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L'art chez Bergson

Publié le 18/03/2011

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Comme à la science l'homme devrait, dans son existence, faire une place à l'art.    Comme la science, l'art joue un grand rôle dans la philosophie de Bergson.    L'art peut nous faire comprendre la vraie nature de la durée. Pour l'artiste, le temps n'est plus un accessoire. Ce n'est pas un intervalle qu'on puisse allonger ou raccourcir sans en modifier le contenu. La durée du travail artistique fait partie du travail même. Le temps d'invention ne fait qu'un avec l'invention.    L'art peut nous faire comprendre ce qu'est l'intuition. Il y a une intuition artistique comme il y a une intuition philosophique.    L'art peut nous faire comprendre ce qu'est l'évolution créatrice. L'art est création. Si, comme artisans, nous sommes géomètres, — prêts à admettre que tout se répète dans le monde, — comme artistes nous croyons à la spontanéité de la nature. L'œuvre d'art est imprévisible : la connaissance des éléments ne permet pas de deviner ce que sera l'œuvre achevée. Ce n'est pas un recommencement : « Quelle juxtaposition de courbes connues équivaudra jamais au coup de crayon d'un grand artiste ? « Et cependant, ces lignes originales sont « la fixation et comme la congélation d'un mouvement « ; ce qui aide à comprendre ce que peut être « une création de matière «.

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« L'artiste, parmi les manifestations extérieures de son sentiment, fixe celles que notre corps imitera machinalementquoique légèrement en les apercevant, et il nous replace ainsi dans l'état psychologique indéfinissable qui provoquaces mouvements.

Dès lors tombe la barrière que l'espace et le temps interposaient entre sa conscience et la nôtre.« Plus sera riche d'idées, gros de sensations et d'émotions le sentiment dans le cadre duquel il nous aura fait entrer,plus la beauté exprimée aura de profondeur ou d'élévation.

» Sous l'influence de l'art, nous découvrons alors, dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous, mille détailsqui ne nous avaient pas frappés, que nous avions perçus sans les avoir aperçus.

La représentation du monde quiétait d'abord celle de l'artiste, devient ensuite celle de tous.

La sincérité est communicative ; et la vérité porte enelle-même line puissance de conversion.

« Plus grande est l'œuvre et plus profonde la vérité entrevue, plus l'effetpourra s'en faire attendre, mais plus aussi cet effet tendra à devenir universel.

» — On s'explique ainsi que l'art, touten exprimant l'individuel, puisse peu à peu s'imposer à tous.

« L'universalité est ici dans l'effet produit, et non pasdans la cause ». Ainsi « l'art n'a d'autre objet que d'écarter les symboles pratiquement utiles, les généralités conventionnellement etsocialement acceptées, enfin tout ce qui nous masque la réalité, pour nous mettre face à face avec la réalité même». L'art nous révèle la nature. C'est d'un malentendu qu'est né le débat entre le réalisme et l'idéalisme dans l'art. « L'art n'est qu'une vision plus directe de la réalité.

Mais cette pureté de perception implique une rupture avec laconvention utile, un désintéressement inné et spécialement localisé du sens ou de la conscience, enfin une certaineimmatérialité de vie, qui est ce qu'on a toujours appelé de l'idéalisme.

De sorte qu'on pourrait dire, sans joueraucunement sur le sens des mots, que le réalisme est dans l'œuvre quand l'idéalisme est dans l'âme, et que c'est àforce d'idéalité seulement qu'on reprend contact avec la réalité.

» Bergson applique ces idées générales aux différents arts. Le peintre perçoit les couleurs pour elles-mêmes, découvre, à travers elles, la vie intérieure des choses, et la faitpénétrer dans notre perception d'abord déconcertée.

Il nous détache des préjugés qui s'interposaient entre notreœil et la réalité.

Il nous révèle ainsi la nature.

Un Turner, un Corot imposent leur façon de voir le monde. La vision mentale du peintre est d'abord un acte simple qui se projette ensuite sur la toile.

Dans une Notice surRavaisson, lue à l'Académie des sciences morales, Bergson analyse le sentiment éprouvé devant le portrait deMonna Lisa ou de Lucrezia Crivelli : « Ne nous semble-t-il pas que les lignes visibles de la figure remontent vers uncentre virtuel, situé derrière la toile, où se découvrirait tout d'un coup, ramassé en un seul mot, le secret que nousn'aurons jamais fini de lire phrase par phrase dans l'énigmatique physionomie ? C'est là que le peintre s'est placé.C'est en développant une vision mentale simple, concentrée en un point, qu'il a retrouvé, trait pour trait, le modèlequ'il avait sous les yeux, reproduisant à sa manière l'effort générateur de la nature.

» Comme le peintre est séduit par les couleurs, le sculpteur est attiré par les formes.

« La pâle immobilité de la pierredonne au sentiment exprimé, au mouvement commencé je ne sais quoi de définitif et d'éternel, où notre volonté seperd.

» L'architecture agit à la fois sur nous par l'immobilité et par le rythme.

La symétrie des formes, la répétition indéfiniedu même motif architectural, font osciller notre faculté de percevoir entre des points fixes.

Nous devenons alorsaccessibles aux idées exprimées et aux sentiments suggérés. Le littérateur s'intéresse surtout à la vie intérieure, et, par des arrangements rythmés de mots, arrive à noussuggérer ce que le langage n'était pas fait pour exprimer. Le dramaturge veut nous révéler une réalité profonde voilée par les nécessités de l'existence, la vie ardente ducœur cachée sous la couche superficielle des intérêts sociaux et des devoirs, « l'élément tragique de notrepersonnalité ».

Le dramaturge, comme le romancier, conçoit un sentiment à matérialiser en personnages, une thèseà développer en événements : il va (on l'a constaté en étudiant l'effort intellectuel) d'un schéma à des images. Au drame s'oppose la comédie qui, selon Bergson, est le seul art du général.

C'est qu'elle n'est pas désintéresséecomme l'art pur : elle vise à corriger les travers qui nuisent à la vie sociale, des singularités susceptibles de sereproduire, « des singularités communes ».

Aussi le titre d'une comédie est-il souvent un nom de genre : l'Avare, leMisanthrope. Chez le poète, un sentiment original se développe en images, et ces images, en paroles dociles au rythme.

« Notreâme, bercée et endormie, s'oublie comme en un rêve pour penser et pour voir avec le poète.

» — En l'entendant,nous pouvons nous insérer dans le sentiment de l'artiste, revivre l'état simple qu'il a éparpillé en mots.

Noussympathisons avec son inspiration, nous le suivons d'un mouvement continu qui est, comme l'inspiration elle-même,un acte indivisé.

Si notre attention se relâche et se disperse, nous entendons nettement les sons, nous distinguons. »

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