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ANOUILH — Antigone face à Créon

Publié le 14/02/2011

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Créon. — Un matin, je me suis réveillé roi de Thèbes. Et Dieu sait si j'aimais autre chose dans la vie que d'être puissant... Antigone. — Il fallait dire non, alors ! Créon. — Je le pouvais. Seulement, je me suis senti tout d'un coup comme un ouvrier qui refusait un ouvrage. Cela ne m'a pas paru honnête. J'ai dit oui. [...] Créon la secoue soudain, hors de lui. — Mais, bon Dieu ! Essaie de comprendre une minute, toi aussi, petite idiote ! J'ai bien essayé de te comprendre, moi. Il faut pourtant qu'il y en ait qui disent oui.

Il faut pourtant qu'il y en ait qui mènent la barque. Cela prend l'eau de toutes parts, c'est plein de crimes, de bêtise, de misère... Et le gouvernail est là qui ballotte. L'équipage ne veut plus rien faire, il ne pense qu'à piller la cale et les officiers sont déjà en train de se construire un petit radeau confortable, rien que pour eux, avec toute la provision d'eau douce pour tirer au moins leurs os de là. Et le mât craque, et le vent siffle, et les voiles vont se déchirer, et toutes ces brutes vont crever toutes ensemble, parce qu'elles ne pensent qu'à leur peau, à leur précieuse peau et à leurs petites affaires. Crois-tu, alors, qu'on a le temps de faire le raffiné, de savoir s'il faut dire « oui « ou « non «, de se demander s'il ne faudra pas payer trop cher un jour et si on pourra encore être un homme après ? [...] Antigone. — Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu'ils trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours, si on n'est pas trop exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite, — et que ce soit entier — ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd'hui et que cela soit aussi beau que quand j'étais petite — ou mourir. Créon. — Allez, commence, commence, comme ton père ! Antigone. — Comme mon père, oui ! Nous sommes de ceux qui posent les questions jusqu'au bout. Jusqu'à ce qu'il ne reste vraiment plus la petite chance d'espoir vivante, la plus petite chance d'espoir à étrangler. Nous sommes de ceux qui lui sautent dessus quand ils le rencontrent, votre espoir, votre cher espoir, votre sale espoir î Introduction. Le désir de l'absolu et l'acceptation du relatif. Incarnés dans l'Antigone d'Anouilh par les deux principaux protagonistes : « Un matin... —> sale espoir «. Comment les thèses sont-elles exposées ? Mise en œuvre dramatique ?

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« — Caprices du sort...

qu'on subit.

(« Un matin, je me suis réveillé roi de Thèbes...

») — Nécessité d'agir, et vite.

(« Il faut pourtant...

Il faut pourtant...

Crois-tu alors qu'on a le temps de faire leraffiné...

? ») — Nécessité de l'ordre (grandeur et servitude du chef de gouvernement, face aux égoïsmes). — Tâche acceptée consciencieusement.

Honnête ouvrier.

Raisonnable ; dévoué. b) Arguments contre.— Démission partielle : acceptation des laideurs du métier. — Abandon de goûts légitimes (Cf.

plus haut : « Avant, du temps d'Œdipe, il aimait la musique, les belles reliures, leslongues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes...

») — Jouet de la vie.

N'a pas le temps de méditer. — Peur de la mort. Donc exposé impartial : arguments favorables ou défavorables à chacune des deux thèses ; qualités d'âme oudéfauts révélés par l'adoption de l'une ou de l'autre attitude. 2.

— La mise en œuvre dramatique. Non exposé de thèses abstrait, mais drame vécu. 1.

— Comment, dans la vie, naissent les idées. — Créon n'a pas toujours eu le temps de réfléchir (Antigone a peut-être consacré trop de temps à la chose !).

Lesfaits s'imposent puis les problèmes se posent...

et on les résout à la hâte. — Surtout les idées naissent de la chair.

Cf.

le Prologue.

Créon robuste, a pu s'adapter à la vie telle qu'elle s'imposedésormais à lui.

Antigone, elle, n'était pas faite pour la vie telle que Créon la conçoit ou l'accepte. 2.

— L'antagonisme. De là les incompréhensions tragiques : « Essaie de comprendre...

» Dialogue de sourds. De plus le sort d'Antigone est en jeu...

(et celui d'Hémon...

de façon imprévisible).

Créon veut sauver Antigone.

Delà débat véhément : — expressions violentes, familières : « bon Dieu », « petite idiote ».. — Exclamations, interrogations fougueuses... — mépris, colère, adjurations pathétiques, éloquence...

Créon secoue Antigone. — comparaisons : d'intention démonstrative / passionnées. 3.

— Effet scénique. — Attitudes plastiques ; l'homme robuste et la jeune fille chétive qui tient tête.

Exaltation. — Les couplets : comparaisons : morceaux de bravoure avec chutes « brillantes » (interrogations de Créon et, pourAntigone : « ...

votre espoir (haine), votre cher espoir (ironie), votre sale espoir (mépris) ». Conclusion. Renouvellement du sujet de Sophocle : autre question traitée ; Créon partiellement réhabilité.

Intérêt porté auproblème, et solution laissée libre (suivant les goûts, les sympathies de l'auditeur) ; intérêt porté au drame.

Révèle àla fois, chez l'auteur, une connaissance approfondie des problèmes moraux et de la manière dont ils se posent dansla vie.. »

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