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L'art est-il évasion hors du monde?

Publié le 02/01/2005

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Une autre personne que Léonard n'aurait sans doute pas réussi à soustraire la plus grande partie de ses pulsions sexuelles au refoulement par la sublimation en soif de savoir. Il aurait pu en résulter soit un dépérissement du travail intellectuel soit une névrose de type obsessionnel dont quelques traits se retrouvent d'ailleurs dans la biographie de Léonard. Il semble que, dans son cas, la curiosité sexuelle infantile prédominante se sublima en productions scientifiques et artistiques, cependant qu'une faible part de la libido reste orientée vers un but sexuel, et encore, par suite de la fixation à la mère, sous une forme homosexuelle. Freud reconnaît les limites d'une telle biographie psychanalytique. Il se défend de vouloir expliquer le génie par la psychopathologie. Au XIXe siècle une certaine exaltation romantique conduisit à expliquer la supériorité du grand homme par le trouble mental et des psychiatres en ont fait la théorie. Mais penser que tous les génies sont fous n'est pas même rassurant pour la médiocrité de l'homme ordinaire, car la réciproque n'est sûrement pas vraie ! Récemment encore des tonnes de papier ont été consacrées aux aspects les plus pathétiques de la vie de Vincent Van Gogh, sans rien nous apprendre sur son art. Selon une formule rapide mais juste, Van Gogh n'a pas peint des chefs d'oeuvre parce qu'il était fou mais contre sa folie. Depuis Freud, de nombreuses biographies d'écrivains, d'artistes, de penseurs utilisent plus ou moins bien la psychanalyse et souvent sans rigueur. Aucun n'a fait avancer en quoi que ce soit, la question débattue depuis Sainte Beuve des rapports de la vie et de l'oeuvre d'un créateur.

« · La seconde, ensemble des êtres naturels ou artificiels, est seconde, sa réalité est moindre, dans la mesure où elle est imitation de la première.

Les êtres naturels doivent leur existence à un Démiurge qui a façonnéla matière en contemplant le monde des Idées (« Timée » ).

De même le bon artisan fabrique son objet en se réglant sur son Idée.

Ces êtres ont moins de réalité que les Idées puisqu'ils se contentent de les imiter. · La troisième, la plus éloignée de la réalité telle qu'elle est en elle-même, est celle produite par le peintre puisqu'ilimite ce qui est déjà une imitation.

Elle est donc un presque rien, n'a pas plus de réalité que notre reflet dans lemiroir.

Elle est le reflet d'une apparence.

En fait, il n'y a rien à voir. Au nom de la vérité Platon critique l'art.

Les fondements de cette critique sont: la définition de l'art comme imitation, reproduction de la réalité sensible et à la définition de la réalité sensible comme apparence, apparencetrompeuse, apparence du vrai.

Non seulement l'artiste ne produit que des apparences et en accentue la puissancetrompeuse, mais encore il nous attache à ce monde des apparences en produisant des apparences qui plaisent,excitent les sens et l'imagination.

L'art, effet du désir sensible et des passions, les accroît en retour.

L'hommeraisonnable n'y a pas sa place.

L'art, ennemi de la vérité est ennemi de la morale.

On trouve ici la premièrecondamnation morale de l'art et par suite la première justification théorique de la censure artistique dont relèveencore la condamnation des « Fleurs du mal » au milieu du XXe.

Rousseau au XVIIIe, sur ce point fort différent des philosophes des Lumières, reprendra le flambeau de cette critique.

L'art n'élève pas l'âme, bien au contraire.Apparence, il joue le jeu des apparences.

Tout d'abord parce qu'il est, dans la société bourgeoise - société de lacomparaison, du faire-valoir, de l'hypocrisie, de la compétition -, indissociable d'une mise en scène sociale.

On vaau théâtre pour exhiber sa toilette et autres signes extérieurs de richesse, pour se comparer, médire, recueillir lespotins...

Ensuite parce qu'il nous plonge dans un monde fictif où nous pouvons à bon compte nous illusionner surnous-mêmes.

Par exemple nous versons de chaudes larmes en assistant an spectacle des malheurs d'autrui etnous restons froids et impassibles lorsque nous avons l'occasion de lui porter secours.

Mais cependant nous avonspu croire à notre bonté naturelle.

Pour Platon comme pour Rousseau l'art est un divertissement qui nous divertit, nous détourne de nous mêmes. Bien que Platon ne définisse pas l'art par la beauté, il est tout de même possible de nuancer son propos, à partir de la prise en compte de sa conception de la beauté.

Si l'art n'est que simulacre, la beauté existe en elle-même, elleest une Idée et précisément une des plus belles.

Qu'est-ce qu'un beau cheval ? N'est-ce pas un cheval conforme àl'Idée du cheval ou archétype, à l'idée de ce que doit être un cheval sensible pour être pleinement un Cheval.

Uncheval est plus ou moins beau et son degré de beauté est proportionnel à sa conformité au modèle idéal ou Idée.

Est beau ce qui est ce qu'il doit être, laid ce qui ne l'est pas.

Est beau ce qui est parfait.

Comme la perfection n'estpas de ce monde, comme le cheval dans le pré ne sera jamais la copie exacte et sans défaut du modèle maistoujours une imitation imparfaite, la beauté la plus grande, réelle, est celle des Idées.

Est beau ce qui existepleinement et ce qui existe pleinement ce sont les Idées.

La beauté est la perfection ou plénitude de l'Etre.

Lalaideur est l'imperfection, l'incomplétude.

Par conséquent, lorsque le peintre et le sculpteur reproduisent un beaucheval ou un beau corps d'athlète, leur œuvre, pâle esquisse de la beauté idéale, en est tout de même le reflet.

Lepoète inspiré est sorti de la caverne, a contemplé l'idée du Beau et peut entraîner dans son sillon ses auditeurs.Ainsi le jugement de Platon sur l'art ne peut pas être simple bien qu'il insiste davantage sur la définition de l'art comme simulacre pernicieux. La philosophie de l'art commence avec Platon par une condamnation.

Il faut renvoyer les poètes hors des murs de laCité.

Socrate rejette les discours écrits pour privilégier la parole, et la peinture n'est tenue que pour une imitationdégradée et inférieure d'une réalité par ailleurs déjà imitée des Idées.

Par ailleurs, poésie, peinture et musique nesont pas sensées exprimer la beauté.

Si l'art est condamnable, c'est qu'il est fondé sur la mimêsis, l'imitation.

Leschoses sont, et elles sont ce qu'elles sont par l'Idée qu'elles incarnent, qu'elles matérialisent.

L'Idée est l'essence oul'être vrai de chaque chose.

L'artisan fabrique des ustensiles en vue d'une Idée, il imite le modèle idéal pour en faireune chose.

Pour tout produire de la sorte, il suffirait de promener un miroir tout autour de nous pour restituer l'imageexacte des choses.

La "production" artistique se dit poiein : rendre présent.

Le tableau est un miroir, il ne produitpas les choses dans leur être mais dans leur apparence.

L'artisan quant à lui ne produit pas non plus l'être véritablequi est l'Idée, mais un analogon.

Il y a donc trois degrés à considérer : l'Idée, vraie, naturelle, unique, immuable,parfaite et identique à soi ; les choses ou les objets fabriqués par l'artisan, demiourgos qui incarne l'Idée en demultiples exemplaires ; la peinture des choses qui les reproduit dans leur apparence.

L'artiste est donc plus éloignéde la vérité que l'artisan.

L'art est une imitation du réel, non pas en ce qu'il est, mais en ce qu'il apparaît.

Il n'estcapable de produire que des simulacres ou des idoles. [2.

L'art comme échappatoire]Mais pourquoi l'artiste aurait-il besoin d'échapper à la réalité ? On le comprend si l'on confère à ce terme son sensplus commun d'environnement social.

La création artistique peut ainsi être conçue comme un moyen de fuir ce quinous déplaît ou nous frustre, voire de donner une satisfaction détournée à des désirs qui ne parviennent pas àtrouver une satisfaction dans le monde réel.

Aristote parle de « purgation de l'âme» ou de «catharsis» : lorsque l'onassiste à une pièce de théâtre représentant certaines passions de façon outrée, on purge en soi ces passions.Freud va plus loin à l'aide de la théorie psychanalytique.

Selon lui en effet, l'artiste est un «introverti qui frise lanévrose» (Introduction à la psychanalyse), c'est-à-dire un homme animé de désirs d'origine sexuelle que la réalité nesaurait satisfaire à cause des tabous, des interdits, des codes sociaux, etc.

Freud montre alors qu'il se détourne dela réalité par la création artistique.

En se concentrant sur sa vie imaginative et en se donnant les moyens del'incarner dans une oeuvre où chacun pourra se reconnaître, l'artiste supprime le refoulement de ses désirs inavoués. »

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