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L'art est il un luxe ?

Publié le 26/03/2011

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« La vie imite l'art, bien plus que l'art n'imite la vie » disait Oscar Wilde en 1891 dans Intentions. Cela nous montre à quel point l’art est intimement mêlé à la vie des hommes, et cela de tout temps. L’art, qui peut prendre des formes incroyablement diverses, apparait souvent comme un objet de désir source de plaisir et de satisfaction pour l’homme. Ainsi, par cette importance que les hommes attachent à l’art, celui-ci prend parfois une véritable place dans leur vie, alors qu’il n’est en rien concrètement utile ou indispensable. Dans cette mesure, l’art qui n’est pas une stricte nécessité semble s’inscrire dans le superflu, rejoindre la dimension du luxe. Mais l’art n’est-il réellement qu’un ornement ? Aurait-il un si grand impact sur les hommes si il n’était que tel ? Peut-on réellement écarter l’art comme on le ferait envers un désir capricieux ? On peut alors s’interroger sur son rôle et sa valeur : L’art est-il un luxe ?

        Ainsi, on constatera d’abord que l’art et le luxe sont des éléments présents dans la vie quotidienne des hommes, et que l’aspect dispensable de l’art peut amener à penser qu’il s’inscrit dans le luxe, même si il semble dépasser cette dimension.

 

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         Tout d’abord, on constate que l’art et le luxe sont des éléments extrêmement présents dans la vie quotidienne des hommes, et que chacun se différencie de l’autre par des caractéristiques bien particulières.

         En ce qui concerne l’art, on s’accorde à dire, pour le définir simplement, qu’il s’agit une activité humaine, ou le produit de cette activité qui vise à agencer entre eux divers éléments dans le but de s’adresser délibérément aux sens, aux émotions et à l'intellect des individus. Comme le montre l’origine du mot, du latin Ars, artis « habileté, métier, connaissance technique », l’art est une activité à part entière. C’est un domaine qui nécessite des connaissances portant sur des procédés, méthodes, techniques, et requière également des talents d’habileté, d’adresse, c’est à dire une maîtrise de la part de l’artiste qui fait de l’art un véritable métier.

La difficulté de définir l’art tient souvent du fait qu’il peut prendre des formes excessivement variées, ainsi les définitions de ce concept varient selon les époques et les lieux, et aucune d'entre elles n'est universellement acceptée. Il sera en effet interprété selon le jugement de chacun. Selon l'usage le plus courant du mot au XXIe siècle, l'art englobe principalement les produits des

« beaux arts », c’est à dire les arts jugés nobles. Si l’on cite les formes les plus courantes de l’art, il s’agit de la peinture, la musique, la danse, le théâtre, l'architecture, la sculpture, la gravure, la littérature et la poésie, la photographie, la cinématographie. On ajoute désormais certains arts nouveaux tels que l’art culinaire, l’art de la table ou encore l’art floral. On peut également parler de mouvements artistique, qui est une manière de désigner un courant, un type d’art, reconnu comme tel par les personnes y appartenant, comme par exemple le cubisme pour la peinture ou le romantisme qui a englobé un grand nombre d’activités. L’art est donc un ensemble extrêmement diversifié qui entremêle l’ancien et le contemporain, l’abstrait et l’objectif, cela néanmoins dans la même dimension artistique, reconnaissable car il s’agit toujours d’une représentation, dont la forme par la suite varie. L’art est tellement vaste que l’on y associe même parfois des émotions, comme le fait Honoré de Balzac dans la recherche de l’absolu en disant \"L'amour n'est pas seulement un sentiment, il est un art aussi.\"

Reconnaître une activité ou une œuvre comme appartenant à l’art dépend souvent d’une notion de beauté, ce qui nous semble beau nous semble artistique. Néanmoins cette relation était davantage présente autrefois qu’elle ne l’est de nos jours, car la plupart des artistes recherche davantage le style ou l’originalité que la beauté et la splendeur.

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   *    D’autre part le gout de la splendeur, de la somptuosité et de l’opulence est également fréquemment rencontré chez les hommes. Ce faste est ce qui caractérise le luxe, qui est au sens strict lié au superflu, voire à l’inutile car il s’agit de tout ce dont on peut se dispenser. Le luxe désigne donc un mode de vie consistant à pratiquer des dépenses somptuaires et excessives, dans le but de s'entourer d'un raffinement somptueux ou par pur goût de l'ostentation, par opposition aux facteurs ne relevant que de la stricte nécessité. C’est pourquoi, par extension, le luxe inclut également tous les éléments et les pratiques permettant de parvenir à ce niveau de vie. Cet aspect d'inutilité est souvent le plus marquant de ceux du luxe, l’amenant ainsi à être souvent appréhendé péjorativement. Le luxe est donc naturellement associé à la richesse qui permet des investissements déraisonnables visant le pur agrément. Dans le luxe, la surabondance s'associe au superflu pour conférer un sentiment de grande aisance matérielle et de raffinement du goût. Ce penchant pour la magnificence et l’étalage caractérise donc par dessus tout le luxe tel qu’on le reconnait couramment. Par exemple, Paris a ainsi acquis dès le XVIIIème siècle une réputation d’étalage de grandeurs et de souci de splendeur, d’où son surnom de « capitale du luxe ». Le luxe, tout comme l’art, peut donc prendre des formes variées, bien que touchant souvent à la richesse et l’ornement. En effet, tout ce qui n’est pas essentiellement utile, c’est à dire rendant un service essentiel, peut être qualifié de luxueux et le luxe prend alors une dimension d’autant plus large.

      Ainsi, ces deux notions  pourtant différentes semblent pouvoir être associées dans une certaine mesure, car tout deux pouvant prendre des formes extrêmement variées, n’est-il pas possible que l’une d’entre elle associe luxe et art à la fois ? L’art pourrait donc dans cette mesure devenir un luxe.

 

           L’art, en tant qu’agrément humain, peut être considéré comme un véritable luxe puisqu’il ne s’inscrit pas dans l’utile et le vital.

          Pour commencer, l’art n’est pas indispensable aux hommes pour vivre.

Jean de La Fontaine, dans le Tome 1 des Fables disait « Nous faisons cas du beau, nous méprisons l'utile ». Cela nous montre que l’auteur lui même reconnaît que l’art ne présente pas d’utilité à part entière puisque ce qui prime est la recherche du beau et non de l’utile. Cela nous rappelle que l'art est sans utilité matérielle ou fonctionnelle, or dans cette mesure l’art est un luxe car il ne comble aucun besoin mais répond à un désir. En effet, le besoin est un manque dont la satisfaction est nécessaire à l’équilibre de notre organisme, à la survie de l’individu. A l’inverse, le désir est lui aussi caractérisé par le manque, mais l’objet de celui-ci n’est pas essentiel et déterminant pour que l’homme se maintienne en vie. L’art relève donc quant à lui d’un désir dont la satisfaction est contingente, c’est à dire que l’on peut décider de ne pas la satisfaire, et dont le manque est subjectif. Si son absence entraine de la frustration, cela relève davantage du caprice et témoigne bien que l’objet désiré relève du luxe.

 

           D’autre part, on peut penser que l’art s’est inscrit dans le luxe car il n’est plus apprécié pour ce qu’il est, mais souvent pour sa valeur, l’image qu’il confère par la possession qu’on en a. C’est un produit devenu de consommation au même titre que les autres, et donc par dessus tout l’objet d’un désir. Une œuvre d’art n’est plus appréciée pour la beauté qu’elle dégageait, les sentiments qu’elle suscitait mais pour l’ornement qu’elle représente. Si l’on prend l’exemple d’un tableau, il sera courant de constater qu’une personne l’achetant pour l’exposer chez elle le fera car il coute cher, provient d’un peintre célèbre et est connu de tous. Cela lui confère ainsi une certaine aura aux yeux des autres, et lui permet de s’associer à une somptuosité en faisant devenir sienne la renommée de l’œuvre. Il s’agit ici de mettre l’art au service de sa propre image, de sa propre gloire et renommée rien que par le fait de posséder une œuvre, sans pour autant y accorder aucune importance artistique. Utiliser l’art dans cette manière est le reflet le plus pur du luxe dans toute sa grandeur. Un produit de luxe représente avant tout un label de qualité : l'acheteur sait par avance qu'il a été produit grâce au savoir-faire si particulier d'une profession et est donc prêt à payer la rareté d'un tel produit. L’objet d’art n’est donc plus une œuvre artistique mais un simple produit de luxe, permettant d’accéder à ce mode de vie. Le fait que les œuvres d’art soient parfois devenues des marchandises montre l’excès de matérialisme croissant qui ne fait qu’amplifier cette tendance à l’abondance et à la prolifération matérielle. En effet, pour se fournir une image fastueuse bercée par la magnificence, il faut pousser le luxe à son maximum. C’est pour les gouts dits « de luxe », visent à se distinguer au plus au point de tout ce qui touche à l’utilitaire. Ainsi, les œuvres d’art sont devenues de parfaits produits et l’art s’inscrit encore davantage dans le luxe. La monétarisation de l’art en fait un produit de consommation visant à satisfaire les hommes, et perd ainsi sa véritable dimension artistique. Par exemple, le trafic d’œuvre d’art montre bien à quel point l’art est devenu un produit au même titre que les autres.

       L’art, n’étant pas indispensable aux hommes et visant à satisfaire des désirs superflus, peut être considéré comme un luxe. Néanmoins, n’est-il véritablement que cela ? Ne peut-il par sa diversité et sa subtilité être bien plus qu’un simple objet de luxe mais occuper une place à part entière dans la vie des hommes ? N'est-il pas un véritable besoin de l'esprit ? Dès lors, l'art ne serait pas un luxe mais une nécessité pour les hommes.

 

         Associer l’art à la seule dimension de luxe serait donc trop restrictif, car il semble, par la proximité qui le lie aux homme, la dépasser.

         Tout d’abord, l’art peut être un véritable domaine d’activité. Exigeant des capacités particulière et un savoir faire n’étant pas à la portée de tous, être artiste est une profession qui impose vocation et respect. Dans cette mesure, artiste est un métier à part entière. Or, dans nos sociétés avoir un emploi est nécessaire pour gagner de l’argent et ainsi pouvoir répondre aux besoins vitaux. Le fait de se mettre au service de l’art permet ici à l’artiste de gagner sa vie, ce n’est donc pas un luxe que de se dévouer à l’art.

        D’autre part, l’art reflète l’humanité propre aux hommes, et il leur est nécessaire pour affirmer cette dernière et vivre pleinement leur vie. En effet, l’homme n’est pas semblable aux autres animaux dans la mesure où il ne peut uniquement se contenter de satisfaire ses besoins vitaux. Si tout ce qui n’était pas strictement nécessaire à notre organisme était un luxe, qu’est-ce qui différencierait l’homme des autres animaux ? Si l’on prend l’exemple de la musique, écouter de la musique est en effet un luxe si l’on part du principe que cela n’est pas nécessaire biologiquement à l’homme. Néanmoins, il ne faut pas oublier que comme le disait Platon dans le Banquet « il y a désir de ce qu’il manque », c’est donc que l’homme ressent une absence, un manque, voire une privation. Or, si l’homme ressent ce manque et le besoin de se divertir en écoutant de la musique c’est parce qu’il est caractérisé par cette humanité qui le différencie des animaux, cette capacité à réfléchir, à penser, à se questionner et à éprouver des sentiments que peuvent nourrir l’art. On peut également prendre l’exemple du suicide, qui est une pratique strictement propre à l’espèce humaine. Aucune autre espèce ne commet volontairement l’acte de mettre fin à sa vie. Cela montre qu’un homme, bien qu’ayant satisfait ses besoins vitaux, nécessite autre chose pour vivre pleinement et souhaiter rester en vie. L’art peut faire partie de ces éléments dont a besoin l’homme, étant un moyen pour lui de s’évader s’exprimer et nourrir une âme, une conscience, une réflexion qui lui est nécessaire pour s’épanouir au cours de son existence. Plus que de survivre les hommes ont besoin de bien vivre, en poursuivant un certain idéal qui peut passer par la quête de justice, de liberté, ou de l’épanouissement que peut leur apporter l’art qui affirme cette humanité qui les distingue des autres animaux. En effet, l’homme est le seul à se représenter des buts, des intérêts, des valeurs. De plus, si l’homme se privait de tout ce qui est strictement inutile, il ferait notamment fit de nombreuses valeurs comme la générosité, le courage ou la politesse qui sont pourtant nécessaires et ne semblent pas relever du luxe. Le luxe ne peut donc, en toute évidence, pas être strictement associé à ce qui n’a pas d’utilité affirmée.

Par conséquent, l’art se rapproche d’une nécessité dans la vie de l’homme qui, en tant qu’être évolué, à besoin de s’épanouir convenablement, physiquement mais surtout psychologiquement. L’art n’est donc plus un luxe mais l’affirmation d’une humanité.

 

       Cela nous amène à affirmer que l’art n’est pas un luxe en raison de la personnalité et des besoins particuliers des hommes. Ces derniers ont une sensibilité qui leur est propre, ce qui peut les amener à chercher à s’exprimer, extérioriser, transmettre, faire part, exprimer ses doutes et cela, entre autres, à travers l’art que l’on soit soi même artiste ou que l’on profite d’une œuvre d’art. Oscar Wilde démontre cette utilité en disant « C'est par l'Art et par l'Art seul, que nous pouvons réaliser notre perfection ; par l'Art, et par l'Art seul que nous pouvons nous défendre des périls sordides de l'existence réelle. »

En conséquence de son humanité et de sa sensibilité, l’homme a donc particulièrement besoin de s’exprimer. Or, l’art est une manière de dialoguer et de transmettre à l’autre, ce qui constitue un élément fondamentale dans la vie des hommes. Le but de l’art est bien de faire ressentir, éprouver des sensations, exprimer des sentiments et susciter une réaction chez un lecteur, interlocuteur ou spectateur. Ainsi que l’affirmait Honoré de Balzac « La mission de l'art n'est pas de copier la nature, mais de l'exprimer ! », ce qui confirme l’importance de cette dimension d’expression. Les hommes vivant en société, ils ont parfois besoin de comprendre et tenter de maitriser cette relation à travers les arts pour mieux se comprendre eux même et comprendre les autres, et ainsi faciliter leurs relations en société. L’art, qui est l’application d’une créativité humaine, permet de produire l'illusion du vrai, de présenter comme vrai ce qui ne l'est pas et n'en a que l'apparence en utilisant le plaisir de sens. Cela peut permettre aux hommes de mieux comprendre le monde qui les entoure et ainsi appréhender la vie de façon plus positive. Fiedrich Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra expose d’ailleurs ce rôle essentiel en disant « La mission suprême de l'art consiste à libérer nos regards des terreurs obsédantes de la nuit, à nous guérir des douleurs convulsives que nous causent nos actes volontaires. »

L’art devient alors une quasi nécessité est n’est plus en aucun cas un luxe car il permet aux hommes de vivre pleinement leur vie.

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   *   Le libre arbitre de chacun et notre unicité nous amène à voir le monde qui nous entoure de manière différente, à l’appréhender selon la vision que l’on en a. C’est pourquoi certaines choses ne sont pas unanimement reconnues, ce qui est le cas de l’art. Souvent basé sur une notion de beauté, son appréciation diffère selon chacun. De plus, le caractère dispensable et même superflu de l’art en fait parfois un objet de luxe. L’art, ainsi considéré n’est autre qu’un désir visant à être satisfait et s’inscrit dans la dimension du luxe. Néanmoins, l’humanité, la sensibilité et la conscience de l’homme lui rendent nécessaire certains désirs, et l’art semble tenir une place non négligeable dans la vie des hommes car il contribue à renforcer cette humanité qui le distingue des autres animaux. L’art n’est donc pas un luxe porteur de superflu mais bien un élément fondamental de la vie des hommes.

   *    Si l’art semble nécessaire à l’homme et peut lui permettre de vivre pleinement sa vie, d’affirmer son humanité et de s’exprimer bien qu’il ne s’agisse pas d’un besoin vital, alors on peut se demander quels sont les autres éléments pourtant non essentiels mais qui paraissent indispensables à tout homme pour qu’il soit épanoui. Ainsi, quelles sont les conditions nécessaires à l’épanouissement de l’homme ?

 

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