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APPARITION de Mallarmé

Publié le 15/09/2006

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 I - Circonstances L'origine et la date de ce poème sont obscures. Mallarmé ne le publie pas dans Le Parnasse contemporain de 1866. Ce n'est qu'en 1883 qu'il le confie à Verlaine pour ses Poètes Maudits (avril 1884). En 1887, dans La Revue Indépendante, il le place entre le "Le Guignon" et "Placet futile" (de 1862). Quelle peut être la date de composition ? Dans les lettres nombreuses que Mallarmé envoyait à ses amis pour leur soumettre ses vers, aucune mention d'un poème nommé "Apparition". Le caractère sentimental du poème peut donner à penser qu'il a été écrit en 1862 pour la fiancée du poète, mais la correspondance avec Cazalis fait naître une hypothèse plus vraisemblable : Cazalis,était fort épris d'une jeune Anglaise Ettie Yapp, et en 1863, il écrit à son ami alors à Londres : " ... je te rappellerai une dette, ces vers, ce portrait que tu m'avais promis". Cette demande remontait à l'année précédente ; en effet, en juillet 1862, Mallarmé lui écrivait : "Tu me demandes des vers, frère ... je te les promets exquis. Je ne peux pas faire cela d'inspiration : la turbulence du lyrisme serait indigne de cette chaste apparition que tu aimes: il faut méditer longtemps. L'art seul, limpide et impeccable est assez chaste pour la sculpter religieusement". Cette lettre nous montre dans quel esprit a pu être composé ce poème de circonstance qui a dû être écrit au cours de l'été 1863.On ne connaît aucun manuscrit du poème ; dans les recueils où il est paru, il n'y a aucune variante : c'est donc un poème refait par Mallarmé. Pour l'étude des différents états du texte et des variantes, voir l'édition des Poésies de Mallarmé procurée par B. MARCHAL (Poésie/Gallimard 1992) et celle de la Pléiade (1998) II - Diverses méthodes d'interprétation globale: Les seules différences d'interprétation de ce poème viennent de l'identité de cette jeune fille qui est l'apparition : Est-ce Maria Gerhard ? Est-ce, comme le suppose H. MONDOR, Ettie Yapp, la blonde muse de Cazalis ? ou la transposition des deux personnes féminines aimées dans la jeunesse, la mère et la sœur du poète ? Tout souvenir précis se transforme ici en rêverie. II - Explication détaillée: Impression générale : Victor Hugo appelait Mallarmé "mon cher poète impressionniste". Sa manière est en effet celle des peintres impressionnistes : au lieu de décrire les objets, il exprime l'impression ressentie devant eux. Le poème est une succession d'impressions dont l'ensemble compose une atmosphère suggestive. Mouvement du poème : Une succession de trois tableaux : V. 1-4 : une scène mystique bleue et blanche, suave et pure. V. 5-9 :la méditation amoureuse qui suit le gage donné par la bien-aimée. V. 10-16 : transposition de la réalité due à l'apparition. Mélange étroit du rêve et de la réalité : ambiguïté du premier tableau - morne réalité du second - ascension très rapide, transposition dans le souvenir et le rêve. Première partie : Tableau mystique figé où dominent les tons bleus et blancs, à la manière des peintres préraphaélites anglais. Impression générale de tristesse voilée, marquée dès le premier vers : La lune s'attristait. Aucun détail vraiment réel ; le poète semble absorbé dans la contemplation d'un tableau: les séraphins sont en effet les anges musiciens des primitifs italiens et des préraphaélites anglais. Ces derniers recherchent la naïveté mystérieuse et non la beauté resplendissante ; leur influence est grande sur les poètes, en particulier Rimbaud (son "Ophélie" et "la Mort d''Ophélie" du peintre Millais) et Mallarmé qui peut voir le "Chant d'amour" de Burnes-Jones à Londres. Ces séraphins sont "en pleurs" : impression de mélancolie rêveuse. Les rejets des vers 2 et 3, "rêvant", "vaporeuses", détachent très nettement ces deux termes qui donnent l'atmosphère particulière de ces 4 vers. Le vers 2 est une suite d'impressions de plus en plus larges (schéma : 2 - 4 - 6 ) ; progression stoppée brusquement par le rejet "vaporeuses". Au vers 3, toujours cette sensation d'alanguissement : "de mourantes violes". Les musiciens célestes soutiennent de leur suave mélodie la songerie du poète : couleurs et sons se confondent pour créer une atmosphère paradisiaque, surnaturelle, qui s'épanouit au vers 4. Ce vers "de blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles" est ample, rythmé, très riche en correspondances. Il réunit en les superposant auditives: (sanglots), visuelles (blancs) musicales et plastiques (glissant) ; pour les corolles des fleurs bleues, il faut remarquer l'emploi du mot "azur" , expression de la future hantise du poète (Cf. "L'Azur"). Le vers est plein d'allitérations : le son "s" qui évoque la note haute et filée sur les "violes" interrompue par une brève dissonance qui la souligne la nasale "â " accompagnant les nombreuses consonnes liquides "1" : musicalité extrême de ce vers : "de blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles". Deuxième partie : Méditation amoureuse qui suit le premier baiser : sorte de chaste songerie après cette "victoire". Le v. 5 précise l'action dans le temps (le vers 10 la précisera dans l'espace). Qu'il s'agisse de Cazalis ou de Mallarmé lui-même, c'est un très jeune homme qui parle au vers 5; ce qui justifie l'épithète "béni". Les quatre vers suivants évoquent l'atmosphère de mélancolie verlainienne et sont parfaitement clairs, sans ambiguïté : cette mélancolie n'est pas due au regret ou à la déception (V. 8), mais à quelque chose de bien plus vague : un parfum (V. 7), quelque chose d'immatériel, d'indéfini : après la rencontre de l'être aimé, le jeune homme éprouve en quelque sorte la nostalgie du moment qui précédait la rencontre. Vers 6 et 7 : l'état d'âme du poète après la rencontre est bien évoquée ici : l'esprit occupé par cette rencontre qui l'envahit tout entier: "S'énivrait savamment". Le vers 7 est un beau tétramètre nettement rythmé, avec la correspondance "parfum de tristesse" qui rapproche un sentiment d'une sensation olfactive. Les rimes féminines 7 et 8 contrastent avec la rime du vers 9 : "cueilli": celle-ci n'est plus douce, mais plus aiguë, plus sèche. Le vers 9 développe une très belle image introduite par les quatre vers précédents (Tout comme les vers 4 et 16, qui sont préparés par les vers précédents des tableaux) ; ces quatre vers sans ponctuation se déroulent amplement comme la rêverie se déroule sans heurts dans l'esprit du poète. Ce dernier vers est très musical (schéma : 4 - 2 - 2 - 4); il évoque une coupe de fruits, encore suggérée par la répétition : "cueillaison"/ "cueilli" ; les allitérations en "c" sont un peu brutales, elles répètent une sorte de plainte du jeune homme en proie à sa songerie. Troisième partie : L'apparition proprement dite. Au vers 10, une brève évocation de la réalité morne, grise ("pavé vieilli"). Il s'agit peut-être des vieilles maisons de Sens aux rues étroites et mal pavées. Cette réalité sale va rehausser par contraste la beauté de l'apparition : le morne décor est soudain illuminé par le retour de la jeune fille, et la rêverie triste est magnifiée par le souvenir de la jeunesse du poète. "Avec du soleil aux cheveux" : la chevelure blonde de la jeune fille Semble concentrer l'or des derniers rayons du soir. - Les quatre derniers vers du poème reprennent les quatre premiers en les transposant : la scène inanimée, figée, artificielle, devient une évocation de jeunesse, une scène épanouie, heureuse : aux "séraphins en pleurs" succède "la fée au chapeau de clarté", être aussi irréel, mais combien plus vivant pour le poète: on retrouve ici la sensation visuelle des cheveux féminins qui ont toujours troublé Mallarmé (cf. "Chevelure vol d'une flamme" ... ) ; la jeune fille rieuse est devenue une fée diaphane : même transposition que chez Nerval. Le paysage figé, le "calme des fleurs" fait place à l'évocation du monde de l'enfance : "mes beaux sommeils d'enfant gâté" (Mallarmé fut en effet élève d'un riche pensionnat d'Auteuil). Ici encore, comme chez Nerval, il y a un retour au royaume de l'enfance. Le rejet "Passait" du vers 15, marque un arrêt pendant lequel l'imagination continue de jouer : on semble voir réellement la fée passer devant nous. La dernière image, très longue, se déroule sur deux vers et correspond exactement à l'image des vers 3 et 4 ; mais ici aussi la transformation a eu lieu : les "violes" alanguies émettaient des sanglots, et maintenant ce sont les mains de la fée qui sèment des bouquets d'étoiles : on est passé de la mélancolie vague au bonheur d'enfant. Cette dernière image est très gracieuse ; on peut la rapprocher des vers de Hugo : …l'or qu'on voit Luire à travers les doigts de tes mains mal fermées Tous les biens de ce monde en grappes parfumées. (Chants du crépuscule.) Cette image a quelque chose de mystique (dans d'autres poèmes, on peut retrouver ces images de saintes répandant. des fleurs) ; la musicalité du vers est très grande, et les correspondances nombreuses ("blancs bouquets d'étoiles parfumées"). L'épithète "blancs" est la reprise de celle du vers 4. L'atmosphère de suavité immatérielle du début est ainsi rétablie et complétée ; les visions trop précises de la terre s'évanouissent grâce à l'apparition et laissent la place au firmament étoilé pur et blanc. Ces exégèses pourront être rapprochées avec profit de l'une des dernières proposées: celle de Paul Bénichou dans Selon Mallarmé (Gallimard 1995). Les notes qui y sont données, en finale, sur la versification du poème sont utiles à l'explication de texte. Conclusion : Poésie de jeunesse dans laquelle Mallarmé manie en maître coupes et rejets, ménage des silences évocateurs. Importance déjà grande de la musique ; ce poème a d'ailleurs inspiré des musiciens : des contemporains cités par Mallarmé (Rossignol, Bailly, puis Debussy). Grâce aux impressions et à la musique Mallarmé dépasse les simples sensations et nous transporte dans le rêve, dans le souvenir de l'enfance.

« qui précédait la rencontre.Vers 6 et 7 : l'état d'âme du poète après la rencontre est bien évoquée ici : l'esprit occupé par cette rencontre qui l'envahit toutentier: "S'énivrait savamment".

Le vers 7 est un beau tétramètre nettement rythmé, avec la correspondance "parfum de tristesse"qui rapproche un sentiment d'une sensation olfactive.Les rimes féminines 7 et 8 contrastent avec la rime du vers 9 : "cueilli": celle-ci n'est plus douce, mais plus aiguë, plus sèche.

Levers 9 développe une très belle image introduite par les quatre vers précédents (Tout comme les vers 4 et 16, qui sont préparéspar les vers précédents des tableaux) ; ces quatre vers sans ponctuation se déroulent amplement comme la rêverie se déroulesans heurts dans l'esprit du poète.

Ce dernier vers est très musical (schéma : 4 - 2 - 2 - 4); il évoque une coupe de fruits, encoresuggérée par la répétition : "cueillaison"/ "cueilli" ; les allitérations en "c" sont un peu brutales, elles répètent une sorte de plainte dujeune homme en proie à sa songerie.Troisième partie : L'apparition proprement dite.Au vers 10, une brève évocation de la réalité morne, grise ("pavé vieilli").

Il s'agit peut-être des vieilles maisons de Sens aux ruesétroites et mal pavées.

Cette réalité sale va rehausser par contraste la beauté de l'apparition : le morne décor est soudain illuminépar le retour de la jeune fille, et la rêverie triste est magnifiée par le souvenir de la jeunesse du poète."Avec du soleil aux cheveux" : la chevelure blonde de la jeune fille Semble concentrer l'or des derniers rayons du soir.- Les quatre derniers vers du poème reprennent les quatre premiers en les transposant : la scène inanimée, figée, artificielle,devient une évocation de jeunesse, une scène épanouie, heureuse : aux "séraphins en pleurs" succède "la fée au chapeau declarté", être aussi irréel, mais combien plus vivant pour le poète: on retrouve ici la sensation visuelle des cheveux féminins qui onttoujours troublé Mallarmé (cf.

"Chevelure vol d'une flamme" ...

) ; la jeune fille rieuse est devenue une fée diaphane : mêmetransposition que chez Nerval.Le paysage figé, le "calme des fleurs" fait place à l'évocation du monde de l'enfance : "mes beaux sommeils d'enfant gâté"(Mallarmé fut en effet élève d'un riche pensionnat d'Auteuil).

Ici encore, comme chez Nerval, il y a un retour au royaume del'enfance.

Le rejet "Passait" du vers 15, marque un arrêt pendant lequel l'imagination continue de jouer : on semble voir réellementla fée passer devant nous.La dernière image, très longue, se déroule sur deux vers et correspond exactement à l'image des vers 3 et 4 ; mais ici aussi latransformation a eu lieu : les "violes" alanguies émettaient des sanglots, et maintenant ce sont les mains de la fée qui sèment desbouquets d'étoiles : on est passé de la mélancolie vague au bonheur d'enfant.

Cette dernière image est très gracieuse ; on peut larapprocher des vers de Hugo :…l'or qu'on voitLuire à travers les doigts de tes mains mal ferméesTous les biens de ce monde en grappes parfumées.(Chants du crépuscule.) Cette image a quelque chose de mystique (dans d'autres poèmes, on peut retrouver ces images desaintes répandant.

des fleurs) ; la musicalité du vers est très grande, et les correspondances nombreuses ("blancs bouquetsd'étoiles parfumées").

L'épithète "blancs" est la reprise de celle du vers 4.L'atmosphère de suavité immatérielle du début est ainsi rétablie et complétée ; les visions trop précises de la terre s'évanouissentgrâce à l'apparition et laissent la place au firmament étoilé pur et blanc.Ces exégèses pourront être rapprochées avec profit de l'une des dernières proposées: celle de Paul Bénichou dans SelonMallarmé (Gallimard 1995).

Les notes qui y sont données, en finale, sur la versification du poème sont utiles à l'explication detexte.Conclusion : Poésie de jeunesse dans laquelle Mallarmé manie en maître coupes et rejets, ménage des silences évocateurs.Importance déjà grande de la musique ; ce poème a d'ailleurs inspiré des musiciens : des contemporains cités par Mallarmé(Rossignol, Bailly, puis Debussy).

Grâce aux impressions et à la musique Mallarmé dépasse les simples sensations et noustransporte dans le rêve, dans le souvenir de l'enfance.. »

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