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Publié le 26/04/2011

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   La plus utile et la moins avancée de toutes les connaissances humaines me paraît être celle de l'homme; et j'ose dire que la seule inscription du temple de Delphes contenait un précepte plus important et plus difficile que tous les gros livres des moralistes. Aussi je regarde le sujet de ce Discours comme une des questions les plus intéressantes que la philosophie puisse proposer, et, malheureusement pour nous, comme une des plus épineuses que les philosophes puissent résoudre : car comment connaître la source de l'inégalité parmi les hommes, si l'on ne commence par les connaître eux-mêmes? et comment l'homme viendra-t-il à bout de se voir tel que l'a formé la nature, à travers tous les changements que la succession des temps et des choses a dû produire dans sa constitution originelle, et de démêler ce qu'il tient de son propre fonds d'avec ce que les circonstances et ses progrès ont ajouté ou changé à son état primitif? Semblable à la statue de Glaucus, que le temps, la mer et les orages avaient tellement défigurée qu'elle ressemblait moins à un dieu qu'à une bête féroce, l'âme humaine, altérée au sein de la société par mille causes sans cesse renaissantes, par l'acquisition d'une multitude de connaissances et d'erreurs, par les changements arrivés à la constitution du corps, et par le choc continuel des passions, a pour ainsi dire changé d'apparence au point d'être presque méconnaissable; et l'on n'y retrouve plus, au lieu d'un être agissant toujours par des principes certains et invariables, au lieu de cette céleste et majestueuse simplicité dont son auteur l'avait empreinte, que le difforme contraste de la passion qui croit raisonner, et de l'entendement en délire.    Ce qu'il y a de plus cruel encore, c'est que tous les progrès de l'espèee humaine l'éloignant sans cesse de son état primitif, plus nous accumulons de nouvelles connaissances, plus nous nous ôtons les moyens d'acquérir la plus importante de toutes; et que c'est en un sens à force d'étudier l'homme que nous nous sommes mis hors d'état de le connaître.    Il est aisé de voir que c'est dans ces changements successifs de la constitution humaine qu'il faut chercher la première origine des différences qui distinguent les hommes, lesquels, d'un commun aveu, sont naturellement aussi égaux entre eux que l'étaient les animaux de chaque espèce avant que diverses causes physiques eussent introduit dans quelques-unes les variétés que nous y remarquons. En effet, il n'est pas concevable que ces premiers changements, par quelque moyen qu'ils soient arrivés, aient altéré tout à la fois et de la même manière, tous les individus de l'espèce; mais les uns s'étant perfectionnés ou détériorés, et ayant acquis diverses qualités, bonnes ou mauvaises, qui n'étaient point inhérentes à leur nature, les autres restèrent plus longtemps dans leur état originel : et tel fut parmi les hommes la première source de l'inégalité...    J.-J. Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes.

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