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L'art doit-il nous rendre heureux ?

Publié le 09/09/2004

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Cette hésitation fait ressortir les ambiguïtés liées au thème de la reconnaissance, au problème de savoir comment on peut reconnaître la beauté et l'art - en particulier la question de savoir s'ils entretiennent un quelconque rapport avec la raison. On s'accorde en général à lier l'idée de la beauté avec celle du plaisir : le beau, c'est d'abord, semble-t-il, ce qui plaît. Cette notion nous renvoie au domaine des sens ou de la sensibilité. Le statut de la pensée, ou de la réflexion, devient dès lors problématique : doit-elle être exclue du plaisir esthétique, comme quelque chose qui en quelque sorte le " parasiterait «, ou peut-elle au contraire y être associée ? Quels rapports entretiennent alors la sensibilité et la raison dans l'expérience esthétique ? Peut-on prétendre interpréter et expliquer une oeuvre ? On se demande si toute oeuvre d'art doit nécessairement avoir un sens, ou si elle peut être absurde. Est-il nécessaire que le sens que nous trouvons dans l'oeuvre ait été voulu ou choisi par l'auteur, qu'il résulte d'une intention de dire ? On peut s'interroger par ailleurs sur ce qui fait la matière de la communication : s'agit-il d'exprimer des idées, ou de communiquer seulement une émotion ? Le processus est-il conscient ou inconscient ?

« IVe siècle avant J.-C., avec le sang, la lymphe et la bile jaune ; et c'est le déséquilibre provoqué par l'accumulationde « substances noires » néfastes qui amène anxiété, tristesse et même frénésie.

« Si crainte et tristesse durentlongtemps, un tel état est mélancolique », lit-on dans les Aphorismes d'Hippocrate.

Ce qui, de cette traditiongrecque, présente de nos jours un intérêt clinique bien au-delà des périodes du Moyen Âge et de la Renaissancequ'elle a dominées entièrement.

C'est non seulement la finesse des analyses portant sur la succession d'épisodes àla fois dépressifs et maniaques chez un même sujet mais encore la pertinence d'observations que l'on tendactuellement à négliger, à force peut-être de les avoir écartées par une classification réductrice : l'aura de« génialité » qui accompagne généralement le sujet mélancolique et le débordement d'humeur qui le submerge.

La« génialité », sur laquelle insistent les péripatéticiens, toucherait au mécanisme de la mélancolie et le débordementd'humeur.

Un trait mélancolique que l'on retrouve selon ces auteurs chez les artistes.

Aussi, il est donc décritl'obsession du travail chez Masaccio ou Uccello, opposée à l'oisiveté créatrice dans laquelle serait tombé Sebastianodel Piombo, selon Vasari.

Suit une galerie d'excentriques (Piero di Cosimo, Jacopo Pontormo), d'asthéniques(Léonard), de maniaques ou d'obsessionnels (ainsi Gérard Dou, obsédé par la propreté).

Au centre de l'ouvrage, setrouvent les « génies, fous et mélancoliques », c'est-à-dire les tempéraments que la tradition définit comme« saturniens » (Hugo van der Goes, Annibale Carrache, Elsheimer).

Des tempéraments, on passe aux actes : suicides(Rosso Fiorentino, Francesco Bassano, Francesco Borromini, ce dernier schizophrène) ; vie licencieuse (Raphaël,Sodoma) ; crimes, délits et fraudes (Veit Stoss, Caravage). 4) Mais la folie et le malheur ne sont pas des facteurs de création.

Il n'y a pas d'art psychopathologique ; l'aliénation – la « folie » – n'est en aucun cas le ressort de la création (saufà y intervenir à titre de cause occasionnelle, de facteur propre à favoriser, comme on le voit chez certainsschizophrènes, la rupture avec les normes culturelles, celles-là qui ont prise sur les couches les plus superficielles dela psyché).

D'autre part, les productions de tels que la société exclut de son ordre (ou qui choisissent de s'enexclure) témoignent, dans leur forme autant que dans leur référent, d'une variété, d'une capacité d'invention quiétonne, ne présentant guère, en fait, de traits communs que la marque d'une égale différence, d'un écartcomparable par rapport à l'art établi.

Ces œuvres enfin, pour étrangères qu'elles soient au circuit institutionnel de laproduction et de la consommation d'art, n'en possèdent pas moins un pouvoir d'attraction, une efficace d'autantplus surprenante qu'elles ne sont pas destinées à l'usage d'autrui ; pas plus d'ailleurs qu'à celui de leur auteur, lequelest généralement moins intéressé à leur conservation qu'à leur production, au procès de cette production, exclusifde toute idée d'achèvement, voire de tout repentir, de toute correction en cours d'exécution. 5)Le but de l'artiste est de créer. Comme tout phénomène humain, la création a des conditions sociales déterminées, qui consistent dans l'existence,d'une part, de certains moyens techniques qui sont mis à la disposition du créateur, d'autre part, de certainesexigences qui sont celles de la société de l'époque.

Cela explique la parenté de créations appartenant à un mêmemoment de l'histoire, comme la simultanéité de certaines inventions (on rappelle souvent que Newton et Leibnizinventèrent en même temps le calcul infinitésimal).

Mais si la structure sociale en sa totalité exerce son influencesur la création d'une œuvre, celle-ci a pour horizon proche la région déterminée de la culture dans laquelle elle prendplace.

D'emblée, le créateur vit dans le monde qui lui est propre, par exemple, celui de l'art et de tel art.

AndréMalraux a répété que le peintre ne crée pas dans un contact direct avec la nature, mais la retrouve médiatement àpartir d'une rencontre prolongée avec les artistes qui l'ont précédé, que « l'art ne naît de la vie qu'à travers un artantérieur » ( Les Voix du silence ).

Sinon, il n'y aurait pas une « histoire » de l'art, mais une profusion naturelle d'œuvres indifférentes les unes aux autres.

Le créateur est d'abord celui qui saisit comme négatif cet acquis cultureldont il s'est imprégné.

L'œuvre à créer s'anticipe dans cette insuffisance qui, dans la culture existante, manifeste aucréateur la nécessité de sa propre vocation et justifie une entreprise encore tâtonnante.

Aussi, on a exprimé cette nécessité avec laquelle le thème s'impose, en parlant de l'inspiration, de l'enthousiasme par lequel un pouvoir divinou démoniaque s'empare du créateur ; mais, rejetant ce romantisme, la lucidité psychanalytique a soupçonné icila contrainte naturelle des tendances profondes de l'inconscient : à la suite de Freud, on a voulu expliquer le thème par les fixations affectives de l'enfance.

La conception de l'œuvre est de nature plus biologique qu'intellectuelle, cequi explique qu'elle ne soit aucunement la possession translucide, par le créateur, du concept de son œuvre.

Lacréation est l'unité du moment de l'invention du thème et de celui de sa réalisation.

Cette identité du savoir et dufaire exclut que la création soit simplement la réalisation d'une idée saisie en tout son contenu ou d'un « schémadynamique » (Bergson) ayant seulement à se concrétiser.

En effet, le créateur ne sait ce qu'il va faire, ce qu'il veutfaire, qu'une fois qu'il l'a fait ; nous devrions même dire : qu'une fois que cela s'est fait en lui. Conclusion.. »

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