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L'art n'est-il qu'un divertissement ?

Publié le 28/01/2004

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Le détournement qu'elle exprime implique une captation de l'esprit du spectateur. Chateaubriand fut surnommé l'Enchanteur. Comment se fait-il que nous soyons séduits au point de trouver désirable de regarder des spectacles portant sur des sujets que nous ne supportons pas dans la vie courante. Dans son Art poétique, Boileau note « qu'il n'est pas de serpents ou de monstres odieux qui par l'art imité ne puissent plaire aux yeux ». Cette phrase nous avertit de la puissance de l'imitation. Ce terme fait d'abord songer à une simple reproduction mais le travail de l'artiste nous montre qu'il s'agit plutôt d'une transfiguration. Hume le relève et l'étudie dans son essai sur la tragédie. Le cas s'y prête bien puisque les scènes sont particulièrement douloureuses. L'analyse de Hume met en relief le pouvoir du langage. L'éloquence des discours, le choix des mots et des rythmes agit contradictoirement sur l'esprit du spectateur.

L'art est illusion. Il offre aux sens et à l'esprit des mondes imaginaires. Ces mondes, parce qu'ils divertissent la pensée, la consolent d'avoir à supporter, à chaque instant, le poids écrasant de la conscience. Mais,  seuls ceux qui sont insensibles à l'art, et qui donc n'en saisissent pas l'essence, peuvent croire que sa fonction est de divertir. en réalité, l'art n'a rien d'un jeu. Il est une quête de vérité et de perfection.

« Les réflexions de Hume nous instruisent en nous montrant qu'un artiste a le pouvoir de ravir son auditoire, c'est-à-dire de le posséder en l'enchantant.

Ce point rend nécessaire une interrogation sur la finalité de cette opération.

Necomporte-t-elle pas certains dangers ? 2.

L'artiste en procès A.

La vanité de l'artisteLe pouvoir de l'imitation n'a pas échappé à Pascal qui fustige la vanité de la peinture en notant qu'elle fait admirerdes objets auxquels nous ne prêtons pas attention au quotidien.

La vanité est un simulacre.

Elle donne l'apparenced'une présence ou d'une qualité quand elle repose sur son contraire.Elle fait triompher le néant sur l'être véritable.

Le cas de l'artiste est donc grave.

Pascal analyse finement le goût del'homme pour le divertissement et retrouve la même logique.

Nous n'aimons pas les spectacles pour eux-mêmes maisparce qu'ils nous détournent de la considération de notre vide intérieur.

Les hommes sont incapables de supporter laconscience de leurs faiblesses et de leur mortalité.

Ils cherchent donc à l'oublier.

L'artiste est ainsi le complice d'unaveuglement.

Illusionniste, il doit sa puissance à la force d'un penchant universel à désirer l'illusion comme le baumemomentané à nos angoisses ou à notre dégoût.

Nous pourrions dire que c'est un fantaisiste, en rappelant que cemot renvoie à l'origine au pouvoir de l'imagination.

La fuite dans l'irréalité des représentations prend ainsi, pour quisait la lire, une valeur métaphysique.

Celle d'un avertissement concernant la vérité de notre condition. B.

Le mépris de la véritéLa critique pascalienne démasque l'envers du plaisir pris aux oeuvres.

Cette satisfaction ne saurait être que demauvaise qualité.

De fait, il est aisé de voir que bien des spectacles ne cherchent qu'à exciter.

Leurs auteurs neméritent pas le titre d'artiste mais de démagogue.

Il est cependant plus troublant de s'apercevoir que des créateursconsidérables ont pu être critiqués au nom d'une conception de la vérité.

Dans la Lettre à d 'Alembert sur lesspectacles, Rousseau reproche au théâtre de flatter notre égoïsme.

Une injustice mise en scène nous émeut car ellene nous touche pas réellement.

Notre conduite le prouve.

Nous la supportons sans rien dire lorsque nous larencontrons hors de la salle et il nous arrive même d'en commettre de similaires.

Rousseau en déduit que le théâtredétourne notre jugement et notre sens moral en éloignant ce qu'il nous montre parce qu'il le représente.

Il reprocheainsi à Molière d'avoir ridiculisé l'honnête mais peu aimable Alceste au profit de la fausse vertu de Philinte.

Lacondamnation prononcée par Pascal s'aggrave.

L'artiste est désormais celui qui aveugle sciemment son auditoire caril sait que la salle aime rire.

La vérité à laquelle nous croyons n'est que la façon dont il nous séduit.

C'est unsophiste.

Ce procès prend son origine chez Platon qui, dans la République, qualifie le peintre d'imitateur d'apparences.

L'artisan fabrique des objets réels, utilisables.

S'ils sonttoujours imparfaits par rapport à un modèle que Platon nomme Idée, ils ont lemérite de chercher à y correspondre de leur mieux.

L'artiste, à l'inverse,cherche à se dérober en produisant des images charmantes qui égarent enséduisant.

L'artiste, parce qu'il crée des fictions, est l'homme du non-être, dusimulacre.

Le divertissement est donc un acte immoral qui ravit l'esprit en lesoustrayant à sa tâche, la connaissance de la vérité. [Transition] Ces analyses nous obligent à considérer de plus près la dimension del'apparence.

Celle-ci est généralement décriée comme étant trompeuse maisson cas est plus complexe.

Elle désigne d'abord ce qui apparaît. 3.

Art et vérité A.

Simulacre ou apparition ?La critique classique de l'apparence l'oppose à l'essence comme le superficielà ce qui est capital et finalement le faux au vrai.

Il faudrait donc dépasser lesapparences et ne jamais s'y fier.

Pour convaincant qu'il soit, ce propos oubliede penser que la vérité n'est possible qu'à la condition de se manifester.Comment saurions-nous sinon qu'elle existe ? Hegel a souligné cettenécessité.

Dès lors, nous devons nous situer dans le registre plus large de l'apparition ou du phénomène.

Hegelrefuse la séparation rigide d'un extérieur fatalement trompeur et d'une intériorité précieuse.

L'apparition marquel'entrée de la chose dans le champ de l'existence concrète.

Même Dieu dut apparaître.

Une vérité qui semaintiendrait « pure » au-delà du champ des phénomènes serait une pure abstraction sans effectivité.

Cesconsidérations théoriques intéressent notre sujet car l'artiste a nécessairement rapport au domaine sensible.

Bienque sa pratique demande de la culture et de la réflexion, il n'est pas un intellectuel qui se meut dans le seul domainedes idées.

L'oeuvre d'art s'adresse à la vue et à l'ouïe, voire aux autres sens.' Il reste à savoir si cette manifestationrelève du divertissement coupable. B.

Le dévoilementDans la conférence qu'il consacre à La Perception du changement, Bergson juge que l'artiste est un révélateur etdonne en exemple Turner et Corot.

L'émotion qui nous saisit lorsque nous voyons leurs tableaux vient du fait qu'ilsont fixé ce que nous percevions sans l'apercevoir.

La vie courante contraint notre vision à ne retenir du monde quece qui nous permet d'agir sur lui.

Cette subordination à des impératifs utilitaires a pour conséquence un. »

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