur mit toute son .application à se rendre indésirable.

A la table du bord, il s'ingénia pour ;être aussi déplaisant que possible: avec l'équipage, il se montra hautain 'et insolent: il mystifia officiers et matelots.

Tombé malade pendant une escale à l'Ile Maurice, il fut confié, aussitôt rétabli, au premier navire en partance.

Le temps fut affreux.

Il essuya, vers le Cap, une vio!ente tem- pête qui faillit faire sombrer le voilier.

Du moins put-il contempler au milieu de l'ouragan le. »

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