Analyse de l'AVARE de MOLIERE

INTRODUCTION

Représenté en 1668, L'Avare met en scène une comédie grinçante où un père, Harpagon, annonce à ses enfants qu'il désire se marier et qu'il a également des projets pour eux. Ne tenant pas compte de leurs avis et après s'etre violemment opposé à son fils Cléante pour une certaine somme d'argent, Harpagon organise une réception en l'honneur de la jeune femme qu'il compte épouser. Au début de l'acte III, une discussion oppose Harpagon, Maitre Jacques, et Valère car l'avare insiste pour que les frais de maison soient réduits au minimum. Comment la préparation d'une réception peut-elle jeter un regard neuf sur les personnages? Nous mettrons en valeur le caractère comique de la scène en découvrant le message singulier du dramaturge (comparer Maitre Jacques à Toinette dans Le Malade Imaginaire, Dorine dans Tartuffe ou Sganarelle dans Don Juan). I UNE SUSPENSION DRAMATIQUE COMIQUE OU UN INTERET DRAMATIQUE FONDE SUR LE COMIQUE DES PERSONNAGES 1)Déséquilibre, source de comique, confrontation entre maitre Jacques et Harpagon L'extrait s'ouvre sur un changement de personnage puisque Maitre Jacques change de costume, la didascalie « il remet sa casquette « insiste bien sur le fait que c'est un serviteur qui a plusieurs fonctions. L'avarice du maitre est ainsi mise en valeur d'une manière humoristique. C'est au cocher que Harpagon s'adresse dans ce passage et le serviteur se permet d'interrompre son maitre en prenant la défense des chevaux. Cette réaction inhabituelle soulève l'étonnement du spectateur et provoque son rire. Dès la 1ere réplique, Maitre Jacques par son indignation- ligne 5:  « vos chevaux ma foi...de marcher «- fait rire car il considère ses chevaux comme des personnes qu'il chéri. Le rire nait aussi du déséquilibre dans la comparaison éloquente de Maitre Jacques pour ses chevaux et les réponses sèches et lapidaires de Harpagon. Alors que Maitre Jacques devient lyrique et d'une manière un peu approximative car il confond philosophie et superstition, ce qui fait sourire. Maitre Jacques compare ses pauvres bêtes à des idées, des fantômes, des façons de chevaux. Harpagon, lui, répond avec un certain détachement qui peut également nous faire sourire l11: « les voilà... «; à partir de cette réplique le dialogue entre le maitre et le valet rebondit sur le mot « manger « qui prend aussi le sens symbolique de « vivre «. En privant ses chevaux de nourriture, selon l'argumentation de Maitre Jacques, il les conduit à la mort. La méditation un peu simple de Maitre Jacques remet en cause l'art de vivre d'Harpagon qui refuse d'écouter et qui se contente de répliquer (l21). C'est en jetant un regard neuf sur els animaux que Maitre Jacques remet en cause l'éthique d'Harpagon et ce procédé fait rire l'honnête homme du XVIIe siècle. Le dialogue entre les deux hommes rebondit un nouvelle fois et la réplique de Maitre Jacques se clôt sur une question oratoire qui fait imaginer aux spectateurs les chevaux faméliques. Cette image caricaturale mise en valeur par le jeu sur le verbe « se trainer « fait une nouvelle fois rire le spectateur. 2) Confrontation entre maitre Jacques et Valère Profitant de ce conflit entre Maitre Jacques et le valet, Valère propose une solution. C'est le voisin qui se chargera de les conduire (l25 à30). L'intervention de l'intendant qui fait la morale à un subalterne soulève l'indignation de Maitre Jacques . Les deux répliques qui s'opposent, construites d'une manière parallèles, font rire le spectateur (l33à34). Valère commet l'erreur de se moquer d'une valet qui se plait à raisonner comme un maitre. Maitre Jacques remet alors en cause la place de Valère dans la maison et se plaint de lui à Harpagon. La sincérité naïve et pathétique de Maitre Jacques s'oppose à l'hypocrisie de Valère qui s'efforce en tout point à plaire à Harpagon. Ces deux attitudes excessives prêtent à sourire et Maitre Jacques trouve des expressions savoureuses qui renvoient à son amour pour les animaux pour suggérer l'art de la flatterie. Maitre Jacques apparait comme un misanthrope atrabilaire (=irascible) alors que Valère est un parfait courtisan. Ce contraste fait sourire. *complément: Maitre Jacques est un Alceste dans la classe populaire 3) Source de comique: le spectateur se demande comment Harpagon va réagir lorsque maitre Jacques lui dira ce que l'on pense de lui; opposition entre ce que pense Harpagon de lui même et ce que pensent les autres de lui. Le comique va plus loin encore dans cette opposition entre l' être et le paraitre puis Maitre Jaques pousse la confidence jusqu'à révéler son indignation devant les propos que l'on tient tous les jours contre son maitre. En révélant son amour pour Harpagon, Maitre Jacques révèle combien il est fâché tous les jours d'entendre ce qu'on dit sur Harpagon. Le comique réside dans un premier temps dans la confidence naïve que Maitre Jacques fait à son maitre où l'on retrouvée encore la notion de déséquilibre entre la curiosité effrénée de Harpagon et sa réaction colérique. C'est une scène comique destinée aux honnêtes gens qui nous fait réfléchir sur la place du valet dans la comédie mais qui derrière ce comique cache une très forte charge d'émotion car Maitre Jacques aime très sincèrement son maitre (cette notion annonce la philosophie des Lumières), c'est le seul personnage authentique de la pièce. II MAITRE JACQUES (catalyseur, jette un regard nouveau), PERSONNAGE COMPLEXE QUI FAIT AVANCER L'ACTION 1) Un être simple et sincère qui souffre pour ses chevaux Il pousse un cri d'alarme pour ses chevaux qui meurent de faim, il parle avec son coeur et son discours est marqué par des termes affectifs (l7: « pauvre «=valeur affective). Il met en scène pour Harpagon et le spectateur sa peine en déclarant ligne 15: « cela me fend le coeur « (déictique) ; il évoque sur scène l'image des chevaux, c'est un procédé d'hypotypose. Nous pouvons d'ailleurs observer une gradation pathétique et comique de son discours qui pourrait paraître tragique s'il s'agissait d'êtres humains. Il s'adresse à notre coeur et notre raison (l6;7;10), ligne 25, il souffre pour ses chevaux et refuse de les atteler pour ne pas les fouetter (osmose?). Il pousse un cri d'alarme envers des animaux en détresse et un cri d'admonestation à son maitre ligne 19/20: en effet, il donne un leçon de moral à Harpagon, en soulignant la cruauté et la dureté de son maitre. Maitre Jacques paraît humainement supérieur à Harpagon d'une manière ridicule puisqu'il aime les chevaux : « soit j'aime mieux... «. Maitre Jacques est un personnage comique mais aussi tragique. 2) Un être attaché à son maitre, en quête de sincérité Ce valet qui prend des airs de personnage tragique révèle naïvement pour son maitre il manque un mot auquel il semble viscéralement attaché. Son amour s'exprime contradictoire s'exprime d'une manière simple et émouvante mais Harpagon ne semble pas du tout touché par cet amour, c'est un être narcissique qui n'est préoccupé que par lui même comme le montre les pronoms personnels « je « dans la phrase « pourrais JE savoir de VOUS ce que l'on dit de MOI? «. Ainsi Harpagon utilise l'amour naïf de son serviteur pour faire pression sur lui et lui faire avouer ce que pense la société de lui. Maitre Jacques est tellement attaché à Harpagon qu'il lui obéit même s'il sait qu'il le mettra en colère et qu'il recevra des coups de bâton « pardonnez moi... «. Maitre Jacques semble être ainsi en quête de sincérité et son amour pour son maitre s'affirme en dépit de toutes les règles de la société et de sen attitude (cf. texte l33 à la fin). Ligne 40, il y a deux occurrence de « vous «, ligne 42, une occurrence de « vous «, etc...: on trouve quatre occurrences du « vous « dans la même réplique, et e tout, six occurrence du vous. De plus, le « je « et le « vous « sont toujours réunis (remarque importante pour la mise en scène de la comédie française). 3)Un etre ombrageux et jaloux de l'influence de Valère sur Harpagon Le personnage ombrageux ne supporte pas d'avoir de rivale et il se montre extrêmement jaloux à l'égard de Valère (réplique ligne 34/35). Maitre Jacques accepte très mal que Valère se rende indispensable, il aime son amour d'un amour excessif et de surcroit il se rend compte que Valère est hypocrite; il oppose la sincérité de son amour à la flatterie de Valère qui fait sa coure à Harpagon (ligne38/39). La flatterie de Valère est exprimée d'une manière métaphorique sur le verbe « gratter « ligne 40; elle est savoureuse car c'est une métaphore animale et donc comique. De ce conflit désormais ouvert avec Valère va résulter une progression de l'action puisque Maitre Jacques va calomnier ensuite Valère. Cette dispute entre les eux serviteurs dont un fait preuve de mépris envers l'autre il manque ENCORE un bout de phrase!!!. Valère apparaît cynique. Comment réagit Harpagon face à ses deux serviteurs? Quel est le message du dramaturge? III LE DRAMATURGE MET EN PLACE ICI TOUS LES THEMES DE LA COMEDIE 1) Harpagon est présenté comme un être nouveau épris de la vérité (s'intéresse à ce que l'on pense de lui, nudité de son caractère); éclairage nouveau sur Harpagon. Harpagon ne semble pas être très sensible aux démonstrations d'amour à son égard de Maitre Jacques. Il se contente de l'utiliser pour arriver à ses fins: dépenser le moins d'argent possible pour la réception qu'il veut donner pour Marianne. Il et avare de parole, parle peu. L'éclairage de Maitre jacques sur Harpagon fait donc ressortir son avarice, son narcissisme et le profond mépris de Harpagon envers ses serviteurs, puisqu'il leur parle comme s'ils étaient des animaux. La seule personne importante à ses yeux, c'est lui même? Il s'exprime d'une manière impersonnelle qui montre qu'il considère ses serviteurs comme des animaux. 2) La véritable sincérité est-elle possible? Cette scène apparaît aussi come un dialogue du dramaturge avec son spectateur qui nous dit «Peut-on accepter de l'autre de savoir ce qu'on dit de soi? «. Cette conversation implicite avec le spectateur renvoie à ce que dit Pascal, à savoir que l'Homme n'accepte pas ce qu'on dit sur soi par amour propre. Molière apparaît ainsi comme un moraliste qui nous fait réfléchir sur la place de l'homme face à la société et face à nous même. C'est donc un texte fortement ancré dans la morale du siècle, qui nous interpelle. Il y également une double énonciation. 3)Réflexion sur le personnage de maitre Jacques qui va permettre au dramaturge de démasquer Valère Maitre jacques apparaît ici comme le « grain de levain « qui permet de jeter un regard critique sur la société du XVIIe siècle en mettant en valeur son hypocrisie. Il révèle son amour indéfectible pour ses chevaux et son maitre même s'il a conscience d'être manipulé c'est une grosse victime, en résumé (par exemple il sait qu'il va mettre Harpagon en colère). Maitre jacques constate les défauts de Harpagon et nous présente (???) qu'il ne pourra pas les changer (vision pessimiste). CONCLUSION

Cet extrait marque l'importance de la représentation au théâtre. Maitre Jacques est un peu rustre qui change de casquette quand on lui demande. Selon le metteur en scène et selon l'interprétation du comédien, maitre Jacques prend un éclairage nouveau. Dans la dernière mise en scène de la Comédie Française, il apparaît comme un personnage comique certes, mais émouvant et qui est profondément attaché à ses chevaux come si aimer les chevaux était pour lui une manière de combattre son mal de vivre. C'est un être très anomal qui a besoin d'aimer son maitre et qui ne supporte pas qu'on le flatte? Par la création de ce valet, le dramaturge rejoint l'universel et nous fait porter un regard nouveau sur certaines armes simples qui nous apparaissent en fait beaucoup plus complexe (cf. Dorine face à Orgon et au Tartuffe dans la comédie éponyme). En outre, ce personnage semble être le grain de levain qui fait avancer l'acte. Il nous fait réfléchir non seulement sur la fonction du serviteur dans la comédie mais aussi sur des être marginaux qui nous porter sur les Hommes un regard neuf.