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L'art peut-il s'enseigner?

Publié le 02/03/2005

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L'exemple de Beethoven est ici donné à l'appui. La grande oeuvre est le fruit de brouillons, de ratures, d'essais répétés, de sueur et de labeur. Tandis que le vrai créateur rejette et choisit, l'artiste de second ordre va se fier à la fonction du passé qui reproduit et il demeure au niveau de l'improvisation artistique, à savoir de ce qui est composé sur-le-champ et sans préparation réelle, à la hâte, à l'emporte-pièce, pourrait-on dire. Si nous comparons ce travail hâtif à l'idée, au dynamisme spirituel et au modèle véritable de la pensée, modèle correspondant à un effort et à une tension intellectuel, quelle différence ! D'un côté, la grande oeuvre et, de l'autre, le bas niveau de la réalisation: l'en deçà de l'oeuvre. Ainsi l'artiste médiocre multiplie-t-il les travaux rapides alors que le génie oeuvre sans cesse.   [Seule la technique peut s'enseigner. Pour l'art, il n'y a pas de recette.] La technique n'est pas l'art - Le génie ne s'enseigne pas. Kant nous fait bien comprendre cette spécificité irréductible du génie en comparant l'artiste au savant : « Newton pouvait non seulement pour lui, mais pour tout autre, décrire clairement, et déterminer pour ses successeurs, les démarches qu'il eut à faire depuis les premiers éléments de la géométrie, jusqu'à ses grandes et profondes découvertes ; mais aucun Homère, aucun Wieland ne pourrait montrer comment ses idées riches en poésie et pourtant lourdes de pensées surgissent et s'assemblent dans son cerveau, car lui-même ne le sait pas et il ne peut donc l'enseigner à un autre. En matière de science par conséquent il n'y a entre le plus grand inventeur et l'imitateur, l'apprenti le plus laborieux, qu'une différence de degrés, mais il y a une différence spécifique entre lui et celui que la nature a doué pour les beaux-arts ; on ne veut pourtant pas diminuer ces grands hommes auxquels l'humanité doit tout, par rapport à ceux qui par leur talent pour les beaux-arts sont des favoris de la nature.

Jusqu’au dix-huitième siècle, le terme « art « désignait l’ensemble des techniques de production d’artefacts : tel était encore le cas dans le Discours sur les sciences et les arts (1750) de Jean-Jacques Rousseau. Ainsi, l’activité de l’artiste et celle de l’artisan étaient recouvertes par le même terme. Or, il semble que ces deux activités ne soient pas entièrement réductibles l’une à l’autre, qu’elles possèdent chacune une spécificité à élucider. Par conséquent, il nous faudra au cours de ce travail préciser d’une part ce qui distingue l’art de l’horloger de celui du poète, l’activité du coutelier de celle du plasticien ; et toujours préciser à laquelle de ces deux activités singulières nous pensons lorsque nous employons le signifiant « art «. Lorsque nous nous demandons si quelque chose peut être enseigné, nous cherchons à déterminer s’il existe un savoir transmissible pour permettre la réalisation de ce quelque chose. L’idée d’enseignement implique plusieurs présupposés : l’existence d’une relation hiérarchique entre un maître, détenteur du savoir, et un élève, qui en est le réceptacle. Mais elle implique également la possibilité d’une transmission de la technique nécessaire pour la reproduction de l’objet ou de l’activité en question : la natation peut s’enseigner car il existe une technique corporelle, formulable et transmissible, permettant au néophyte de nager. En revanche, une activité dont la technique indispensable à la pratique ne saurait être transmise, ne peut être enseignée : nous nous demanderons si tel est le cas de l’art. Le problème qui guidera notre réflexion sera de déterminer quel concept d’art nous devons retenir, pour pouvoir affirmer que la technique de création artistique est réductible à un savoir transmissible par l’enseignement. Si nous pouvons commencer par voir dans quelle mesure l’activité de l’artisan est réductible à un savoir transmissible, nous verrons ensuite que l’activité de l’artiste, elle, ne l’est pas : loin de pouvoir s’enseigner, le propre de l’art est peut être de ne pouvoir se réduire à un enseignement. Mais nous verrons en dernier lieu que si l’art ne peut être enseigné, au sens où on ne forme pas un artiste comme on forme un artisan, il est en revanche possible de donner des règles dirigeant l’activité artistique, d’énoncer des axiomes sur lesquels s’édifient la construction solitaire d’une œuvre originale.

  • I) L'art peut s'enseigner.

a) La technique artistique s'enseigne. b) Les grands artistes ont eu des maîtres. c) Le goût esthétique se transmet.

  • II) L'art ne peut pas s'enseigner.

a) La technique n'est pas de l'art. b) Le génie ne se transmet pas. c) L'art ne peut s'expliquer.

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« que montre l'expression "en vérité": c'est un processus complexe que Nietzsche dévoile.L'imagination, la faculté psychique inventive, ne cesse pas, dans le cas de l'artiste, du créateur del'oeuvre d'art, mais aussi du penseur, celui qui s'applique à engendrer de nouvelles idées, de créer desthèmes souvent médiocres.

Toutefois, c'est le jugement, faculté par laquelle on pose judicieusement desrapports entre les notions, qui, quand il est rendu tranchant et pénétrant, répudie le mauvais et décide,faisant ainsi les vrais choix.

L'exemple de Beethoven est ici donné à l'appui.

La grande oeuvre est le fruitde brouillons, de ratures, d'essais répétés, de sueur et de labeur.Tandis que le vrai créateur rejette et choisit, l'artiste de second ordre va se fier à la fonction du passéqui reproduit et il demeure au niveau de l'improvisation artistique, à savoir de ce qui est composé sur-le-champ et sans préparation réelle, à la hâte, à l'emporte-pièce, pourrait-on dire.

Si nous comparons cetravail hâtif à l'idée, au dynamisme spirituel et au modèle véritable de la pensée, modèle correspondant àun effort et à une tension intellectuel, quelle différence ! D'un côté, la grande oeuvre et, de l'autre, lebas niveau de la réalisation: l'en deçà de l'oeuvre.

Ainsi l'artiste médiocre multiplie-t-il les travaux rapidesalors que le génie oeuvre sans cesse. [Seule la technique peut s'enseigner.

Pour l'art, il n'y a pas de recette.] La technique n'est pas l'art - Le génie ne s'enseigne pas. Kant nous fait bien comprendre cette spécificité irréductible du génieen comparant l'artiste au savant : « Newton pouvait non seulementpour lui, mais pour tout autre, décrire clairement, et déterminer pourses successeurs, les démarches qu'il eut à faire depuis les premierséléments de la géométrie, jusqu'à ses grandes et profondesdécouvertes ; mais aucun Homère, aucun Wieland ne pourrait montrercomment ses idées riches en poésie et pourtant lourdes de penséessurgissent et s'assemblent dans son cerveau, car lui-même ne le saitpas et il ne peut donc l'enseigner à un autre.

En matière de science parconséquent il n'y a entre le plus grand inventeur et l'imitateur, l'apprentile plus laborieux, qu'une différence de degrés, mais il y a une différencespécifique entre lui et celui que la nature a doué pour les beaux-arts ;on ne veut pourtant pas diminuer ces grands hommes auxquelsl'humanité doit tout, par rapport à ceux qui par leur talent pour lesbeaux-arts sont des favoris de la nature.

Le talent des premiersconsiste à faire progresser toujours davantage les connaissances, etles avantages pratiques qui en dépendent, comme à instruire les autresdans ces mêmes connaissances et c' est là une grande supériorité surceux qui méritent l'honneur d'être appelés des génies ; pour ceux-cil'art s'arrête quelque part ; il a ses limites qu' il ne peut dépasser, qu' ila sans doute atteintes depuis longtemps et qui ne peuvent plus être reculées ; de plus, une telle maîtrise nepeut se communiquer, elle est dispensée directement à chacun par la main de la nature ; elle disparaît doncavec l'un jusqu'à ce que la nature confère à un autre les mêmes dons ; et il ne reste plus à celui-ci qued'avoir un modèle pour laisser se manifester de semblable manière le talent dont il a conscience » (Critique dujugement, § 47, trad.

de Joseph Gibelin, Vrin, 1946). Le génie ne se transmet pasLe terme « art » a pendant toute l'Antiquité et le Moyen Age, simplement désigné la forme de la productionartisanale.Ainsi, Platon oppose la « theôria », connaissance purement contemplative, au savoir-faire lié à la productionmatérielle (« technè »).

Cette dernière concerne la production et se définit comme création:« Ce qui, pour quoi que ce soit, est cause de son passage de la non-existence à l'existence, est, dans tousles cas, une création; en sorte que toutes les opérations qui sont du domaine des arts sont des créations, etque sont créateurs tous les ouvriers de ces opérations.» (« LE Banquet »).C'est pourquoi, pour Platon, les artisans sont tous poètes.

En effet, «poésie» signifie étymologiquement«faire», ce qui consiste essentiellement à faire être ce qui n'était pas, c'est-à-dire à créer.Si la technique (ou l'art) est création, elle porte sur le contingent, c'est-à-dire sur ce qui peut aussi bien êtreque n'être pas.

C'est en cela que la technique (ou l'art) s'oppose à la science.

Cette dernière porte, en effet,sur des essences idéales, c'est-à-dire éternelles et immuables.

On comprend, dès lors, que Platon,reconnaissant la fonction sociale de la technique, ne lui accorde aucune valeur humaine.

Insensible à la. »

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