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Un art d'interpréter le futur peut-il être rationnel ?

Publié le 26/01/2004

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Nietzsche, Humain, trop humain. La proposition de Nietzsche est clairement fabriquée comme un système hypothétique, s'ouvrant sur un « si », énumérant toutes sortes d'impossibles : ces impossibles sont la condition même d'un art d'interpréter le futur, c'est-à-dire la condition d'impossibilité de celui-ci. Cette attitude peut facilement être interprétée comme la conséquence d'une angoisse fondamentale : les hommes naissent sont soumis à toute une série d'événements, ils n'ont pas de prise sur les événements en question. La possibilité de maîtriser le temps est l'évidente compensation à une existence qu'en termes modernes on ne pourrait alors considérer que comme absurde. Deuxième partie : Le temps rebelle « Deux augures ne peuvent se regarder sans rire. »  De divinatione, II, 24 Cicéron. Cette proposition largement ironique de Cicéron montre que, du temps même des oracles, un scepticisme prudent s'imposait. Si deux augures ne peuvent se regarder sans rire c'est qu'ils sont conscients de jouer une comédie et que l'authenticité de leurs prédictions est douteuse. Le caractère douteux de cette anticipation tient à une contradiction logique intrinsèque, qu'on ne peut pas savoir ce qui par définition n'est pas encore advenu. Ce qui n'est pas ne peut pas être.

Le mot « art « est employé dans cet intitulé en son sens ancien, désignant tout savoir- faire humain, toute pratique produisant un résultat non naturel (artificiel). Le futur est ce qui sera, avec la part d'imprévisibilité qui s'attache à tout ce qui n'est pas encore réalisé. D'où l'expression scolastique de futurs contingents pour désigner les événements à venir imprévisibles ou difficiles à maîtriser. On ne peut donc avoir aucune prise sérieuse sur des événements non advenus et l’avenir ne peut être l’objet que d’une interprétation c’est-à-dire qu’on cherche à donner une signification aux phénomènes mais qu’elle dépend largement d’un imaginaire individuel ou collectif. Cependant, l'interprétation étant un des moments fondamentaux de la compréhension, le mouvement qui la suscite ne peut pas être fondamentalement ignoré.

« quoi bon lutter pour soi-même, pour les autres, il ne sert qu'à dérouler le fil d'un enchaînement implacable.

« Nous nepouvons inférer les événements de l'avenir des événements présents.

- La croyance au rapport de cause à effet estla superstition.

» Tractatus logico-philosophicus , Wittgenstein. Troisième partie : Un rêve totalitaire Si la superstition peut toujours être conservée, dans le sens que Freud adésigné, c'est-à-dire comme petite magie personnelle, elle ne peut fairel'objet d'aucune application systématique.

La popularité de la voyance dansles sociétés modernes très développées est à l'image de la souffrance deshommes : face aux incertitudes terribles du lendemain on se réfugie dansl'illusion que peut-être quelqu'un pourrait nous débarrasser du hasard etremplacer celui-ci par des certitudes. Mais si l'art d'interpréter l'avenir demeure toujours aussi aléatoire il n'est pasnon plus de pensée qui ne soit à sa manière dans l'excès par rapport à sontemps.

« Que l'esprit humain renonce une fois pour toutes aux recherches métaphysiques, on doit tout aussi peu s'y attendre qu'à nous voir, pour nepas respirer un air impur, préférer suspendre totalement notre respiration.

»Kant, Prolégomènes à toute métaphysique future , 1783. La philosophie peut maintenir cette perspective d'une intelligence au-delà descontingences présentes et rêver d'un esprit capable de tout englober : « Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent [...] embrasserait dans la même formule lesmouvements des plus grands corps de l'univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, etl'avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux.

» Laplace, Essai philosophique sur les probabilités . Conclusion : "Nous proposons au contraire de considérer l'imagination comme une puissance majeure de la nature humaine ... L'imagination, dans ses vives actions, nous détache à la fois du passé et de la réalité.

Elle ouvre sur l'avenir... Comment prévoir sans imaginer ?" Bachelard, La poétique de l'espace. Cette dernière proposition de Bachelard nous permet de conclure à ce qu'il n'y a pas de rationalité de la divination mais qu'en revanche la puissance de l'imaginaire cultivée comme une prescience est extrêmement féconde et digne d'être encouragée.. »

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