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APOLLINAIRE: Nuit rhénane - LECTURE MÉTHODIQUE

Publié le 11/07/2011

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apollinaire

Engagé volontaire en décembre 1914, Apollinaire est blessé à la tempe par un éclat d'obus, le 17 mars 1916, et doit subir une trépanation. "Une belle Minerve est l'enfant de ma tête / Une étoile de sang me couronne à jamais" (Calligrammes). Écrivain et poète : L'Hérésiarque et Cie en 1910 (recueil de seize contes merveilleux), puis, en 1911, les courts poèmes du Bestiaire ou Cortège d'Orphée illustré par Dufy. En 1913, Alcools ; en 1916, Le Poète assassiné (recueil de contes) ; en 1917, Les Mamelles de Tirésias, "drame surréaliste" ; en 1918, Calligrammes. Critique d'art et porte-parole de la modernité : Les Peintres cubistes, méditations esthétiques (1913), L'Esprit nouveau et les poètes (conférence au Vieux-Colombier en 1917). Journaliste : l'auteur collabore à plusieurs revues ou journaux, parfois pour des raisons purement alimentaires. Il a toutefois réuni certaines de ses chroniques dans Le Flâneur des deux rives (1918).  

Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme Écoutez la chanson lente d'un batelier Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes 4 Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds Debout chantez plus haut en dansant une ronde Que je n'entende plus le chant du batelier Et mettez près de moi toutes les filles blondes 8 Au regard immobile aux nattes repliées Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter La voix chante toujours à en râle-mourir 12 Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

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« • Strophe 4 La quatrième strophe, constituée d'un seul alexandrin, contraste par sa brièveté avec les quatrains précédents. Elle traduit précisément l'éclatement inattendu du verre: «Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire » (v. 13), comme sous l'effet des sorts des « fées aux cheveux verts » (v.

12) de la strophe précédente ou de la chanson qui les célèbre. L'absence de commentaire prouve la stupeur du protagoniste atterré par le triomphe du surnaturel.

Le poème s'achève de manière abrupte, laissant le lecteur partager l'incrédulité du jeune homme. 2.

L'EXPRESSION DU SURNATUREL Le surnaturel apparaît de différentes façons ici.

Il se manifeste d'abord, de façon explicite, dans la chanson du batelier consacrée aux Ondines (str.

1 et 3).

Il se dévoile aussi avec l'animation de la nature (le Rhin, les vignes, les étoiles, str.

3).

Il se révèle enfin avec l'éclatement du verre (str.

4) qui nous amène à réexaminer le tout premier vers du poème. Le surnaturel dans la chanson du batelier (strophes 1 et 3) Le chant du batelier se présente dès l'abord comme un témoignage : « Qui raconte avoir vu » (v.

3). Néanmoins, son récit s'inscrit d'emblée dans un contexte qui indique la nature véritable des ensorceleuses.

Se réunissant de nuit et « sous la lune » (v.

3), astre traditionnellement maléfique, elles sont « sept » (v.

3) (nombre magique) et leurs cheveux sont « verts » (v.

4).

Cette couleur révèle leur nature et leur origine : ce sont des Ondines, sorcières vivant au fond du Rhin.

Leur chevelure verte se confond avec l'eau du fleuve qui l'imprègne ; c'est pourquoi, au sortir du Rhin, elles doivent la « Tordre » (v.

4). Par ailleurs, elles possèdent un élément quasi irrésistible de séduction auprès des hommes : ces cheveux « longs jusqu'à leurs pieds » (v.

4) auxquels le protagoniste oppose, pour se garder d'elles, les rassurantes « nattes repliées » (v.

8) des « filles blondes » (v.

7) de la réalité. Apollinaire n'insiste pas, dans ce poème, sur leur capacité à attirer, puis à retenir, les hommes au fond de l'eau.

Néanmoins, il associe un thème de mort (« à en râle-mourir », v.

11 ) à la voix qui les célèbre : La voix chante toujours à en râle-mourir Ces fées aux cheveux verts (...) (v.

11-12). Et il n'hésite pas à nommer leur activité surnaturelle, elles « incantent [= ensorcellent] l'été » (v.

12), même s'il emploie pour cela un mot vieilli, étranger à l'état actuel de notre langue. Le surnaturel dans le paysage (strophe 3) Les deux premiers vers de la strophe 3, consacrés au paysage, présentent une autre sorte de surnaturel.

Son ressort principal, fréquent dans la poésie d'Apollinaire , est l'animation des éléments de la nature : le fleuve est ivre, les vignes s'y « mirent » (= s'y regardent comme dans un miroir) et « l'or des nuits [= les étoiles] tombe en tremblant s'y refléter ».

Deux images importantes se dégagent : celle de la toute -puissance du regard («se mirent», «tombe (...) s[e] refléter ») et celle du tremblement (« tombe en tremblant »). • La toute -puissance du regard En effet, au vers 9 : « Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent », la postposition de la subordonnée relative (« où les vignes se mirent »), après le verbe et loin de son antécédent (« le Rhin »), met cette subordonnée en relief et suggère un lien de cause à effet : c'est parce que les vignes s'y mirent que le fleuve est ivre. De la même façon, le vers 10, «Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter», reprend l'image du miroir en lui associant celle d'une chute provoquée par une vision dans l'eau (cf.

« La Loreley »). Dans ce contexte, le regard apparaît doué d'une puissance magique et parfois dangereuse : on comprend pourquoi le protagoniste, cherchant à se protéger des Ondines, appelle à son secours des filles « Au regard immobile » (v.

8). • Le tremblement. »

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