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L'art doit-il s'adresser à la raison ?

Publié le 24/02/2004

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Il ne se réduit pas à l'exaltation du sentiment, au jeu, à l'expression personnelle. Si l'oeuvre d'art s'offre aux sens, agit sur notre sensibilité, elle n'en présente pas moins, bien au contraire, une valeur intellectuelle. « L'art occupe le milieu entre le sensible pur et la pensée pure « signifie d'abord que si l'oeuvre d'art se présente comme un objet, offert aux sens, elle vise la pensée et possède un contenu spirituel de la plus haute importance. Si: «L'homme s'est toujours servi de l'art comme d'un moyen de prendre conscience des idées et des Intérêts les plus élevés de son esprit, les peuples ont déposé leurs conceptions les plus hautes dans les productions de l'art, les ont exprimées et en ont pris conscience par le moyen de l'art. « C'est que: « la plus haute destination de l'art est celle qui lui est commune avec la religion et la philosophie «. Il suffirait pour s'en convaincre de se souvenir de ce que furent la tragédie grecque ou l'architecture médiévale. Formidable moyen d'éducation, l'art religieux manifeste l'expansion du christianisme comme il permet d'apprendre à la population illettrée l'histoire sainte. La tragédie grecque, véritable institution politique (la totalité des citoyens assistait aux concours tragiques), représente un moyen pour la cité de s'interroger sur elle-même, sur ses mythes, sur ses valeurs, sur la place respective des dieux et des hommes, sur la responsabilité humaine, etc. Dans l'art véritable n'apparaît pas seulement l'expression personnelle du génie de l'artiste, mais aussi toutes les interrogations et les conceptions d'une époque qui se donnent une forme objective (celle de l'oeuvre); l'oeuvre est moyen pour l'esprit de se contempler lui-même. Le génie d'un peuple, « ses idées et ses intérêts les plus hauts « sont extériorisés par le moyen de l'oeuvre d'art.

L'art n'est pas une imitation de la nature, mais une création de l'esprit. Dès lors, on peut soutenir qu'il adresse moins aux sens qu'à la raison. Mais, l'art n'est pas purement théorique ou métaphysique. L'art est du domaine de la sensibilité qui dépasse les cadres de la pensée consciente et abstraite.

  • I) L'art doit s'adresser à la raison.

a) Nos sens relèvent de la nature. b) L'art est rationnel. c) C'est dans l'esprit que la sensation se forme.

  • II) L'art ne doit pas s'adresser à la raison.

a) L'art n'est pas rationnel. b) Le pouvoir de la raison est limité. c) L'art se situe au-delà de la raison.

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« « l'oeuvre d'art est un moyen à l'aide duquel l'homme extériorise ce qu'il est », c'est-à-dire prend consciencede ce qu'il est.

Ainsi, quelle que soit la part d'apparence et d'emprunt au sensible qui se manifeste dansl'oeuvre: « ces formes ou ces sons sensibles, l'art les crée non pour eux-mêmes et tels qu'ils existent dans laréalité immédiate, mais pour la satisfaction d'intérêts spirituels supérieurs ».Si l'on voit alors clairement pourquoi: « l'art occupe le milieu entre le sensible pur et la pensée pure », reste àlever deux objections.

Celle qui fait de l'activité artistique une simple imitation de la nature, ou celle qui nevoit dans l'art qu'un simple jeu d'apparence et d'illusion.Hegel n'a pas de phrases trop dures pour ceux qui font de l'art une simple imitation de la nature.

« Il y a desportraits dont on a dit spirituellement qu'ils sont ressemblants jusqu'à la nausée.

» Si l'oeuvre n'était qu'unesimple copie de la nature, elle n'aurait aucune valeur.

En effet, créer se réduirait à une simple routine, à unehabileté, puisque le contenu de l'oeuvre et sa matière seraient fournis par le modèle.

L'homme n'y produiraitrien de lui-même.

En ce cas, l'homme pourrait « être fier d'avoir inventé le marteau, le clou, car ce sont desinventions originales et non imitées».De même, voir dans l'oeuvre un simple jeu, un simple travail d'illusionniste est méconnaître l'activité artistique.En déclarant:« L'art creuse un abîme entre l'apparence et l'illusion de ce monde mauvais et périssable d'une part, et lecontenu vrai des événements de l'autre, pour revêtir ces événements et phénomènes d'une réalité plus haute,celle de l'esprit.

» Hegel retrouve en partie une leçon d' Aristote; l'art débarrasse les événements réels de leur contingence, deleurs impuretés, d'un fatras de détails, pour en dévoiler l'essence et la vérité.

Ce qu'il y a d'apparence dansl'art n'est pas de l'ordre de l'illusion et du mensonge, mais au contraire, de l'essentiel.

L'art épure le réel(immédiat) pour en dévoiler l'essence.La mise en évidence du caractère hautement spirituel de l'art ne reste pas chez Hegel un simple constatthéorique.

Outre les analyses d'oeuvres présentes dans l'Esthétique, des études d'oeuvres littérairesponctuent tout le second tome de la « Phénoménologie de l'esprit »: l' « Antigone » de Sophocle, le « Neveude Rameau » de Diderot, « Michel Kohlhaas » de Kleist ou « Les Brigands » de Schiller servent à étudier lesmoments à la fois historiques et logiques qui ont présidé à leur création.

Et Hegel se fait fort de démontrerl'intérêt philosophique majeur de tels écrits.Cependant, la richesse et la présentation sensible qu'offre l'art en constituent aussi les limites.

On a vu que «l'art occupe le milieu entre le sensible pur et la pensée pure », c'est-à-dire que: « le contenu d'une oeuvred'art est tel que, tout en étant d'ordre spirituel, il ne peut être représenté que sous une forme naturelle ».Si l'art, en effet, recèle un contenu spirituel, offrant des affinités avec la religion et la philosophie, on a vuqu'il consistait à offrir ce contenu sous une forme sensible, objective, au moyen de formes, de couleurs, etc.L'oeuvre présente une « indivision du sensible et de l'intelligible ».On ne peut, pour parler grossièrement, séparer fond et forme, et l'oeuvre n'est pas l'illustration sensible d uneidée déjà là.

Ce qu'a à nous dire Racine n'est pas dissociable de son écriture; il n'y a pas un messagepréexistant puis un « moyen » de le faire passer.

Les oeuvres qui se contentent d'illustrer une thèse sontgénéralement décevantes et plates.Or cette façon de présenter de façon plus immédiate, plus sensible qu'un ouvrage conceptuel (un traité demétaphysique par exemple) un contenu spirituel, marque à la fois l'intérêt majeur de l'art et ses limites.

Eneffet d'une part (on y reviendra), il y a des contenus tels que leur expression sensible est inadéquate, d'autrepart :«Ce mode de production peut être comparé à celui d'un homme expérimenté qui, tout en connaissant la vie etses contingences, ne réussit pas à formuler son expérience en règles, mais a toujours devant ses yeux les casisolés qu'il avait connus tout en étant capable de se livrer à des réflexions générales, (il) ne sait expliciter sonexpérience concrète que dans des récits portant sur des cas isolés.

»A l'art fait défaut la généralité ou l'universalité du concept, de la science.

L'art est nécessairement, parce qu'ildoit emprunter une forme sensible (telle statue, tel tableau avec tel sujet, telle composition), réduit à laparticularité.C'est donc la contradiction entre le contenu de l'art (qui est spirituel) et sa forme (nécessairement sensible)qui en marquerait les limites.

Hegel l'exprime avec la plus grande clarté. « Toute notre culture est devenue telle qu'elle est dominée tout entière par la règle générale, par la loi.

C'estdevenu pour notre intelligence une habitude, presque une seconde nature, de définir le particulier d'après desprincipes généraux; devoir, droit, principe, maxime, etc.

Ce que nous exigeons d'une oeuvre d'art, c'est qu'elleparticipe à la vie, et nous exigeons de l'art en général qu'il ne soit pas dominé par des abstractions telles quela loi, le droit, la maxime, que la généralité qui s'y exprime ne soit pas étrangère au coeur, au sentiment, quel'image existe dans l'imagination sous forme concrète.

» Il y a une contradiction entre notre culture et l'art.

Si l'art est « une chose du passé», ce n'est pas que l'artn'existe plus, ne soit plus intéressant.

Mais le contenu de notre culture (essentiellement abstraite etgénérale), de notre religion (le contenu du christianisme, ou de tout monothéisme est inapte à l'expressionsensible, d'où le second commandement), est impropre au mode d'exposition artistique.

Ce qui signifie quel'art, s'il est un mode d'expression de la vérité, du spirituel, un moyen pour l'homme de prendre conscience delui-même et de ses intérêts, l'art donc, n'est pas le mode d'expression le plus haut de la vérité. L'intérêt du discours hégélien est de souligner contre un certain nombre de conceptions courantes (encore. »

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