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L'ART DU PLAIDOYER DANS LES « CONFESSIONS »

Publié le 15/02/2011

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Introduction.    L'art de persuader consiste d'abord dans un art de convaincre par l'exposé des faits et par l'emploi de raisonnements tendant à prouver que les faits sont en accord avec le code ou avec la morale. Mais comme « les hommes se gouvernent plus par caprice que par raison «, il est souvent plus efficace de faire appel à leur sensibilité et à leur imagination, de les émouvoir ou de flatter leurs goûts ou leurs secrets désirs. N'est-ce pas ce que nous pouvons constater dans les Confessions où Rousseau veut éluder les accusations lancées contre lui ? — Diderot, Grimm... reprochent à Rousseau d'être un faux ami, un philosophe contre les philosophes, qui a abandonné l'Encyclopédie. C'est par son insociabilité foncière qu'ils expliquent son goût pour la solitude et la nature. Rousseau se sent visé par la phrase de Diderot : « Il n'y a que le méchant qui soit seul. « (p. 86). Voltaire reproche à Rousseau ses tares, ses indélicatesses, son ingratitude, — reproche également formulé par Hume qui avait accueilli Rousseau en Angleterre, —l'abandon de ses enfants (Cf. les Sentiments des Citoyens de Genève...). Systématiquement Voltaire critique les ouvrages de Rousseau. — Devant le tribunal des hommes et de Dieu, Rousseau se défend.

« d'avoir été « défiguré » par ses ennemis, (p.

16). De cette manière, Rousseau peut présenter le bien comme le mal...

le bien plutôt que le mal : c'est sur le bien qu'ilinsiste, en conclusion, quand il fait le bilan : « Je me suis montré tel que je fus ; méprisable et vil quand je l'ai été,bon, généreux, sublime quand je l'ai été.

» (p.

18).

Epilogue du ruban volé : «...

je crains peu d'en emporter lacoulpe avec moi ».

Dans les Rêveries (4e promenade) Rousseau nous confie : « Sentant que le bien surpassait lemal j'avais intérêt à tout dire, et j'ai tout dit »...

« ...moi qui me suis cru et qui me crois encore, à tout prendre, lemeilleur des hommes.

» 2.

— L'art de toucher et l'art de plaire. L'argumentation de Rousseau ne manque donc pas d'habileté.

Mais il n'est guère d'argumentation habile dont on nedécèle les sophismes, et certains raisonnements de Rousseau sentent l'effort, notamment dans le chapitre consacréà l'abandon des enfants (p.

72). Pour emporter la conviction du public, il faut le conquérir tout entier : disposer des mouvements de son âme,exercer sur lui une véritable séduction.

Et Rousseau veut effectivement émouvoir et charmer autant que prouver,d'autant plus que — fait capital — il s'adresse au public sensible et romanesque qui a déjà assuré le succès de laNouvelle Héloïse. 1.

— Le pathétique. — Constamment Rousseau fait appel à la sensibilité de son public.

Quels n'ont pas été ses remords après le vol duruban ! Ne mérite-t-il pas une immense pitié, lui, le juste, 1' « homme naturel », victime de la société ? N'est-il pasrévoltant de voir que ses défauts sont dus à la société : à son absence d'éducation, à la dureté de son maître, M.Ducommun, qui l'a rendu fainéant, menteur, voleur ? Malgré ses tares et les mauvaises influences subies n'a-t-il pastoujours eu le goût de la vertu et tenté courageusement sa réforme morale ? (p.

73).

Les complots de Mmed'Epinay, Diderot, Grimm...

ne sont-ils pas odieux ? Le ton pathétique, véhément, est fréquent dans les Confessions.Qu'on relise à cet égard les adjurations de Y Avertissement (p.

16) : « ...je vous conjure par mes malheurs, par vosentrailles et au nom de toute l'espèce humaine...

» 2.

— Le roman de sa vie. Pour charmer son auditoire Rousseau fait, notamment dans les six premiers livres, moins le récit de sa vie que leroman de sa vie, roman qui plaira, comme a pu plaire la Nouvelle Héloïse où précisément les contemporains ont cruqu'il avait mis beaucoup de sa vie (Cf.

p.

91 et sqq.). Dans les Confessions les lecteurs...

et les lectrices de Rousseau retrouveront leurs agréables chimères, lesdélicieuses rêveries, la nature, la bonté, l'attendrissement...

Le rappel du succès de la Nouvelle Héloïse resserre lesliens de sympathie qui unissent le romancier et son public.

Le style lyrique, plein d'effusion, imagé, musical, exerceici, comme dans le roman, son indiscutable séduction.

Voici le couplet dans lequel Rousseau chante son bonheur auxCharmettes (p.

54) : « Ici commence le court bonheur de ma vie, ici viennent les paisibles, mais rapides moments qui m'ont donné le droitde dire que j'ai vécu.

Moments précieux et si regrettés ! Ah ! recommencez pour moi votre aimable cours, coulezplus lentement dans mon souvenir, s'il est possible, que vous ne fîtes réellement dans votre fugitive succession.

» Conclusion Que Rousseau ait réussi à persuader les lectrices de la Nouvelle Héloïse, le succès même des Confessions, des sixpremiers livres notamment, rend la chose vraisemblable.

De nos jours faisons-nous preuve de plus de réticence ? Enprincipe nous n'accordons plus aux bonnes intentions et aux remords l'importance extrême que leur accordait la findu XVIIIe siècle.

Les sophismes de Rousseau ne nous échappent pas.

Toutefois, à écouter Rousseau tout nous dire,nous sommes entrés davantage dans son intimité.

Nous comprenons les causes profondes de ses chutes morales :tares physiques, sévices subis dans sa jeunesse, absence d'éducation, mauvaises influences dès les Charmettes...Nous comprenons du même coup la part faite dans le plaidoyer aux bonnes intentions, aux remords, aux réactionsd'un orgueil maladif.

Et nous ne saurions condamner ces déficiences dans la mesure où elles portent la marque dumalheur.. »

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